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mercredi 21 octobre 2009

Mégot Mégot Petite Mitaine - Johanne Alice Côté

Voulez-vous me voir patiner ... sans glace ? Eh bien, écoutez cette tentative de commentaire de lecture. Premièrement, j’aurais eu un soupçon à votre place, j’ai terminé ce recueil depuis bientôt deux semaines et je n’avais pas encore publié de commentaire. Il y a « cogiter et cogiter ! ». En fait, j’ai sauté sur tous les prétextes qui passaient à la file pour éloigner l’heure de cette confrontation avec moi-même, au nez de vous qui me lisez.

Le fait avouable est que je me souviens seulement de trois nouvelles sur les dix. Et encore ! Ce soir, ma rigueur aux abois, j’en ai repris huit, traversant les paragraphes en diagonale pour me remémorer sans relire le mot à mot. J'avais l'impression d'une première fois. L’idée étant de cerner si c’est ma mémoire qu'on doit traiter de défaillante, j’ai testé chaque titre avec Marc, lui demandant s’il se souvenait de l’action. Avec certains efforts, il en a retracé six : « Les tomates pousseront d’elles-mêmes », « Paragraphe pour toi, mon amour » « Exposition orale », « Grâce », « Un brownie ! Yé ! » « Mégot Mégot Petite mitaine ». Et à moi, l’amnésique, il me les racontait... et je restais dans le rêvé avec cette même sensation qu’à l’éveil du sommeil quand flotte encore autour de soi de la brume de nébuleuse. Ce moment particulier entre la terre du sommeil et la mer de l’éveil où l’on s’essaie à attraper les faits et les personnes avant qu’ils ne s’estompent. Une vapeur céleste. Voilà ce à quoi me font penser ces histoires éthérées. On y accoste pourtant, pour de vrai, au chevet de moribonds, on s’y recueille comme se recueillent les êtres qui errent en esprit vagabond, bondissant d’un endroit à l’autre sans déplacement de corps. On se leurre. On sonde et on se songe. On s’évanouit. On capture sa pensée ou on l’envoie à l’autre, sortant à peine de soi pour le rejoindre là où il n’est pas encore. Si j’ai une excuse d’avoir déserté ma conscience pendant ma lecture se serait que cette évasion hors de mon corps a servi à mieux lire cette prose qui se décompose.

C'est seulement à la nouvelle « Un brownie ! Yé ! » que mon âme a réitéré son corps pour entendre les pleurs lancinants de cet enfant gâté, jusqu’à la pourriture, qui torture sa mère manipulable comme une boule de pâte à gâteau.

Ces dix nouvelles m’ont fait traverser la frontière du temps au-delà de mon espace de vie. J’ai vécu ailleurs et n’en suis tout simplement pas revenue avec mon bagage de mots, de cette vadrouille, je suis revenue bredouille. Ces nouvelles m’ont kidnappé l’esprit, je dois m’y résigner, comme vous devrez le faire de ne pas m’entendre aussi clairement qu’à l’accoutumée.

Oyé ! Oyé ! Que ceux et celles qui les ont lues sans s'évader qu'ils se lèvent et s’expriment, en comptant que Johanne Alice Côté leur en serait gré. Je vous laisse sur les mots d'une mère qui agonise :

"Si tu n'as pas peur de me regarder, tu repères sans doute une lisière de blanc sous les cils, et peut-être un croissant de pupille décolorée. Mes yeux ne s'ouvrent plus mais ne se ferment pas complètement. Ils captent juste assez de lumière pour recréer dans mon cerveau les formes qui rappellent la vie. Derrière mes yeux, il n'y a déjà que des fantômes."

("Me brûle, me brûlera" - p. 44)

13 commentaires:

Dany Leclair a dit...

j'ai lu l'an passé, pour le prix littéraire des collégiens, et j'en étais sorti avec la même impression que toi. Un livre qui m'avait vraiment déçu.
La revue entre les lignes a même fait de J.A. Côté une auteur de la relève à surveiller. Je me demande encore pourquoi...

réjean a dit...

Il y a de ces mystères parfois dans notre beau monde littéraire. Un critique s'empare tout à coup d'un livre, l'aime et le porte aux nues. Et puis les critiques s'enchaînent. Personne ne veut être en reste. Ah, s'il fallait qu'on passe à côté d'un grand livre ! Ledit recueil a même l'honneur de se retrouver finaliste au prix des collégiens. Quelle consécration ! Amateur de nouvelles, je l'ai lu et l'ai trouvé très inégal. J'ai le sentiment d'avoir fait une lecture inutile. Pour moi, ça ne valait pas le détour et encore moins toutes les bonnes critiques branchées...

