Il est rare que je lise un roman une deuxième fois. Si je l’ai fait cette fois-ci, c’est au nom du souvenir d’un roman frappant par son originalité. Et pour le faire connaître à Marc.
Qui n’a pas lu ou entendu parler de Nikolski ? Les chemins sont déjà débroussaillés, que dire pour vous apprendre quelque chose, que dire sans se répéter à l’infini et comment ne pas mélanger mes impressions de première et de deuxième lecture ?
Je commencerai donc par un aveu, j’ai réalisé que je me souvenais peu de l’histoire mais plus de la sensation qu’elle m’avait procurée. Alors quand Marc, intrigué, me posait des questions, je répondais par un « Ah, tu verras bien » mais cela aurait pu être « Ah, je ne le sais pas plus que toi ».
L’histoire en est une de trajectoires, celles de trois destins liés par le sang, sans le savoir. Se croiseront-ils, seulement, ou se reconnaîtront-ils ? Peut-être le résumé le plus court rédigé de ma vie, remarquez-le je vous prie, c’est peut-être le dernier, aussi bref s’entends.
L’originalité maintenant, puisque c’est elle qui m’a tant frappée. Pour cela, je reviens à ma première lecture voici environ trois ans. Je lisais peu à ce moment-là et les romans, pour moi, se découvraient avec un personnage central et des secondaires qui se contaient leur petite histoire, ensemble, pour qu’elle se dénoue et échoue au mot fin d’une manière convenue. Et puis, là, m’arrivent ces personnages qui ne savent même pas qui est le principal du secondaire, qui se camouflent derrière les branches de leur arbre généalogique, les branches se frottant ensemble sans s’entrechoquer. C’est du haut des yeux du lecteur que se lisent ces destins. On se sent devin ou divin, selon ses croyances, mais un peu égarés aussi sur cette carte exposant des trajectoires de vies, celle d’une mère aussi, car l’homme cherche souvent les vestiges de la sienne, archi connu ça.
Le style de Dickner n’est pas en reste de l’histoire, il se tient dans du jamais vu, du unique dans son genre, comme devrait l’être le style de chaque écrivain en somme. Sa précision vient de l’énumération, un homme de laboratoire du mot, qui les accumule pour des expériences sensorielles, inlassable ramoneur de marge ramenée au cœur du texte. Le marginal, de par sa définition, n’a pas la vision attendue et je soupçonne qu’il n’y a là aucun effort de sa part, c’est du lui-même craché en mots pesés, soupesés, ciselés.
Bon, j’arrive à ma confession ; j’ai préféré ma première lecture à ma deuxième. Même roman pourtant, les lignes ne se sont pas mises à divaguer sous la couverture, alors je m’accuse de ma très grande faute ; avoir lu d’autres originaux. C’est donc de l’ordre de la bonne nouvelle. On se réinvente ici, au Québec, dans mon cher Québec de son nom de province, on réinvente l’originalité à cœur de jour.
Mais vous dire jusqu’à quel point j’ai hâte de lire son deuxième roman, ça se dit même pas !
Alors, je ne le dirai pas.
Nikolski, Nicolas Dickner, Alto 322 pages. -
N.B. Au moment où je publiais ce billet, blooger était en difficulté et refusait toute illustration (snif ! ... je me reprendrai !)
16 commentaires:
J'ai apprécié le style, l'originatlité, mais je n'ai toutefois pas aimé l'histoire. J'ai même été déçue. J'en avais tellement entendue parler, je m'attendais à plus...
Oué! Beau billet! Si senti et cependant pondéré, tout en nuances entre le livre, son auteur, le lecteur du billet et potentiellement du livre. De la dentelle en fil de fer.
Nic est une sacrée plume et un chic type, pas du genre molosse jaloux prêt à tous les crocs-en-jambe d'obsessive ambition pour que trébuche un confrère favorisé par le soyeux regard vénitien d'une lectrice virtuelle, et de toute manière la mienne est plus grosse que la sienne.
@ Sophie : En quelque part, les excellentes réputations lèvent la barre très haute et exige un puissant élan pour la sauter.
J'avoue, oui, j'avoue que ma deuxième lecture me fait mieux comprendre votre commentaire que ma première où j'étais complètement subjuguée par la nouveauté.
