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mardi 24 novembre 2015

La nageuse au milieu du lac de Patrick Nicol

Certains titres sont des perles poétiques et celui-ci en est. En l'énonçant, je ne me lasse pas de visualiser une femme d’âge mur, d’une élégance rare dans sa dérive, se retrouvant seule au beau milieu d’un lac. Entourée d’eau de toute part, à ne pas savoir quelle direction prendre. Saura-t-elle nager, atteindre une quelconque rive ? est la question imminente auquel le fils répondra dans un style direct et concret. Parce que Patrick Nicol est ce fils avec assez de cœur pour prendre soin de sa mère atteinte de la maladie qui corrompt le cerveau : l’Alzheimer. C’est une calamité, beaucoup le savent, peu le vivent.

L’auteur l’a vécu et est arrivé à décrire cette réalité en scènes empreintes d’une certaine beauté. C’est là le rôle de l’écrivain, après tout et il s'en acquitte avec habileté. S’il n’a pas sublimé le caractère de sa mère, il n'a pas sublimé le sien non plus. De son caractère de fils que l'on devine impatient, l'on sent poindre une légère exaspération à accomplir des gestes de soins basiques, non pas pour un bébé mais pour une femme vieillie. Qu’elle ne sache plus prendre soin de lui en tant que mère est un fait à la limite acceptable, quoique l’on s’attende d’une mère qu’elle le reste toute sa vie, mais qu’il doive en prendre soin comme si elle était un enfant pousse à une expérience où l’étrangeté s’invite. Le fils doit continuer sa vie comme si de rien n’était. Il est déjà dans la catégorie des donneurs puisqu’il est professeur, et ses élèves ne lui en demanderont pas moins en la circonstance.

Le ton emprunté pour ce récit de vie se tient en équilibre entre le réalisme et le mystère. Le style allant droit au but : pas de rôle de victime, ni de la part du soignant ni de la part de l’atteinte de la maladie du cahot ne dit pas tout, loin de là. Ce style "comme si tout allait de soi" rend presque la situation normale. Cela laisse beaucoup d’espace aux diverses émotions du lecteur qui en rajoutent si cela lui tente. Et qu'on le fasse ou pas, dépend de sa propre sensibilité ou encore, si on a déjà fréquenté ou non une personne perdue dans sa tête. Moi, oui, j’ai fréquenté ma mère aux dernières années de sa vie dont j'ai pris soin. Ma mère avait elle aussi gardé une certaine élégance dans ses égarements. Dans ce sens-là, j’ai particulièrement apprécié le récit aussi digne que son sujet.

3 commentaires:

anne des ocreries a dit...

Non, merci, je sors d'en prendre ; trop pour moi, à ce moment-là de ma vie.

Topinambulle a dit...

Tu rends hommage à ce titre, Venise. J'ai maintenant très envie de le lire. La dignité, la liberté laissée au lecteur, ça me parle :)

Karine:) a dit...

J'ai beaucoup aimé aussi! J'en parle bientôt!