J’ai couru pour attraper la fin de la cérémonie de remise du Prix littéraire des Collégiens qui tirait à sa fin. Qu’à cela ne tienne, j’allais me rattraper avec la deuxième partie, une table de discussion animée par Stanley Péan, en compagnie du lauréat, Louis Hamelin, encadré par quatre jeunes participantes - seulement des filles ! J’avais hâte d’entendre cette jeunesse s’exprimer sur leur expérience de jury à un concours littéraire, et ceci en présence de l’auteur. Ne voulant pas manquer une mimique, je n’ai pris aucune note, je vous livre ici mes impressions en vrac.
Ce qui me vient en premier, là, dans la minute présente, est ma surprise d’entendre Louis Hamelin raconter qu’il ne savait pas au départ qu’être en nomination pour le Prix littéraire des Collégiens impliquait sa présence dans diverses librairies. Il l’a appris le jour où on l’a appelé pour fixer le premier rendez-vous. Tout au long de la discussion, sa figure était rouge, était-ce une haute pression ou un mélange de timidité, d’émotion, de congestion ... Toujours est-il que ces jeunes filles ne se sont pas gênées pour nous exposer que le débat avait été serré, que La Constellation du lynx n’avait pas fait l’unanimité, ce qui a semblé plaire à l’auteur. J’ai vu naître un sourire en coin, il a jeté un bref regard de côté, très discret, histoire de ne pas intimider les protagonistes, dirait-on. Il a blagué, il aurait aimé le savoir à l'avance pour s’offrir la frousse de ne pas être choisi. Cette blague est tombée à plat, l’animateur a récupéré sa remarque lui faisant préciser pourquoi ce Prix était si important pour lui.
Revenons au jeune jury et à leur débat serré. Je ne me souviens plus en quels termes mais Hamelin a déclaré que débattre est un geste important, essentiel. J'y ai compris que ça évacuait l'indifférence. Ces quatre belles jeunes filles semblaient d'ailleurs tout, excepté indifférentes à la lecture. J'étais fascinée de les entendre mettre l’emphase sur le contenu dense et complexe de La Constellation du lynx. Chez certains membres du jury, c'était un défaut et pour d’autres, une qualité. Aucune ne niait que le roman était complexe, à la limite brouillon surtout au début, avec la quantité de personnages et de va-et-vient dans le temps. L’unanimité s’était cependant faite sur le côté historique qui aurait plu à tous. Une jeune fille a lancé le mot « identitaire », l’auteur s’est empressé de corriger, il préférait qu’on qualifie son texte de pan de notre histoire que de roman identitaire. J’ai eu un sursaut d’admiration devant l'apologie faite par une participante à ce défi de taille que procurait une telle lecture, défendant qu’on se devait d’être actif comme lecteur, faire sa part pour comprendre l’oeuvre (Hé hé ... plusieurs adultes pourraient tirer des leçons !). Ces étudiantes me sont apparues d'une sagesse exemplaire ; trois en littérature, une en science. Elles n’ont d’ailleurs pas oublié de souligner le travail extraordinaire des professeurs qui les ont guidés et encadrés de belle manière tout au long du processus.
Stanley Péan a terminé l'exposé par cette question : "Est-ce que vous êtes dérangées par le fait que l’on sélectionne pour vous les romans à lire et à débattre ?" Un court flottement pour la réflexion et, à tour de rôle, trois participantes ont répondu avoir apprécié qu’on fasse ce travail trop accaparant à leur place : lire 1,500 titres, elles n'en auraient pas le temps. Si vous me permettez cet aparté, je me demande aussi comment le comité de (pré)sélection "adulte" trouve le temps de lire 1,500 titres, tout en travaillant très activement comme journaliste ou écrivain !! Pour clore ce chapitre, une des jeunes a précisé que c’était bien que l’on choisisse des titres vers lesquels ils n'iraient pas spontanément, ça ouvrait les horizons.
L’animateur n’a malheureusement pas ouvert sur les questions de l’assistance, assez consistante d’ailleurs. J’aurais posé la mienne "Quelle est la représentation de garçons versus les filles dans le jury ?" , la question se posant pour cette absence de garçons sur scène. J’aurais peut-être demandé quel avait été le titre menaçant La Constellation du lynx. J’ai d’ailleurs arrêté la première jeune fille qui descendait de l’estrade et la lui ai posée. Cette info devait rester confidentielle, m'a-t-elle répondu, parfaitement désolé de ne pas pouvoir me satisfaire.
Hum ... les rumeurs, mais qu’est-ce qu’on fait donc avec des rumeurs ? Mais on les répand bon sang, on les répand ! À mon arrivée, j’ai trouvé un siège libre près d’une jeune fille, je me suis penché pour lui demander qui était le gagnant (j'avais manqué le début) et elle m’a répondu " Louis Hamelin" et a rajouté "Leblanc". Qu’est-ce qu’elle a dit entre les deux noms ? Je n'ai rien compris et ne l’ai pas fait répéter, vous savez ce que sait, on ne veut pas passer pour une mémé dure d'oreille ! Leblanc, j’étais perplexe, Perrine Leblanc n’était pourtant pas de la course ! C’est en revoyant le nom des auteurs en lice que j’ai compris : David Leblanc, auteur de « Mon nom est personne ».