Venise a dit...

Bon, eh bien, je me sens moins seule Dany. Mon conjoint, Marc, à qui j'ai fait cette lecture à voix haute, s'en souvient plus clairement que moi. Il se repère plus facilement dans ce style que j'ai prise pour de la prose poétique. Comment faire des compte-rendus de poésie ? Rien de plus difficile ... pour moi, en tout cas ! J'ai cependant beaucoup aimé son style, en autant que je n'ai pas de billets à rédiger !

Venise a dit...

Bizarrement, Réjean, je ne sais pas où j'avais été pêché ça, j'avais l'impression que vous l'aviez appréciée, en tout cas plus que ce que vous en dites.

Je comprends ce que vous voulez dire par "lecture inutile" mais reste que ça dépend tellement de ce que l'on recherche dans une lecture. Marc est tellement un lecteur différent de moi, pour lui une nourriture de son imaginaire est extrêmement utile.

N'empêche que c'est vraiment la première fois de ma vie que je n'arrive pas à fixer des histoires dans ma mémoire ... à ce point-là !

réjean a dit...

Honnêtement, je ne crois pas m'ëtre déjà prononcé sur ce livre. En tout cas, sûrement pas pour en dire du bien.

Dominique Blondeau a dit...

j'ai beaucoup aimé ce recueil de nouvelles, comme quoi tous les goûts sont dans la nature !

J'en parle dans mon blogue sous le tire «Nouvelles grinçantes»... en 2008 je crois.

Venise a dit...

Réjean : Mais comment ai-je pu être si certaine que vous l'aviez lu ?! J'ai cherché, le seul indice que j'ai trouvé, bien mince, est que vous avez tout de suite associer l'incipit au titre le jour où j'ai mis un jeu de reconnaissance d'une liste d'incipits. Mais pourquoi diable étais-je sur l'impression que vous l'aviez aimé !? Mon imagination me jouerait-elle des tours ...

Venise a dit...

@ Dominique : C'est certain que je vais aller lire votre commentaire de lecture. Ça m'intrigue. Je suis loin de ne pas avoir aimé, il y a tellement moins agréable que cette lecture mais elle m'a peu marquée pour ne pas dire du tout. Le moment agréable dure le temps de la lecture mais est-ce un si grand défaut ?!

Reste que je me suis interrogé à savoir comment se fait-il que certains écrits se font oublier si facilement comparativement à d'autres ?

Blue a dit...

Je m'avance peut-être car je n'ai pas ta pratique et ton endurance, Venise, mais pour moi les lectures que j'oublie vite sont de deux natures, ou qu'elles n'ont pas percutées avec mon monde intérieur ou l'humeur du moment ou alors parce qu'elles sont trop comment dirais-je éphémères inconsistantes et donc passent comme de rien.
Je ne parle pas de ce recueil que je n'ai pas lu mais en général, alors que ça va sans dire d'autres lectures sont de vraies rencontres qui remuent, j'avoue que je préfère!

Amitiés.
Blue

Suzanne a dit...

J'ai pris dans mes mains ce recueil et ce à quelques reprises lors de petites balades à la bibliothèque et chez le libraire mais je le reposais. Ça me disait de ne pas prendre!!! Et bien que chacun ses goûts puis à la lumière de ton billet et de quelques avis négatifs, je ne crois pas le lire.
J,aurai bien consolation car j'en ai tant d'autres à lire. Lol!
Belle journée gentille dame.

Venise a dit...

helenablue : Oui, mais justement comment savoir avant de lire si cette lecture va nous remuer ?

Je reste bien d'accord, le "après" est un gros facteur, encore là, quand j'écris le billet rapidement, je ne sais même pas encore si la lecture va s'imprimer en moi. Voilà pourquoi il faut rester ouvert ... à sa voix intuitive quand on choisit un titre.

Merci de ton commentaire, chère helenablue.

Venise a dit...

Suzanne : C'est peut-être un cas de bibliothèque ou de prêt car je n'oublie pas que tu aimes la poésie. Ce n'est pas dit que tu n'aimerais pas ... être tout près de toi, je n'hésiterais pas à te le prêter :-)

Laurence Prud'homme a dit...

Je retiens surtout le magnifique suicide de "Les tomates pousseront d'elles-mêmes": une toute petite fenêtre sur le rebord de laquelle le lecteur se penche, insouciant, sans se douter du puissant vertige qui le prendra bientôt...