J’ai lu les quatre tomes : Marie, Serge, Les hommes, Confessions. J’espère que vous entendez mon ton de fierté ! Voilà pas si longtemps, on me parlait d’un album et j’avais des réticences.
Je vais vous en parler en toute simplicité ... je tends l’oreille et vous entends dire que c’est pas mal ce que je fais habituellement ! Je m’explique. Je ne suis pas comme l'explorateur BD de la Lucarne à Luneau qui vous décortique les séries, un album après l’autre, dans ses moindres détails, les personnages passant sous sa loupe grossissante. Il complète son analyse faite sur un ton très vivant par « Les plus grandes forces » et ce qui « l’a le plus agacé ». Je n’en reviens pas de le voir aller ! Ce n’est pas qu’un explorateur, c’est aussi un scruteur BD ! Tandis que moi, je vais vous balbutier mon laïus comme la néophyte que je suis.
Je commence par vous situer sur cette série qui remporte un gros succès au Québec. Une recette assez consistante :
• Deux dessinateurs :
- LOISEL : « met en scène l’histoire d’un crayon leste et généreux »
- TRIPP : « distille des ambiances sensibles et vibrantes par son trait et sa lumière »
• Scénario et dialogues : LOISEL & TRIPP
• Adaptation des dialogues en québécois : Jimmy Beaulieu
• Couleurs : François Lapierre
Si vous ne le saviez pas déjà, vous avez déduit que LOISEL & TRIPP sont des Français vivant maintenant au Québec. Et ils ont voulu parler du Québec rural (je dis « ils » mais il est précisé « sur un thème de Régis Loisel ») des années 1927, dans le temps où le magasin général était le centre névralgique du village, par là où les denrées vitales vont et viennent. C’est le lieu naturel de tous les rassemblements et du coup, du placotage et du commérage.
Premier tome, nous faisons connaissance avec « Marie », brave et effacée femme qui essaie de tenir le magasin général après la mort de son mari. Elle en a gros sur le cœur et sur les épaules et on l’a prend vite en sympathie. Heureusement pour moi qu’il y a eu Marie, sinon ... j’aurai manqué de motivation pour continuer. J’avoue m’être demandé ce qui avait tant accroché les lecteurs à ce premier tome qui m’est apparu comme une mise en situation avec une présentation assez lente des personnages d'où on sent du potentiel oui, mais quand même. Je salue ici la perspicacité des amateurs ! Pour ma part, la lecture n’a pas coulé de source, je trouvais le dessin sombre avec des traits effilochés qui m’embrouillaient la vue afin d'arriver à discerner et placer des personnages que je trouvais assez semblables et un peu statiques.
Le deuxième, « Serge » ; la table est mise. Ça commence à surprendre, on entre dans une histoire qui s’annonce hors du commun. Avec le troisième « Les hommes », ça se corse. La méchanceté, les oppositions, les tensions, l’étroitesse d’esprit, le mystère, on ne sait plus où donner de l’œil. Le dessin s’éclaircit, ce qui a tout pour me plaire, moins d’ombres et de ces coups de crayons qui me confondaient. À « Confessions », ce quatrième, je palpitais et les pages se tournaient vite, je devais me forcer à ralentir pour savourer et ne pas avaler comme une gloutonne. Le vent est dans les voiles, avec l'impression de voir l’histoire se pousser d’elle-même emportée par la fougue de ses personnages qui s’auto-biographient. Il y a de nombreux gros plans ; chuchotements de secret et émotions amoureuses obligent. Le crayon se tient près de l’émotion, ce que j’aime beaucoup.
Je me range donc dans la file des fans et attends patiemment le cinquième.
6 commentaires:
Je n'ai lu que le premier et n'ai pas été vraiment convaincue... je n'ai jamais osé ressayer... tu vas réussir à me faire changer d'idée!!
Chère Venise, tu m'impressionnes vraiment!! Non seulement suis-je ébahi de constater que tu te surpasses en lisant tant de BD, et en persévérant malgré tes doutes suite au premier tome, mais ton analyse est très juste et toute aussi complète que les miennes: tu n'as rien à m'envier!!! D'ailleurs, tu es plus rapide que moi, avec cette série: je n'ai pas encore lu le dernier, «Confessions»!
Pour ce qui est de la lenteur que tu attribues au premier tome, non seulement je suis d'accord, mais c'est cet aspect que j'ai apprécié! On sentait que les auteurs voulaient prendre leur temps. (D'ailleurs, savais-tu qu'à l'origine, le projet devait s'étaller sur quatre tomes... mais que les auteurs se sont ravisés et on décidé de s'enligner plus pour 10?!).
J'aime particulièrement la délicate attention qu'ont eue les auteurs de faire appel à un Québécois pure laine pour valider les dialogues: M. Beaulieu a fait un excellent travail, sans tomber dans le cliché du joual incompréhensible. Chapeau!
Avant de terminer, une autre anecdote de l'explorateur-voyageur: j'ai trouvé particulièrement étonnant, lors de mon voyage au Portugal, il y a deux ans, de constater que les librairies de là-bas étaient toutes garnies de six ou sept exemplaires de Magasin Général, en version portugaise!! Ça me faisait tout drôle de retrouver mon terroir, et les dessins de Loisel et Tripp, à des milliers de kilomètres de chez-moi!!
Je te souhaite encore tout plein de belles découvertes bédéesques!!
Je n'ai que les 2 premiers tomes que je relirais bien tiens, j'ai cherché désespérément le 3e, probablement avant qu'il ne soit disponible par ici.
Maintenant je pense que je pourrais le commander chez Payot.
Mais vu les prix.... je pense que ma priorité ira à Paul ;)
Je suis bien contente de lire ton enthousiasme de découvreuse de BD!
@ Karine : Si je pouvais te les prêter, mais nous sommes loin d'être voisines, tu te laisserais peut-être tenté. Ou bien est-ce tout simplement un cas de Bibliothèque. En tout cas, si tu as l'occasion, moi je te dis que ça vaut la peine. Il y a une belle histoire d'amour :-)
@ Pierre-Greg : Tu aimes quand les auteurs installent leur histoire, ainsi tu te promets plein de tomes à t'acheter étant donné que tu as tant de murs à couvrir chez toi ;-) !!! C'est sûr que le premier tome me faisait penser à ces films qui s'annoncent longs, des sagas. Heureusement pour moi, Marie a sauvé la donne. Ce n'est pas pour rien que ce premier tome s'appelle Marie.
Pour ce qui est du québécois, j'ai pris la peine de soupeser chaque expression. Nous sommes portés à être particulièrement critiques quand il y a eu une personne assignée pour cette tâche exclusivement. Il n'y aurait pas fallu qu'elle se trompe ! Par contre, je serai extrêmement curieuse d'entendre la première version à la française. C'est pas tous les jours que l'on voit des "traductions" en québécois !!!
Béo : Oui, découvreuse et vraiment, je me dis que j'ai manqué quelque chose jusqu'à date. Mais il est très facile pour moi de me reprendre ! Je vis dans une Bibliothèque de BDs ici. Avant que j'ai découvert toutes celles qui y sont déjà, il va avoir une autre bibliothèque de remplie.
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