1er photo (floue !) : Louis Hamelin soulève son trophée sur scène entouré des enthousiastes participants.
2e photo Ensemble des participants de la table demi-ronde !
3e photo : Deux participantes plus l'animateur, Stanley Péan, porte-parole du comité de sélection qui lit les 1,500 titres.
4e photo : Jean-François Nadeau - directeur pages culturelles du Devoir faisant partie du comité de sélection lisant les 1,500 titres.
15 commentaires:
Ah aaah ! Mais je vois que tu sais bien tirer les vers du nez, on dirait ! :)
ça devait être passionnant. Elles semblent très matures, ces jeunes filles !
Merci pour ce reportage. Bien que je n'aie pas suivi de près le prix cette année, l'attribution à Hamelin me surprend un peu. C'est un roman imparfait, dense, et je crois que les collégiens qui l'ont apprécié sont d'une catégorie à part. Il y avait en lice des titres peut-être plus accessibles. Mais tant mieux si le côté historique a fait pencher la balance. De plus, je vois que Péan se réconforte à l'idée que les collégiens préfèrent qu'on sélectionne les livres pour eux. Voilà qui ne risque pas de trop remettre en question les journalistes bien-pensants qui lisent 1500 livres ! (Ce chiffre est-il juste ? S'est-il publié autant de romans québécois cette année ???). Mais, chère Venise, on ne refera pas le débat. Merci encore pour vos yeux et vos oreilles. Vous êtes une espionne hors pair.
Anne : La jeune avait le goût de le dire je crois. J'en ai déduit que ce n'est peut-être pas son préféré qui avait gagné !
J'ai été très frappée par leur maturité. Franchement, oui.
Ah Réjean, eh que non, on ne s'embarquera pas dans un débat ! C'est que l'énergie, autant que l'essence se fait rare et précieuse. Le prix est cher à payer que de la gaspiller. J'aime bien me servir de ma bonne énergie à d'autres escients !
Et puis, j'ai aimé ce que j'ai vu.
Merci pour vos encouragements. J'espérais un signe de vous :-)
Ah oui, Réjean, je vais bien finir par la lire cette Constellation. J'ai une légère appréhension pour l'effort à fournir (honte sur moi !). Voilà pourquoi, je les ai beaucoup admirés d'être passé à travers le foisonnement d'événements et de personnages.
Allons allons, Ven: en moyenne, les livres que tu finis par apprécier le plus sont ceux que tu redoutes davantage a priori. C'est comme un mélange de soulagement jouissif à découvrir que la forêt noire n'est pas pleine de fantômes et de plaisir mental à découvrir du neuf derrière chaque arbre, couronné par le frisson de satisfaction quand tu as traversé. Il n'est que de recenser tes recensions depuis disons trois ans pour en faire la démonstration statistique. Quant aux probabilités qu'un livre de Louis te déçoive, et puisque je suis en veine de calcul, elles sont très, très minces, négligeables, d'infinitésimales décimales, de la poussière de phlogistique. Un mauvais roman de Louis sera toujours supérieur au meilleur de la plupart de ceux qui en signent aussi, tout simplement parce qu'un écrivain de son ampleur est rarissime: chaque génération n'en génère qu'une potentielle demi-douzaine dont la moitié ne se rend pas à maturité, et un tiers du reste se consacre à son travail sur le temps d'une longue vie sans pourtant réussir à y laisser la moindre trace sur la différence, et les deux qui demeurent sont sereins devant la perspective de leur anéantissement final, sachant que leur ouvrage a ajouté à la substance du monde, ne se souciant plus comme au début d'être lus ou pas après leur mort physique, ne cherchant plus en l'oeuvre un moyen de conjurer la mort, mais plutôt une justification de leur vie, la même que tout artisan peut trouver à fabriquer son produit de toute la science de ses mains et tout le génie d'un homme. S'il n'était qu'un génie, Louis, tu n'aurais nulle garantie: les génies sont nombreux. S'il n'était qu'un artiste, ce serait pire: on en trouve davantage que de génies; et s'il n'était qu'un artiste génial qui écrit parce qu'il est écrivain, là encore on ne pourrait jurer de rien. Sa caution, c'est le caractère entier, total, absolu de son engagement, la durable et généreuse richesse de ses écrits, et le prix personnel qu'il paie pour chacun de ses travaux majeurs. Le dernier lui a coûté sept ans. Personne ne s'attelle à un roman dont il saurait d'avance qu'il va coûter sept ans. Et bien peu se rendent au bout sans rebrousser chemin lorsque, en cours de route, ils se sentent perdus ou réalisent que la forêt noire est plus vaste que prévu. Louis a joué son âme dans au moins trois de ses romans dont je suis sûr, ceci dit sans hyperbole: ça se sent pour tous, qu'on sache ou non pourquoi, quand un artiste vous parle avec authenticité, avec sincérité, parfois même on peut ne pas aimer ce qu'il dit ou n'y rien comprendre et pourtant vibrer à la vérité de son expression (ça m'arrive souvent devant un film d'Ingmar Bergman ou un topo de Claude Poirier). Bref, kestu veux, Louis, c'est Louis. Ces jeunes filles ont peut-être estimé que le meilleur roman du lot et celui qu'elles préféraient lire n'étaient pas nécessairement un seul et même livre.
