Je tiens ce bon souvenir de lecture entre mes mains : Guyana. Ça fait déjà plus d’un mois que je l’ai terminé. La mémoire d’une histoire ou non, ce que j’appelle son empreinte, sert de test ; est-ce que les mots lus résonneront en moi au-delà du temps qui s’écoule ?
C’est oui pour Guyana. Avec le temps, je pense avoir compris pourquoi. Cette histoire n’est pas racontée à l’horizontal mais à la vertical. L’horizon se forme de lignes faites de mots filant d’un point A se rendant au point Z. Le vertical creuse de haut en bas, les âmes, les cœurs, les causes. Autant la cause des gestes posés que celle des pensées émises et des réactions surprises.
Voilà ce qui arrive à Ana, une réaction surprise, une réaction qui ne s’explique pas. Pas tout de suite en tout cas. Sa « petite coiffeuse », comme elle l’appelle affectueusement est trouvée morte. Pourquoi ? Le pourquoi se pose doublement : pourquoi est-elle morte et pourquoi cette mort d’une presque étrangère l’interpelle autant ? Pourquoi ne pas passer outre, pourquoi vouloir autant comprendre, pourquoi mener une enquête ? Peut-être pas une enquête en règle, mais en intensité oui, aux côtés d’un inspecteur aux allures, à ses heures, de père bienveillant.
Il y a Philippe aussi, son fils qui a perdu son père depuis peu. Que voilà donc un couple étrange que cette mère et ce fils tous deux en deuil. En deuil sévère, si j’en juge par leur relation vécue en huis clos. J’ai étouffé devant leur douleur drapée de la mante d’un respect enveloppant leurs silences, leurs mots dits ou sous-entendus. J’avais le choix entre trouver l’enfant beaucoup trop « adulte » pour son âge, ou la mère trop respectueuse d’un fils en si bas âge (10 ans, je crois). Un fils presque étrange à force d’être perspicace. Je l’ai souvent trouvé trop perspicace, assez pour me dire qu’un adulte se cache sous cette apparence d’enfance. Il en devenait, en surface seulement, le père de sa mère, mais Ana restait maternellement la couveuse. Les vérités affleurent continuellement les consciences dans ce roman aux multiples facettes où une ambiance ésotérique plane.
Quand on parle de la mort, il arrive que l’on doive chuchoter, surtout si des circonstances graves se trament sous des événements faussement anodins. Il en est ainsi du style d’Élise Turcotte. Ses mots survolent mais ne contournent rien, observant les faits bien en face, s’habillant de teintes poétiques. Elle fait la démonstration que les histoires de mort se racontent aussi bien que des histoires de vie.
Si j’avais un jour à me faire raconter ma mort, je choisirai Élise Turcotte pour le faire.
12 commentaires:
Bon....encore un qui me titille ! pourtant les trucs ésotériques, c'est pas mon fort, mais comment échapper à cette curiosité que tu sais déclencher ? on te lis, et on a envie de te dire " enweille, que j'le lise, ce bouquin ?" !!!
Autant te dire que c'est souvent que je salive et que j'ai le nez qui s'allonge de déception ! :))
Comme Anne des ocreries, je me méfie maintenant de la curiosité que tu éveilles en nous.
Pour lire ce que tu dis des livres et pour avoir lu quelques-uns des livres dont tu parles, j'en suis venue à la conclusion que j'aime souvent mieux ce que tu en dis que le livre lui-même. J'aime décidément tes mots ton style. j'espère que, où que tu sois, tu continueras de les développer, de nous les servir, pour notre plus grand bonheur.
Chapeau Venise !
Je n'ai jamais pu me rendre au bout
des livres d'Élise Turcotte et j'ai essayé d'en lire quelques-uns car on place tellement haut cette dame qu'on en vient à penser qu'on est trop...je ne sais...le mot ne me vient pas mais il est une réalité.
Depuis que je l'ai rencontrée et que malheureusement Guyana n'était pas encore publié-ce n'était qu'une questions de semaines-, le seul livre que j'ai lu d'elle m'a laissé un bon souvenir aussi.
Je lisais ton billet et c'est tout naturellement que l'histoire que j'ai lu m'est revenue en mémoire. C'est bien vrai que ça n'arrive pas si souvent que ça.
C'est L'Ile de la Merci que j'ai lu.. je me souviens plus facilement de l'histoire que du titre ;)
Oh! J'ai trouvé mon mot : inculte
Anne : J'hésite maintenant pour le mot ésotérique, c'est pas ce que je retiens principalement de ce roman en tous les cas.
Un roman profond. Moi, je serais prête à gager que tu aimerais. Gager, deux smack smack sur nos joues !
ClaudeL : Ça tombe bien, j'ai envie de continuer. En tous les cas, des commentaires comme le tien maintiennent mon envie bien en vie.
J'aime les romans "à la verticale" selon ma nouvelle expression ! Alors, bien sûr, que ça dépend de ce que tu aimes, toi. Tu pourrais essayer de le définir sur ton blogue !
Ginette : Inculte ? C'est sévère non ? En tout cas, ce que je peux affirmer est que je me considère inculte dans bien des domaines.
Je suis sensible à tous les sens qui ne s'adressent pas directement à mon côté rationnel, et il m'apparait qu'Élise Turcotte écrit comme une prêtresse poète, sans le carcan des religions.
Béo : Je trouve ça très bon signe que tu te souviennes de l'histoire plus clairement que le titre ! L'inverse est plus navrant, se souvenir du titre, un genre d'étiquette après tout, et pas du tout de l'histoire.
Je te souhaite d'avoir l'occasion de la relire.
«Guyana» est ma première rencontre avec la plume de l'auteure et ce fût un coup de coeur.
J'ai lu ce livre la semaine dernière pour le club de lecture qui aura lieu en mai. J'en parlerai sur mon blogue mais pas avant d'avoir eu notre rencontre du club. J'ai pas mal moins aimé que toi, hélas.
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