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samedi 4 août 2007

Étancher sa soif avec Robert Lalonde


Décidément, c'est mon année d'émotions fortes et d'apprentissages choc aux Correspondances. Cette fois-ci, j'arrive de que qui a été appelé « Les entretiens du club de lecture d'Eastman ». Je m'attendais donc à beaucoup de commentaires et de questions du club de lecture quant en fait, j'ai eu droit à 95% de réponses sur 5% (à peine !) de questions et commentaires. Les questions s'évanouissaient d'elles-mêmes, tellement Robert Lalonde est un homme loquace, volubile et généreux de son expérience de vie et de sa vision de l'écriture.

La meilleure définition de l'écrivain que Robert Lalonde a trouvé est un nez fourré partout et un panier percé ! Celui qui écrit, épie. Un ne va pas sans l'autre. Monsieur Lalonde a l'habitude d'illustrer ce qu'il avance, ce qui l'a amené à nous parler du vacarmeur. Qui est-il, que fait-il ce vacarmeur ? (Ne cherchez pas le mot dans le dictionnaire, plutôt parmi les titres de roman de Lalonde). C'est un rôle qu'il a joué étant petit pendant les parties de chasse de son père. Il devait faire du vacarme afin de faire fuir le gibier qui s'envolait. Ainsi son père pouvait l'abattre. Le vacarmeur ne voyait jamais la « victime » mais il savait qu'il jouait un rôle dans le résultat final. Ainsi en serait-il du rôle de l'écrivain qui attire l'attention en émettant une rumeur de mots. Le rôle s'arrêterait là. Le bruissement d'ailes entendus dans la tête du lecteur ne lui appartiendrait pas.

Il a abondamment parlé de plans, de structure, des idées projetés pour un roman (il enseigne encore, si j'ai bien compris), alors que l'on a même pas encore écrit une ligne. Il n'y croit pas. Cet échafaudage de projections serait même un empêcheur de tourner en rond. Vaut mieux plonger dans le bain plein de sa mouvance émotive et ce faisant, la chose littéraire se forme, se crée. Voilà le principe même de la naissance et de la croissance rapide ou lente, des personnages.

Un écrivain, un vrai, selon les vues de Robert Lalonde écrit des tonnes de pages pour en garder très peu. Quand tu es forgeron, tu aimes forger et tu forges longtemps et souvent. Quand tu es écrivain, tu aimes écrire et tu écris des tonnes de pages, c'est limpide pour l'auteur qui a à son actif une quinzaine d'oeuvres publiées. Il nous a aussi confié que l'inspiration vient du manque, de la carence de quelque chose. Il s'est donné en exemple. La nature est ultra présente dans tout ce qu'il écrit, assez que certains de ces lecteurs la considèrent comme étant le personnage principal sur lequel repose le récit. Une personne en a passé la remarque dans l'assemblée, nombreuse. Donc, tout le monde, moi aussi d'ailleurs, l'imagine vivre en plein bois. Et pourtant, il habite le coeur d'une grande cité. Son ennui de cette nature qu'il a tant appréciée lui manque au point où il peut en parler avec tant de passion.

Pour lui, l'écriture est né de sa délinquance. Il n'arrivait pas à décoder les codes dans les groupes, se tenant à côté des règles, il a été expulsé de sept collèges. Enfermé dans l'enceinte de béton de ces collèges où l'on vous obligeait à respirer au même rythme que les autres, il s'est évadé dans son imaginaire transposé en mots.

Un autre de ses tuyaux garant de succès mais pas du tout à la mode du jour où la performance et l'efficacité sont les leitmotiv de ce siècle pressé de vivre - et donc, de mourir !-, c'est l'acceptation d'écrire pour rien. Le rien étant ici la page qui va se cacher dans une poubelle ou un tiroir et qui ne sera pas numérotée tout de suite, ou même jamais.

Il nous a aussi parlé de la mémoire sensorielle. Quand on perpétue un crime, tuer quelqu'un par exemple ou un insecte, ou sa mère ou son conjoint en pensée, c'est la mémoire sensorielle de l'émotion du crime qui s'inscrit à jamais dans les cellules du corps. C'est elle que l'on doit débusquer à travers la forêt feuillue de nos étincelles intellectuelles. Irais-je jusqu'à dire que l'intellect est le pire ennemi du sensoriel ? À essayer en tout cas, pour mettre sur la sellette le sensoriel et bien sentir ce qu'il a à écrire.

J'en avais long à dire et évidemment je suis loin d'avoir tout dit. Et l'homme aussi n'avait pas terminé de s'entretenir avec nous. Il est une source intarrissable inépuisable. Ça tombe bien, nous étions tous très assoiffés.

J'ai aussi trouvé très juste son affirmation : on ne termine jamais un livre, on le quitte seulement.

Robert Lalonde, un gros merci pour votre générosité !


1 commentaire:

Lucie a dit...

Ah... comme j'aurais aimé y être...
Pour faire bonne contenance, tout de même, la journée de son passage à Eastman (et complètement sans le savoir), j'ai lu son premier livre, La belle épouvante... :-)