Le débat, je suis venu ici pour dire comme toi, Ven, et toi Réjean, comme je le vois: ça me fait plaisir de te retrouver ici justement à ce sujet. On avait livré un juste et solide débat, sans s'acharner au-delà. La question de Stanley, rapportée par Ven devenue journaliste, me convainc amplement que l'exercice ne fut pas en vain, et c'est volontiers que je joins ma voix aux vôtres pour me taire.
C'est bien toi ça Venise, petite snoreau!;-) Merci de ce compte-rendu, ça me rappelle des souvenirs. :-P
Pour ce qui est du ratio gars-fille, je ne peux que te parler de l'année où j'y ai participé, mais je te dirais que c'était environ 1 gars pour 8 filles. Rien de très réjouissant.
Mistral : Ça fait plaisir de t'entendre ! Parce que bien évidemment que j'ai entendu tes mots puisque je les ai projetés dans l'air. À haute voix. J'ai déjà entendu l'expression "gueuler" un texte mais avec ma mémoire pleine de trous, j'ai oublié quel grand homme de lettres utilisait cette expression.
Après ma lecture je me pose cette question essentielle : comment Louis Hamelin pourrait-il être plus rouge que je l'ai vu l'être ?
Après ma lecture, je me pose cette question : comment cela se fait-il que je n'aie pas encore commencé la lecture de La Constellation du lynx ?
Je m'use beaucoup à entendre les autres en parler, énergie que je pourrais consacrer à ces excellents passages qui obligent à relire deux, trois, même quatre fois, qui donne plus de poids à la brique.
Et en plus, j'aime que des Collégiennes me servent de modèles. C'est l'occasion rêvée.
Maxime : Snoraude ? Ça fait longtemps qu'on ne m'avait pas adressé ce qualificatif ! Je suis snoraude c'est vrai. Qui s'ignore parfois, ce qui est même pire !
Pour le ratio gars-fille, eh bien, oui c'est dommage à constater. Un prof a laissé ce commentaire sur facebook - suite à ce billet - qu'on ne savait pas comment attirer et donc garder les gars à l'école, que l'enseignement était destiné aux filles a priori. Mais ça, j'imagine que ça ouvre un chapitre qui pourrait devenir un livre !
Flaubert, remember? Gustave. Quand je t'ai parlé de son Gueuloir, t'as ri deux jours de temps...
Gustave, oui Gustave m'y voici, merci ! Gueuloir, c'est beau comme mot et comme image. Au lieu de la rire cette fois, je vais m'en souvenir.
Je repousse la lecture de cette brique depuis longtemps, elle m'appelle de ma blblio " prends moi, prends moi" Il faudra bien que je le lise ce prix des collégiennes. Surtout qu'il est lice pour le prix des libraires.
J'attends la version BD. Tu ferais bien de t'y mettre sans plus tarder: Marsi est débordé, Ven fournit à peine à balayer les fragments de phylactères incrustés entre les planches, ce n'est plus un atelier, c'est une usine, bref ou bien on sous-contracte en Chine, ou bien on essaie la Gaspésie.
Faudrait pas que la police montée ressemble à Batman, autrement t'as carte blanche.
J'ai eu la chance de faire partie du Prix littéraire des Collégiens. J'ai lu les 5 livres... et laissez-moi vous dire que le débat a effectivement été très cahud entre la Constellation (que vous vous devez de lire, madame!) et Mon nom est Personne, de David Leblanc. J'ai eu des cauchemards juste à penser à devoir faire un vote entre ces deux chefs-d'oeuvre!!! Finalement, je crois que le plus méritant a gagné.
P.S. Si ça vous intéresse, je fais quelques critiques moi aussi de livres québécois que je lis au cours de mon été sur mon blog personnel. Je serais heureux d'y lire vos commentaires! ;)
maxxximee.skyblog.com
Maxime : J'ai été faire un petit tour bien rapide sur votre blogue qui m'apparait très intéressant, d'autant plus qu'il y avait plusieurs titres québécois ! Aujourd'hui n'est pas le bon moment pour vous visiter longuement, la fatigue du lancement des Correspondances d'Eastman, qui a eu lieu aujourd'hui m'indispose.
J'espère écrire un billet demain sur le lancement. Au revoir !
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