Ce n’est pas nécessairement le Café littéraire que j’aurais privilégié. Le sujet me semblait lourd à 16 h en cet ensoleillé vendredi, 5 août. Je sais maintenant qu'il aurait été dommage de manquer un des Cafés les plus vivants de l’événement.
Deux femmes sur scène, plus que présentes, irradiantes ; Élise Turcotte et Danielle Laurin. Deux approches par le reportage sur les retombées de la guerre, une par la prose poétique « Ce qu’elle voit » et l’autre par une prose exploratrice « Promets-moi que tu reviendras vivant ».
Élise Turcotte a été choisie par son sujet. En tant que témoin solidaire, elle s’est offert une guerre à l'injustice passant par ses entrailles de poétesse. C’est sa manière de se tenir aux côtés des vaincues pour enfin leur donner une voix faisant référence, par exemple, à ces jeunes femmes assassinées au Mexique devenues squelettes d’autant plus anonymes que leurs assassins ne sont même pas nommés. J’ai été frappée par sa conviction de la force vive d’un reportage mené par le senti du « Ce qu’elle voit ».
« Pas encore un livre sur la mort ! » s'est pourtant exclamé sa mère. Si je peux me permettre un avis personnel, il faut une femme comme Élise Turcotte pour en parler. Une femme frappante de vie, vibrante d’élans intérieurs, très ancrée dans la terre de ses mots. Tenue vivante, près de sa colère qui se tient près de la vie. Selon son dire, c’est sa colère fomentée par le sentiment d’impuissance qui fut son principal levier d’exécution.
Danielle Laurin, que je connaissais comme critique littéraire s'est fait écrivain par la force des choses. Un point commun avec Élise Turcotte, c’est le sentiment de colère qui a agit comme déclencheur « Pourquoi, en tant que journaliste de guerre, son conjoint la quitte-t-elle pour de possibles rendez-vous avec la mort ? » Un autre exemple que la colère se tient près de l’impuissance, Danielle Laurin veut sortir de la passivité (impuissance) de « celle qui reste ». Quand son mari lui a annoncé au lendemain du 11 septembre 2001 qu’il voulait partir pour couvrir la guerre en Afghanistan, elle a vécu un choc devant le père de ses enfants. Une question l'a taraudait ; est-ce que maintenant l'amour pour ses proches ne faisait plus le poids ? Quand on est aussi émotif, difficile de bien saisir le motif de son conjoint, l’idée lui est alors venue d’aller interroger d’autres reporters de guerre. Elle a été rencontré Céline Galipeau, Michèle Ouimet, Patrice Roy, Patrick Chauvel, Michel Cormier, dix-huit en tout qui se sont approchés des tranchées, et elle leur a posé cette simple question : Pourquoi?
Ils ont été très généreux, affirme-t-elle, comme s’ils n’attendaient que l’occasion de parler de ce qui se tait la plupart du temps. On peut comprendre que « Le cadenas intérieur » n’est pas seulement le titre du chapitre consacré à Céline Galipeau, il reflète une réalité. Elle a réalisé que s’ils sont peu à nier le danger, cependant, tous mentent quand il est question de l’évaluer. Peut-on parler de « pieux mensonges » quand la raison est de protéger les proches d’inutiles inquiétudes ? La question est restée en suspens.
Madame Laurin accroche sur l’expression courante « On ne prend pas de risques inutiles » ... mais qu’est-ce qu’un risque utile ? se demande-t-elle ! Une phrase qui les rallie tous « Si on ne parle pas de la guerre, elle n’existe pas ».
Elle s’est aussi interrogée sur le retour. Le premier, celui à la maison, ensuite le retour en champ miné. Pourquoi tenir à y retourner ? Pourquoi ne pas se dire, j’ai donné, je laisse aux autres l’occasion de faire leur part ? Après l’état procuré par l’adrénaline au plafond, la vie quotidienne dans le confort et la sécurité doivent leur apparaitre ennuyante, est la conclusion qu’elle a tirée.
Ces dix-huit témoignages débordent d’anecdotes, elle nous en a racontés quelques unes qui donnent des frissons.
Mes impressions
Élise Turcotte a été lue et louangée par Danielle Laurin, les deux femmes me sont apparues en symbiose, ce qui a donné une force remarquable à ce Café littéraire. L’intensité de Danielle Laurin y est pour beaucoup. J’ai découvert une communicatrice passionnée, elle porte son message avec fougue. Elle m’a happée dans son univers émotif. Élise Turcotte a mentionné que l’emploi du « tu » tout au long de Promets-moi que tu reviendras vivant interpelle le lecteur. J’en ai conclu que ce « tu » peux aussi s’entendre par « Tu me tues à chaque fois que tu pars ».
2 commentaires:
Oh, intéressant ! voilà deux personnes que j'aurais aimé entendre, c'est sûr !
Je suis d'accord, la colère se tient près de l'impuissance, et ça peut être une véritable force d'action dans la vie.
Très bon billet Venise. J'aime la description que tu fais de Mme Élise Turcotte et l'explication du parcours littéraire de ces oeuvres.
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