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mercredi 3 février 2010

La traversée des sentiments - Michel Tremblay

On dirait que je trouve, et même cours, après tous les prétextes du monde pour ne pas vous parler de La traversée des sentiments. Pourquoi ? Parce que ... parce que ... pas facile à dire, mais je suis déçue pour des raisons autres que purement littéraires. Mais je vais commencer par le littéraire.

Ce troisième tome est un prolongement qui suit de très près le deuxième La Traversée de la ville par Rhéauna, enfant de 11 ans. Lorsque l’on s’est ancré à des personnages, la hâte de renouer avec eux nous rend souvent exigeant, est-ce parce que mes attentes étaient élevées mais j’ai trouvé cette fin d’histoire bien tranquille, elle aurait pu tout aussi bien se nommer la Traversée de la tranquillité.

J’aborde plus ce troisième tome comme un prolongement qu’une suite ; deux ans plus tard, on retrouve les mêmes personnages, ils n’ont pas évolués. La mère veut partir une semaine en vacances avec ses deux sœurs, sans ses enfants : Rhéauna (Nana) et Théo. N’oublions pas que Rhéauna, 13 ans, prend soin de Théo à l'année, je dirais plus maternellement que sa propre mère. Par une entourloupette du destin, la mère partira obligatoirement avec ses enfants. Les trois sœurs en vacances, Maria (la mère), Teena, Tititte seront hébergées dans les Laurentides, dans un village éloigné, dans la maison dite suspendue d’une cousine, Rose, mariée à un amérindien, virilement beau et porté sur la bouteille. Rose est cette femme sensée à qui Teena a confié son fils de 7 ans pour qu’elle en prenne soin dans cette maison qu’elle a elle-même achetée.

Juste pour vous donner une idée de la lenteur de l’action, la moitié du roman se déroule avant le départ, relatant principalement la question d'amener ou pas les enfants, les inquiétudes, les préparatifs. Ça m’a fait penser au peintre qui devant son tableau déjà complété rajoute de petites touches, de ces détails qui peaufinent l’oeuvre. Ce roman nous offre une fin d’histoire approfondie et bien fignolée, mais en même temps la trame se trouve comme figée dans le temps, on s’enfonce dans les détails. Cette escapade dans le bois, Rhéauna, celle qui a décidé qu'un jour elle deviendrait écrivaine y tenait mordicus, malgré le prix à payer de prendre complètement en charge son frère. Elle a dû promettre à sa mère qu’elle n’entendrait pas son frérot de deux ans de toutes les vacances. Vous imaginez, quasiment un cas de DPJ maintenant ! À ce compte-là, l’insouciance de sa mère peut bien taper sur les nerfs de Rhéauna, même si elle l'adore.

Vers la fin de cette fin de roman, l’auteur se permet la fantaisie d’introduire généreusement son prochain roman « Les contes de Josaphat-le-violon ».

Ma déception ne vient pas à proprement parler de l’histoire elle-même. Quand je suis attachée aux personnages, j'apprécie la lenteur d’action et le fait d’entrer dans le pointu des détails des caractères, d'autant plus que Tremblay fait montre d'une habileté incontestable pour le faire. C’est plutôt un certain abus qui m'a fait réfléchir. Je ne rechigne habituellement pas à la dépense pour m’offrir des romans, vous vous en doutez bien, mais cette fois, j'ai pensé au lecteur qui débourse 25.95 $ (+ taxe) pour son exemplaire qui aurait pu tout au bien se retrouver en DEUXIÈME PARTIE de la Traversée de la ville. Ça ferait peut-être moins concept, c’est vrai, et un peu moins lucratif pour l’auteur, mais d’un autre côté, j’ai eu conscience d’avoir sorti 75 $ de ma poche pour acquérir ces trois romans qui auraient pu facilement en être deux.

Monsieur Michel Tremblay continuera sûrement à faire comme il l’entend, il dispose de cette latitude, mais personnellement, à l’avenir, j’emprunterai ses trilogies ou quadrilogies à la Bibliothèque, préférant réserver ce montant pour de jeunes auteurs non établis.

24 commentaires:

Réjean a dit...

Venise, je ne suis pas sûr que votre calcul tient. Si La traversée de la ville et La traversée des sentiments n'avaient fait qu'un volume, il aurait été plus épais et donc plus cher. Je ne crois pas non plus que Tremblay pense au côté lucratif lorsqu'il conçoit des romans. C'est probablement son éditeur qui voit ça. Cela dit, le problème, c'est l'empressement à le publier bon an mal an. On aurait pu attendre trois ou quatre ans pour sortir les trois traversées en un seul volume. Au final, cela aurait fait une oeuvre plus forte. Quoi qu'il en soit, je n'aime pas beaucoup ces «suites».

