Pour rester dans l’œil de l’objectif, Marquise observe ce qui l’entoure et, ensuite, le décrit. Elle relate la vie à Montréal à partir du deuxième référendum jusqu’à aujourd’hui, par la personnalité de ses frères dont l’ainé Louis, chirurgien, incarne un « oui » extrémiste et le cadet, un artiste inhibé parce que mal aimé, un « non » catégorique. Osler est l’étranger, un autre mal-aimé, qui s’est greffé à cette famille exerçant une influence qui frôle le contrôle. Plusieurs autres personnages sont observés, c’est une saga familiale circonscrite dans le temps de 1995 à 2008.
L’histoire du Québec avance dans ses faits divers, quotidiens, le ton est naturel, la réalité se confond au fictif et vice et versa. C’est habile. Il y a de belles qualités à ce roman pour quelqu’un qui a le goût de voir, sous forme romancée, le Québec sous l’angle de l’identité d’un peuple, s’arrêtant à la présence grandissante des étrangers. On fouille la notion du racisme en profondeur et je dis bravo à cette incursion bien fouillée.
J’ai été dérangée de rester prisonnière de l’œil de Marquise, j’étouffais ou m’ennuyais, ou me réjouissais selon les passages. J’y reviens, c’est que l’angle social, pour ne pas dire politique, m’a peu captivé. Je n’ai aucun appétit pour cette approche, bien au contraire, j’en suis rassasiée. Et comme la nostalgie n’est pas une émotion qui s’éveille facilement en moi, je laisserais les autres palpiter à cette histoire. Et quand je dis les autres, ils sont nombreux, à commencer par La Libraire Vaugeois qui a beaucoup apprécié, les libraires du Prix des libraires aussi, et les personnes qui décident du Prix des collégiens pour les collégiens.
Marquise ne s'implique pas, ne raconte pas, elle observe et relate. Ce n'est même pas qu'elle ne relate pas bien mais je ne suis pas arrivée à m’ajuster à sa quasi absence ou quasi présence, écartelée qu’elle est entre ses frères. Son mari, Salomon diffuse une présence constante, il est l’aimant de la vie sous toutes ses formes, mais on le connaîtra pas, ou seulement à la toute fin.
C’est une fresque de personnages, je n’ai rien contre, j’aime les portraits, mais ici l’abondance du détail m’a mélangé ou lassé. Je vous en donne un exemple :
Nicole Tremblay avait seulement été dans la même classe que Marco de la maternelle jusqu’au Cegep Saint-Jean-sur-le-Richelieu. Avocate, avenante, en ménage avec un divorcé du ministère des Relations internationales du Québec plus vieux qu’elle, un homme qui avait été en pose à Milan, à Tokyo, à Santiago du Chili, où il avait connu le père Labelle, lequel était né, selon lui, à Saint-Jean-Baptiste-de-Rouville et non à Marieville. Cet homme avait surtout connu et fréquenté le grand René Lévesque et sa seconde épouse, Corinne, et le grand poète Gaston Miron, et les poètes Gérald Godin et Paul Chamberland, et les députés Claude Charron et Camille Laurin, le père de la loi 101, et le romancier Yves Beauchemin, et tant d’autres artisans de l’indépendance du Québec dont ont longuement parlé, ce soir-là, mon frère Louis et la famille adoptive de Marco.Tout ça pour parler de Marco, un personnage pourtant assez secondaire. À noter que Nicole Tremblay ne reviendra jamais dans l’histoire, encore moins son mari. Ne pensez pas que c’est ainsi tout au long, j’ai pris un exemple extrême, mais je retiens quand même ce trop-plein de détails, de nomenclatures, d’énumérations. Certains me répliqueraient de passer rapidement ces paragraphes ... désolé mais j’en suis incapable ! C’est le défaut de ma qualité.
Un bon roman pour personnes averties.
13 commentaires:
Personnellement, je ne l'ai pas lu et ne le lirai pas. Mais j'ai aussi entendu et lu des commentaires qui allaient dans le même sens que vous. Et ce n'est pas parce que les libraires l'ont mis en nomination (ils ne sont pas infaillibles dans leur jugement), et encore moins le comité de sélection du prix des collégiens (dont vous savez ce que j'en pense), qu'on se doit d'apprécier ce roman.
Mais Réjean nous n'avons jamais vu votre binette. Peut-être que Venise vous connaît... mais pas moi.
Je suis frustrée.
Réjean : C'est un peu fou mais ça me réconforte toujours de penser qu'il y a d'autres personnes qui pensent comme moi. Je ne me suis justement pas adonné à les lire, alors merci.
Mais Ginette, on ne vous a jamais vu la binette non plus !!
Je connais Réjean, mais pas sa binette. Il est plus qu'une binette pour moi ;-)
Je vous taquine un peu Ginette, dont je n'ai jamais vu la binette non plus, mais ce que je comprends de votre frustration est que vous trouvez Réjean très intéressant et j'abonde dans votre sens. Mais pensez-y, Ginette, le mystère a sa part d'attrait.
Hum j'ai aussi lu quelques commentaires qui rejoignent ton propos Venise. J'ai hésité à le prendre à ma dernière visite à la bibliothèque et je pense que j,ai bien fait. Merci de ton avis.
Mais Ginette a déjà montré sa binette. Vous ne la voyez pas ?
Suzanne : Je viens de faire une recherche et je trouve pas grand monde de mon avis. Les gens ont bien aimé cette approche politico sociale. Et ils ont bien le droit, remarque, mais je voulais juste avoir le plaisir d'entendre un alter ego !
Ah, Ginette, votre binette est revenue !
J'aurais dû spécifier que les commentaires que j'ai lus sont ceux de quelques membres du club littéraire de ma bibliothèque et non ce que j'en ai lu sur les blogues littéraires. De toute manière, je me fie énormément à ton jugement.
@ Suzanne : C'est aussi touchant qu'apeurant de se faire offrir la confiance sur un plateau d'or ! Toujours cette peur de décevoir.
Moi, c'est La gloire de Cassiodore que je veux lire depuis longtemps. Mais je ne peux pas dire que tu m'as donné le goût de lire celui-ci...
Geneviève a dit:
le conflit politique est vraiment intéréssant. J'ai 20 ans et j'étudies en littérature, je n'ai malheureusement pas connaissance de ce Québec hétérogène. Monique Larue représente Marquise telle une caméra, des yeux. La description est donc nécéssaire pour la direction de l'histoire. J'ai beaucoup aimé tant qu'à moi, même si je ne suis pas particulièrement intéréssée par la politique, cependant, je porte beaucoup d'intérêt à l'histoire québécoise.
Que dire de son style, elle sait divertire votre lecture en usant d'ironie.
J'ai beaucoup aimé, c'est dommage quoi que très intéréssant de voir ce que vous en pensez.
Bonjour Geneviève, ça me fait un grand plaisir que vous exposiez ici votre opinion. Vous défendez très bien cette lecture. C'est un autre son de cloche, celui d'une personne qui n'a pas vécu cet angle de l'histoire du Québec, comme l'auteure et moi qui avons à peu près le même âge.
Ce roman est effectivement remarquable d'avoir su mêler aussi habilement le romancé à notre Histoire. Pour le reste, c'est une question de goût ; devant un mets, même bien apprêté, on a pas tous le même appétit.
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