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mercredi 14 novembre 2007

Venise à l'écoute des correspondances

Il faut bien que ce blogue ne soit plus sous l'égide des Correspondances pour que s'y découvre une savoureuse correspondance entre Paul et Réjean. Rien ne me fait plus plaisir que d'entendre de tels commentaires entre vous, cela me démontre que le mot passe et c'est mon but, somme toute. J'en profite pour préciser qu'un courriel m'annonce chacun de vos précieux commentaires. Merci !


À moins que Réjean ne lise beaucoup que de premières pages... Peu flexible ce Réjean, et très prompt à affirmer son opinion. C'est vrai qu'il est plus chic de se dire déçu que de se dire content, même un peu. Pour le Lise Tremblay, Réjean montre qu'il a du flair, mais que la prose épurée est son genre. Réjean serait-il un lecteur de Yoko Ogawa ?

Signé : Paul

Cher Paul,
J'espère que mes opinions ne vous bousculent pas trop. Certes, je suis prompt à dire ce que je pense, et des blogues littéraires comme celui de Venise sont là pour ça, non ? Je ne me dis pas déçu pour faire «chic», comme vous semblez le prétendre (croyez-moi, je déteste les snobs), mais bien parce que c'est vraiment ce que je pense. La prose épurée, oui, je m'en satisfais bien. Mais je n'aime pas que ça. Par exemple, je suis en train de lire le tout dernier Joyce Carol Oates paru en français. Ça s'appelle Mère disparue. J'aime beaucoup cette auteur américaine. La connaissez-vous ?

P.S. Êtes-vous le «Paul» qui fait de la bande dessinée et dont il est question dans le billet de Venise ? Si oui, vous faites du beau travail. Votre dernier album m'a bien plu et je n'ai pas lu que les premières pages... :-)

Signé : Réjean

Bonjour Réjean,
Non, je ne suis pas LE Paul, désolé ! Je suis content de vous lire sur vos choix. Je trouvais simplement que vous y alliez souvent un peu raide avec les nouveautés. mais ce sont les règles du jeu. J'ai présentement à côté de moi les deux nouveaux livres de la très prolifique - et pas toujours très pertinente -, J C Oates. Écrivaine remarquable. Je mentionnais Ogawa, parce que du côté de la prose étrange, c'est du bonbon.

Signé : Paul


Mais Paul, décidément, nous avons les mêmes lectures ! C'est vrai que Oates n'est pas toujours pertinente, comme vous dites, mais quand elle fait un bon roman, alors là, vraiment, c'est un plaisir toujours renouvelé. L'un de ses premiers romans, que j'ai lu trois fois tellement j'ai été bouleversé par ce livre, s'appelle Au commencement était la vie. C'est un chef-d'oeuvre de concision et d'émotion. Si vous vous intéressez à cette auteur, je vous le suggère fortement. Mais attention, c'est un livre très dur. Quant à Ogawa, c'est effectivement du bonbon, mais je crois que je l'ai trop lue : elle ne me surprend plus tellement, car je connais trop sa «manière». (Salutations à Venise !)

Signé : Réjean


Et que dire de Denise (Neveu) qui a rajouté à « Qu'est-ce qui fait écrire ? » ces mots très pertinents tirés de la bouche* de Jung :

Venise, je suis si contente de connaître votre point de vue sur la motivation d'écrire - ce cliché sur l'écriture pour névrosés en mal d'amour est trop répandu à mon goût. Excusez-moi de me citer, mais voici ce que j'écrivais à ce sujet dans mon dernier ouvrage Comme un livre ouvert, éloge et pratique de l'écriture sans frontières (Éditions du Roseau) :

« Selon Carl Gustav Jung, tout trouble psychique serait écarté si chaque humain portait ses images non peintes à la lumière et libérait ses poèmes non écrits. Est-ce un reliquat de notre culture judéo-chrétienne? Nous faisons un trop grand usage pharmaceutique de la création en l’appliquant comme un baume sur nos plaies vives. Ce postulat de l’art échappatoire pour névrosés semble indélogeable de notre ciboulot d’occidentaux. Tant d’artistes montent en épingle les souffrances de leur enfance pour justifier leurs œuvres présentes. Encore récemment, un auteur chevronné affirmait sur les ondes qu’il n’aurait jamais écrit s’il n’avait pas vécu sa jeunesse les joues coincées dans l’étau de l’incommunicabilité. Mais voyons voir… Pour une centaine de garçonnets emmurés comme lui dans le mutisme ravageur, un seul versera plus tard dans le camp des fabulateurs professionnels. Les autres se feront bouchers, professeurs de biologie moléculaire ou croque-morts. Pensez-vous vraiment que les bouchers et les croque-morts soient moins assoiffés d'amour et de reconnaissance ici-bas que les poètes et les romanciers? Et qui nous dit que les biologistes ne pleurent pas, au fond de leur laboratoire, le désarroi de leurs molécules d’autrefois?
Les réalisations artistiques ne sont pas toujours des s.o.s. désespérés et ne servent pas seulement à sublimer les aspects indigestes de la réalité. Nous gagnerions beaucoup, je crois, à exalter leurs fonctions de vitamine soleil, de puissance catalytique, de fontaine de jouvence. »

* Eh oui, il parle toujours ce Jung ! La définition d'un grand homme n'est-elle pas de parler encore plus après sa mort que de son vivant !

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