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lundi 14 janvier 2013

Le syndrome de la vis de Marie-Renée Lavoie

Titre assez particulier n’est-ce pas ? Ce syndrome de la vis est une expression sympathique donnée par Marie-Renée Lavoie à son personnage principal, Josée qui doit apprivoiser le mal à dormir. Cette fameuse insomnie, l’affliction dont plusieurs personnes, particulièrement les femmes, ont un jour goûtée. C’est l’ennemi numéro un de la vie de Josée, une enseignante.

Toute personne qui en a déjà souffert d’une manière récurrente se reconnaîtra dans ce portrait ultra détaillé. L’auteure nous fait entrer par la grande porte dans le quotidien d’un insomniaque. Le moins que l’on puisse dire est que l’auteure est bien documentée, à un point tel que ça laisse supposer qu’elle soit elle-même atteinte de ce mal du siècle !

Quand rien n’y fait, quand dormir devient une obsession qui empêche de dormir, quand la carence de sommeil vous fait exploser, les nerfs à bout, devant une classe d’élèves qui vous regardent comme si vous étiez une extra-terrestre, vous avez certainement besoin d’un congé. Mais vous reposerez-vous pendant ce congé ? Si se reposer signifie dormir, non.

Nous apprenons à connaître Josée pendant ce congé qu’elle s’est elle-même prescrit, avant que la situation dégénère et qu’elle saute à la tête d’un élève. Elle ne vit pas seule, un homme couche dans son lit. Ce n’est pas la passion, loin de là. Le chum nous est quasiment présenté comme l’être encombrant par excellence dans la vie d’une insomniaque. Faut dire que le manque de sommeil génère une lassitude peu commune, l’entrain manque pour suivre les soubresauts de la vie. On voit mal comment Josée pourrait être passionnée au lit ou ailleurs. Elle fréquente son frère, médecin, et sa conjointe qui, elle, aurait toutes les raisons au monde de faire de l’insomnie avec sa ribambelle d’enfants. Josée côtoie de près ses voisins, des personnages qui se découvrent à nous au fil de l’histoire. Elle passe également du temps en compagnie de son père décédé, dont le corps astral lui apparait, surtout dans la cuisine. Elle entretient un dialogue nourri avec lui. Ce qui pourrait nous faire dire que de manquer de sommeil maintient dans un état proche des limbes !

Je suis assez perplexe devant ce portrait en profondeur d’une insomniaque. Le personnage par qui tout passe est sans conteste fouillé, plus que crédible, il est d’un réalisme à tout crin. Ce réalisme est sans merci pour le lecteur qui sent le poids de la vie, vit le cercle vicieux du personnage et le cul-de-sac dans lequel il est placé. Le style est digne d’admiration pour sa précision, sa justesse, sa pertinence, mais personnellement, la contrepartie est le manque de dynamisme qu’il confère à l’histoire vécue par un personnage éteint par son manque de sommeil. Rarement, dans la vraie vie, verrons-nous une personne en proie à une carence de sommeil faire preuve de dynamisme. Elle sera, soit à bout de nerfs ou soit, léthargique. J’y ai surtout vu de la léthargie, la seule crise de nerfs est en début d'histoire et nous sera que relatée. Donc pas de secousses dans ce roman, plutôt une ligne de vie tranquille de personne ensommeillée. C’est à mon avis une lame à double tranchant. Puisque c’est une œuvre de fiction, peut-être que l’auteure aurait pu tâter le terrain miné des raisons pour lesquelles le personnage est en prise avec cet ennemie intérieur. Le choix a été de rester à la surface, arpentant de long en large le syndrome de la vis. Un choix assumé, je l’espère.

À apprécier, si l’on prend pour tel ce journal fourni et d’une pertinence irréprochable d’une insomniaque chronique. À conseiller aux personnes qui en souffrent, elles auront le plaisir de se reconnaître comme dans un miroir !
Remarques : Marie-Renée Lavoie est l'auteure du roman "La Petite et le Vieux" lequel j'ai adoré.


14 commentaires:

anne des ocreries a dit...

Faut voir....à examiner.

Réjean a dit...

Bonjour Venise,
Je suis tout à fait d'accord avec vous. Personnellement, je dirais même que ce n'est pas un roman réussi. J'avais aimé La petite et le vieux à cause du regard posé sur l'enfance. Ici, l'auteure essaie d'exploiter un rythme semblable, mais transposé dans le monde adulte. Malheureusement, le charme n'opère pas. Je n'y ai pas cru du tout.

Venise a dit...

Anne : Tu serais prête à donner une chance à chaque livre. Tu es d'une générosité !

Venise a dit...