Andrée Poulin a dit...

J'aime bien votre intérêt et votre loyauté pour les jeunes auteurs...
Car en littérature comme dans bien d'autres arts, c'est souvent les mêmes qui reçoivent toute l'attention...
Andrée

Venise a dit...

Réjean : Calculons : j'additionne les deux volumes, ils font environ un 400 pages, on n'oserait toujours bien pas vendre 400 pages 50 $ ! C'est pourtant le prix que j'ai payé pour les 2 derniers tomes.

Mais j'aime votre idée d'additionner les 3 tomes, j'y avais bien sûr pensé, mais je me suis dit, j'exagère. Ça donnerait du 700 pages. Et pourtant, La canicule des pauvres, presque 700 pages = 29.95 $. Je pourrais énumérer pas mal d'exemples de ce genre. Alors oui, j'attendrais volontiers 3 à 4 ans pour que M. Tremblay sorte un seul volume volumineux mais ô combien plus économique.

Vous dites Réjean que cette question est laissée entièrement à la discrétion de la maison d'édition. Moi, je n'en suis pas si sûre, surtout quand il s'agit d'un bonze de la littérature. Je suis certaine que M. Tremblay préfère prélever 10% sur 75 $ que sur la moitié, disons 37.50 $. Pourtant, il s'achèterait du temps puisqu'il aurait moins de lancements, moins de signatures, moins d'entrevues. Trois fois moins. Mais tout me porte à croire que Michel Tremblay aime bien la situation comme elle se présente. La maison d'édition aussi.

Et le lecteur lui ? Il suit. Il aime passionnément Michel Tremblay, et avec raison d'ailleurs, alors il suit.

Mais aujourd'hui, il y a une lectrice qui a décidé de ne plus acheter de trilogie dans ces conditions. Et cette lectrice, c'est moi.

Venise a dit...

Andrée : C'est le geste clair et précis que je viens de trouver pour reconnaître les écrivains qui ont autant besoin d'attention que de revenu.

ClaudeL a dit...

À la bibliothèque, j'ai demandé les trois livres, mais j'ai d'abord eu La traversée de la ville. Qu'est-ce que je fais? Je le lis quand même ou j'attends le premier "tome"?

Je pense que Tremblay n'écrira plus jamais comme à ses 30-40 ans. Ou bien, comme tout romancier beaucoup publié, tous ses livres ne peuvent pas être d'égale facture.

Réjean a dit...

Il est certain que Tremblay tire profit ($) de tout ça. Mais est-ce si calculé de sa part ? Hum... En tout cas, ce n'est pas grâce à moi, car j'emprunte les Tremblay à la bibliothèque.

Suzanne a dit...

Pas lu encore alors, je ne sais... Mais je vais revenir, c,est certain. ;-)

Venise a dit...

ClaudeL : Il y a sûrement moyen d'apprécier le deuxième avant le premier, d'ailleurs Épicure (Burp et Épicure) vient de le faire et elle a adoré le deuxième sans avoir lu le premier. Mais pour vraiment savourer, vraiment, vraiment, j'attendrais le premier sans l'ombre d'une hésitation.

J'en profite pour préciser que j'ai beaucoup aimé cette histoire, en trois ou un tome qu'importe, c'est vraiment excellent. Je la recommande sans l'ombre d'une hésitation. Bonne idée de les prendre à la bibliothèque !

Venise a dit...

Réjean : C'est sûr que l'on peut lui donner le bénéfice du doute :-)

Venise a dit...

@ Suzanne : Tu es une inconditionnelle ... ;-) non ?

Je ne remets pas en cause la saveur de ces sentiments, seulement la forme livresque. J'ai d'ailleurs hésité avant d'en parler, pour ne pas embrouiller mon propos. Et puis, finalement, j'ai décidé d'en parler parce qu'on a beau vouloir s'élever au-dessus de l'idée, mais un livre, c'est un produit commercial.

Réjean a dit...

Voyez-vous, Venise, je me méfie des écrivains qui un jour se disent : eh bien voilà, je vais écrire une trilogie. Je trouve ça prétentieux, ce qui n'enlève rien à leur talent.
Moi, je crois davantage à la spontanéité de l'inspiration, aux surprises en cours d'écriture, lesquelles peuvent mener un écrivain à envisager une suite au livre qu'il est en train d'écrire.
Je ne sais pas comment Tremblay a procédé pour concevoir ses «traversées». Mais, comme vous, je lui laisse le bénéfice du doute.

Dominique Blondeau a dit...

