Je commence par un coup de cœur (je commente celui-ci avant l’enfant du Che). Je suis dû. Le cœur, c’est un moteur de lecture. Les Filles ... ah, les filles. Je les aime. J’ai appris à les aimer. L’auteure, on pourrait quasiment dire, leur mère littéraire a eu l’art de nous amener à les regarder vivre. Sans que l’on se sente aucunement voyeur. Le récit se déroule trop dans un esprit d’amour pour cela. Il faut qu’une auteure aime ses personnages en pas pour rire. Voyez, je dis « personnage » et j’ai quasi l’impression de profaner leur mémoire. Elles sont vivantes, je vous le dis, elles sont vivantes ! Dans ma tête, bien sûr dans ma tête. Et dans combien d’autres, dont celle de Marc (il m’a confié que c’est le livre le plus intéressant que je lui ai lu à voix haute jusqu’à date).
C’est l’histoire d’une vie mitoyenne. Et plus. Beaucoup plus difficile pour moi d’exposer les faits quand j’ai un coup de cœur. Je suis un peu émotive, voyez-vous. Bon, je vais faire un effort pour vous situer un peu quand même, des fois que ça vous donnerait le goût de les adopter à votre tour, ces jumelles craniopages (reliées par la tête). C’est leur histoire de vie qui n’exploite en rien le côté spectaculaire, plutôt le contraire. Je dirais même qu’un des messages serait celui-ci : qu’importe la différence physique qui nous distingue, on a un quotidien « quotidien ». La vie de tous les jours a ses gestes remplis d’habitudes, de câlins, d’embêtements, de réalisations, de déceptions.
Elles sont jumelles, mais ô combien différentes ! Comment vivre sa différence quand ses jambes sont les jambes de l’autre aussi ? Elles ont chacune une tête, une âme, des goûts et des besoins différents. Ça exige de la concession tout ça ! Tout couple symbiotique en fusion amoureuse pourrait puiser dans cet exemple. Elles, elles n’ont pas le choix de le vivre, aussi bien s’aimer une et l'autre !
L’auteure ne s’est pas contentée d’avoir le talent de raconter la vie ordinaire de jumelles extraordinaires, elle a osé un procédé. Rose,une des jumelles a le vif désir d’écrire sa vie. Et elle l’écrit, avec acharnement. Et on la lit page après page. Ruby, quant à elle, s’intéresse plus aux artéfacts amérindiens avec cet art de ne pas se casser la tête ! Ces jumelles ont des parents adoptifs, un couple âgé, oncle Stash et tante Lovey, attendrissants dans leurs imperfections. Aucun héros dans cette histoire, juste des êtres humains tout ce qu’il y a d’humain, avec des tares et des torts.
Extrêmement présent est le regard des autres. Cela a quelque chose de passionnant qui nous ramène aux malaises ressenties devant les anomalies. Et la solitude que ça entraîne chez ceux que l’on peut regarder comme des bêtes de cirque.
Ruby, qui se moquait un peu de la soif d’écrire de sa sœur, finit par s’y mettre elle aussi et rédige son journal sur un ton léger. Quelle bonne idée, qui fait comprendre que, même soudées par la peau du crâne, la vision d’une personne à une autre diffère totalement. Est-ce le fait que l’auteure a donné la parole à Rosy et Ruby mais je garantis presque de s'attacher à ces filles !
Une leçon humaine. À lire.
Les Filles de Lori Lansens - traduit par Lori Saint-Martin et Paul Gagné, ALTO, 576 p.
15 commentaires:
Je n'ai pas de soeur, toute ma vie je me suis collée sur des familles où il y a 4-5 et même 7 filles. Sans faire exprès. Je sais que je suis toujours cherché une jumelle.
Alors, c'est certain que ce livre fera partie de ma prochaine demande, mercredi prochain à la bibliothèque. Merci.