@ Mistral : Tu me flattes, merci, je prends, je prends.
Contente mais pas trop surprise d'apprendre que cet auteur n'est pas mesquin, pour toute sa manière de se tenir en marge, hors champ, comme ils disent dans le Voir. On a beau s'en douter, rien ne vaut une confirmation, et de ta bouche en plus !
Pas mesquin, ça reste à voir! Quelle vilaine habitude de me paraphraser! Je travaille fort sur mes phrases et si je veux écrire que Nic n'est pas mesquin, je suis capable, et si je l'écris pas, ben ça finit là!
Pour tout te dire. Dès que j'ai eu tourné la dernière page de Nikolski, j'ai repris la lecture au début. Me voyant faire, mon chum m'a arraché le livre des mains... ‹ Si c'est si bon que ça, c'est à mon tour» !
Signé : Line
J'aime vraiment beaucoup ton billet! Il va peut-être réussir à me faire déterrer ce livre de ma pile à lire!!!
Très belle note , et qui donne envie de découvrir ce livre et son auteur .
Merci , Venise, toujours beaucoup de plaisir à venir te lire .
Par contre, il ne faudra pas faire de cet auteur un intouchable, une sorte de Robert Lepage de l'écriture ou même un cirque du soleil des mots. J'ai dans l'idée qu'on va le voir bientôt à Las Vegas à guichet fermé.
@ Anonyme : Ça vous inquiète vraiment qu'il devienne un intouchable ?
On ne sait jamais, à Las Vegas, ça pourrait être à guichet ouvert ? Je ne me précipiterai pas pour autant, j'attendrai le prochain spectacle, Tarmac :-) vu que le premier, je l'ai vu deux fois, avec une légère déception à ma deuxième fois.
Les intouchables deviennent tous prévisibles malheureusement.
Ils vieillissent mal et ne font que se répéter, une certaine bourgeoisie culturelle finit pas remplacer le talent.
Et puis, il est plus brillant qu'il n'est écrivain.
Effronté, l'Anonyme. Nick est tellement écrivain qu'il s'est fait un sang d'encre. Vieillir mal est une expression stupide que seul un jeune innocent peut employer. Se répéter est le propre d'un écrivain majeur, s'embourgeoiser est naturel et sain pour un artiste mûrissant, sinon qu'attendre d'un vieux qui joue au jeune ek des tatoos dans face pis qui vit dans rue comme à vingt ans... Le talent n'est qu'un ingrédient, mineur, dans ce qui fait un écrivain. Grrr.
Un écrivain ne doit pas devenir trop prévisible. Je crains que Nicolas ne soit devenu malgré lui une institution et c'est dommage car il est vraiment sympathique.
En connaissez-vous, des institutions qui ont de la fraîcheur?
D'ailleurs, il paraît que Star académie pense à approcher Nicolas Dickner comme prof d'imagination. Marie Laberge n'est pas libre, elle est prise pour écrire du courrier à la main, paraît-il.
L'anonymat est une institution. Prévisible, en effet.
Nick est un écrivain dans la force de l'âge et bataillant avec son talent, crissez-y donc la paix qui que vous ne soyez pas.
Nicolas est un type adorable. C'est juste, qu'une carrière trop téléphonée peut s'avérer nuisible au final, pas pour nous mais pour l'auteur. Je ne l'accuse pas, je le défends, nuance. J'y vais avec un humour un peu caustique, c'est vrai mais parfois j'ai l'impression que l'on entend le roulement des critiques sur son prochain roman. Avec cet air de déjà connu, de déjà vu. Tiens je pourrais, dès maintenant vous pondre le cahier week end de la Presse.
Nicolas, sois imprévisible!
@ Anonyme : Je lui fait confiance pour l'imprévisible. Dans la routine, le convenu, ou le prévisible, il se meurt à petits feux. Il paralyse, gèle, se statufie.
Y paraît que Tarmac, c'est toute une autre affaire que Nikolski.
Refaire du Nikolski, l'aurait ennuyé.
Il ne faut pas oublier qu'il a l'éditeur pour aller de l'avant ; Antoine Tanguay d'Alto qui prends des risques, qui ne se cantonne pas à une recette de grand chef écrivain.
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