Réjean : C'est vrai quand j'ai lu certains qualifier La Petite et le Vieux de rythme lent, j'en ai été surprise. Quand j'aime un personnage, une histoire et une ambiance, ce n'est jamais assez lent pour moi !

Ici, c'est lent, à n'en pas douter mais un adulte qui manque de sommeil est moins captivant qu'une petite fille à l'imaginaire fort qui se donne des missions.

Je suis moins sévère que vous, Réjean, en considérant qu'une auteure opte pour le sujet qui l'envahit. En ce sens-là, j'ai hâte de lire le troisième, en espérant que le thème exploité ne soit pas aussi risqué. Personnellement, j'ai été une dizaine d'années souffrant d'insomnie sévère et je ne me serais pas risqué à en faire un roman.

Suzanne a dit...

Comme j'ai beaucoup, beaucoup aimé ''La petite et le vieux.'', je vais lire cet autre roman de dame Lavoie et ce même si certaines critiques sont sévères et même négatives. De toute façon; j'aime bien me faire ma propre idée;-)

Venise a dit...

Suzanne : Mais je n'en entendais pas moins de toi (suis-je en train de mettre de la pression sur tes épaules !).

Quoiqu'il en soit, j'ai très hâte de t'entendre sur le sujet. Je reste convaincue que ce roman peut plaire.

Topinambulle a dit...

Je l'ai dans ma PAL celui-là. Le sujet m'intrigue quand même ;)

ClaudeL a dit...

Je ne pourrais pas l'affirmer, mais c'est déjà arrivé: on dirait un roman écrit avant "La petite et le vieux" et qui aurait été accepté à la suite du succès du premier. Peut-être que oui, peut-être que non. De moindre qualité aux yeux de plusieurs, il faut dire que la barre était haute après La petite et le vieux. Tout de même se lit bien.

Venise a dit...

Topinambulle : Que bien me fasse que ta curiosité reste intacte, ainsi j'aurais le plaisir de lire ton recensement !

Venise a dit...

ClaudeL : Ça me surprendrait beaucoup que ce soit un roman écrit avant La Petite et le Vieux. Lors d'une table ronde à un Salon du livre, Marie-Renée Lavoie a abordé le sujet de ce futur roman.

Tu l'as lu ?! J'aurais bien aimé que tu nous en parles plus longuement, tu sais comment je suis curieuse de l'opinion des autres.

ClaudeL a dit...

Je n'ai pas comme toi, la facilité de trouver les qualités d'un roman... moins aimé. J'attends que le plaisir gagne sur la déception, ce qui finit toujours par venir, surtout avec les oeuvres québécoises (films ou livres). Et le temps passe et d'autres sujets m'attirent, je m'égare dans d'autres avenues.

Danielle a dit...

J’aime vraiment cette auteure ! Toute la dynamique et les états d’âme de ses personnages passent par la rythmique de ses phrases parfaitement maîtrisée. Car on l’aura compris : Josée est TOTALEMENT anéantie, crevée, lessivée, détachée de tout et réduite à un état d’apesanteur qui avoisine l’état comateux tant tout son être implore et proclame son manque de sommeil - et pourtant, – elle trouve quand même le tour de teinter ses égarements et ses divagations d’un humour tout ce qu’il y a de plus décapant.

S’y coltinent aussi beaucoup de compassion et un grand amour pour la famille, dont notamment sa mère, son frère et tout particulièrement son père, qui en tirant définitivement sa révérence, signera d’ailleurs le véritable aboutissement du roman. Comme si ce livre était en fait davantage lié à la nécessité d’apprivoiser le manque du père, que celui du sommeil. Car une fois la réalité de son trépas exorcisée, le reste n’a plus vraiment d’importance et peut même se résumer en quelques paragraphes rédigés en accéléré (dont les10 dernières pages du chapitre 7 auraient même pu être biffées). Cela demeure malgré tout une lecture légère et assurément agréable, qui n’est certes pas destinée à traîner longtemps sur une table de chevet !

Venise a dit...

Danielle : Je crois que tu as mieux compris l'oeuvre que moi ! Je n'ai pas remarqué la différence à partir du moment où le père tirait sa révérence. Tu m'y fait songer et voir toute son importance, puisque c'est une boucle qui se noue.

L'humour en est un subtil mais tu fais très bien de le souligner, ce que je n'ai pas suffisamment fait, je trouve.

Merci pour tes commentaires !

Danielle a dit...

Tu es bien gentille! Mais tu sais, je peux bien prêter toutes les interprétations les plus farfelues que je veux, il n’y a que l’auteure pour juger si mon intuition est justifiée ou non. La psycho-pop qui sommeille en moi a dû faire un peu trop d’insomnie ces derniers temps ;) …