Je refais surface ce matin et le premier commentaire que je lis en est un très positif sur un livre que je possède depuis sa sortie et que j'ai très hâte de lire!! (Les briques me font en général très peur, mais celle-ci ne semble pas très méchante! :oP)
@ Claudel : C'est une expérience de lecture. Il y a le sujet, la vie, l'amour, la maladie, la famille, les différences mais le comment m'a impressionné. Marc et moi avons eu vraiment l'impression de lire du vrai, une autobiographie en fait, c'est si habile, si fort, que je demande à les rencontrer, ces filles.
Jules qui refait surface :-)
...
J'étais sous l'impression que tu l'avais lu ! Je suis exactement comme toi pour les briques. N'aurait été de la blogosphère (me suis plus exactement où par contre), je ne suis pas sûre que j'aurais osé. Je n'ai lu aucun commentaire négatif jusqu'à date. Le pire que j'ai entendu est de Dominique Lévesque, chroniqueur livre cet été, il a beaucoup aimé en trouvant ça un peu long. D'après moi, c'est qu'il en avait trop à lire, car une fois attaché à des personnes, comment peut-on trouver ça long d'entendre de leurs nouvelles.
D'avoir les deux visions écrites des jumelles, c'est très intéressant mais celle de Ruby tarde un peu, c'est à dire qu'elle ne se décide pas tout de suite à nous écrire. J'avais un petit faible pour Ruby qui voit la vie avec plus de légèreté, ne serait-ce que par sa position physique avec sa soeur (tu comprendras mieux quand tu le liras !)
Alors, c'est un rendez-vous d'opinions, en ton temps, à ton heure.
Ah un autre qui attend bien patiemment dans ma pile à lire mais je sens que c'est moi qui vais devenir impatience et en devancer sa lecture.
Suzanne, tu vas voir que les filles, particulièrement Rose, est impatiente d'être lue. Elle y tient beaucoup.
Toujours hâte bien sûr de savoir si tu vas partager mon enthousiasme.
Très contente de lire enfin ta critique! Wow, tu as toute mon admiration pour avoir lu ça à voix haute... et félicitations à Marsi pour avoir écouté... Ayoye!!
J'ai beaucoup aimé ma lecture également (cadeau de Jules - merci Jules!). J'avais l'impression de les voir et de les "sentir" tellement c'était bien écrit. Je vais le prêter autour de moi, c'est clair!
Je n'arrivais pas à me décider sur ce livre mais ça va, je suis convaincue. J'avias peur du spectaculaire et du voyeurisme, en fait... si ce n'est pas le cas, why not!!
@ Virge : Incroyable la sensation de réalité de ce roman. J'ai été lire les remerciements au commencement de ma lecture, juste pour me convaincre que ce n'était pas une autobiographie ou un duobiographie !
Pour la lecture à voix haute, je prenais soin de changer d'énergie de Rosy à Ruby. Pas la même écriture, pas la même personnalité, quand l'auteure est efficace, c'est facile.
@ Karine : Sincèrement, je pense que tu vas aimer. C'est prenant humainement. C'est même une grande leçon de vie sans aucune morale. Et puis, on sent le temps passer dans cette lecture, comme dans la vraie vie. Ça sort de l'ordinaire, je t'assure.
"La vie ordinaire qui sort de l'ordinaire" ! ça donne envie de le lire. Merci pour la découverte... et la manière alerte de ta "critique". Les femmes généralement savent bien écrire sur la vie et ces petites choses dont elle est faite. savoir ne pas passer à côté : c'est un art ! bises.
Carole, tu me tentes trop. Je sens que je ne résisterai pas longtemps, et déposerai mes pieds (doucement) sur des oeufs jusqu'à peut-être les mettre dans les plats : oui, je trouve que les femmes écrivent différemment et manie l'art du détail quotidien avec brio. Et naturel.
J'ai beaucoup aimé! C'est un roman très différent, auquel on ne s'attend pas en débutant la lecture. L'auteur en publiera un autre chez Alto bientôt. J'attends avec impatience...
Allie : Tu m'apprends là une bonne nouvelle. Une prochaine publication ? je suis preneuse !
Venise, il sort en anglais cet automne ("The Wife's Tale") et Alto publiera la traduction quelque part en 2010! Vivement!
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