J'ai toujours aimé Michel Tremblay comme dramaturge mais peu comme romancier. Question de goût qui n'engage que moi !

Suzanne a dit...

Oui gentille Venise, je suis une inconditionnelle comme pour Poulin, Lalonde et plusieurs autres mais je tiens mordicus à être objective même envers mes auteurs préférés.
En tout cas, j'ai bien hâte de lire ce troisième volet à mon tour ;-)

Venise a dit...

@ Réjean : Embêtant pour moi de dire si c'est prétentieux ou pas, surtout que dans le domaine de la bande dessinée, ça va jusqu'à 4, 6, 8 tomes ! Les histoires deviennent séquencées dans la tête de l'auteur. Je sais que Marsi a laissé une porte ouverte dans le premier tome. Il s'est arrêté à 60 pages, sinon, il y travaillerait encore (!) s'il avait voulu rajouter la suite de l'histoire qu'il avait déjà en tête. Une ébauche de projet qu'il a travaillé récemment, celui-ci en noir et blanc, il n'y voit pas plus qu'un livre.

Ça dépend de l'inspiration de l'auteur, de l'histoire qui s'y prête ou non, des personnages qui ont la vie dure ou non.

Je serais extrêmement curieuse de poser cette question à Michel Tremblay ; aviez-vous déjà en tête La Traversée des sentiments sous forme de troisième tome quand vous avez commencé à écrire les premières lignes de La traversée du continent ?

J'aurais une partie de ma réponse.

Venise a dit...

C'est vrai, Dominique, que l'on a toujours bien le droit à nos goûts ! Vous seriez même pas tentée de vous réessayer ? La traversée du continent serait, à mon avis, un bon roman pour monter dans le train.

Venise a dit...

Suzanne : Je te donne ma prédiction personnalisée : tu vas beaucoup aimer !

Réjean a dit...

La question est lancée. Michel Tremblay, manifestez-vous...

Lise a dit...

Venise,

je dois avouer que, même en tant qu'inconditionnelle de Michel Tremblay, ce dernier volume de sa trilogie m'a un peu déçue vers la fin. Et je n'arrive pas à trouver exactement pourquoi!

Le livre de cet auteur m'ayant marquée le plus est "L'homme qui entendait siffler une bouilloire" car il s'agit d'une histoire d'acouphènes. Michel Tremblay en a, moi aussi, ainsi que plus de 700,000 personne à des degrés divers, rien qu'au Québec.

Ceci dit, je suis absolument d'accord avec votre phrase finale. Il y a de merveilleux jeunes auteurs, certains qui ne perceront jamais parce que le monde de l'édition ne donne pas la chance à tous de prouver leur talent. Soit que leur manuscrit soit rejeté, ou qu'ils n'aient pas le "pushing" leur permettant de rencontrer des gens qui pourraient les aider.

En tout cas Michel Tremblay n'est pas un profiteur, j'en mettrais ma main au feu. Mais, d'accord avec Réjean j'aimerais beaucoup qu'il se manifeste ici...

:-)

Lise, pas de blogue.

Réjean a dit...

Michel Tremblay est avec l'agence Goodwin. Venise, il faudrait que vous communiquiez avec cette agence sur le Net pour lui transmettre votre question et attirer son attention sur votre blogue. Etes-vous partante?

Venise a dit...

Lise : Eh bien, Réjean propose une solution pour la manifestation de notre grand dramaturge. On sait tous que s'en remettre au Destin pour les manifestations de ce genre, on peut attendre toute une vie :-)

J'aime quand vous venez donner votre avis ici et ça me fait sourire que vous vous identifiez comme "Lise, pas de blogue".

Venise a dit...

@ Réjean : Je suis partante. Je vais m'essayer, merci pour l'info. Et je vous fait suivre toute manifestation, même anodine.

Suzanne a dit...

Je viens de le terminer ce dernier opus et ma foi, j'a beaucoup, beaucuop aimé. (Même les petits retours en arrière qui ont leur utilité).
Concernant ton interrogation Venise, peut-être est-ce dû à une demande de l'éditeur? Plus de romans possibles d'un auteur dont chaque «sortie» d'un nouveau bébé est attendue, plus c'est payant au risque même de déplaire car oui, ça devient onéreux pour le lectorat.
Je ne crois pas que Tremblay profite de ce genre de situation, jm,en suis même persuadée et ce en toute objectivité.

Suzanne a dit...

Grrrr...
Lire j'en suis au lieu de jm,en suis....

Merci

Venise a dit...

Suzanne : Je savais que tu aimerais, toi la femme de sentiment. C'est une belle conclusion à toute cette histoire. On visite les dessous. Dans la tranquillité de l'action, on visite les sources émotives.