Le trésor est consistant, le fils a hérité de 925 lettres (2,700 feuillets), échangées en trois ans d’éloignement. Une lettre par jour, en comptant celles qui ont été perdues. Denys Lessard a cru bon d’écumer les lettres de ses parents pour en choisir environ 30 complètes et d'innombrables extraits pour compléter son propos.
Je le dis d’emblée, j’avais des attentes et elles ont été éconduites. C’est traître des attentes. Il s’agit d’un malentendu entre la réalité et mon interprétation. C’est instantané, le mot « lettre » me conduit au mot « correspondance » et « Ton kaki qui t’adore » ne dévoile pas vraiment une correspondance. L’avoir saisi immédiatement, j’aurais ajusté mes attentes et j’aurais été moins déçue.
Je m’explique. Les lettres de Gérard sont sublimes. Je l’avoue, j’ai rarement lu, vu, entendu un homme aussi enflammé d’amour. Ses mots nous projettent loin, nous ouvrent à plus grand. Sa plume transmet l’amour et de l’amour ressenti aussi puissamment fait transcender les bassesses de la vie. C’est une vague et j’aurai aimé me laisser transporter par elle. Au moins, jusqu’à Jeannine. Mais il n’y a pas de correspondance directe, il y a toujours la voix off du fils qui vient s’intercaler pour situer, expliquer, commenter. Il est très présent, ce qui me fait dire que c’est son livre. Comme il a un esprit analytique et qu’il aime situer, certains y prendront beaucoup de plaisir, j’en suis certaine. C’est du vécu et le contexte de la guerre y est bien amené.
Remarquez que c’est un goût personnel de prendre tant de plaisir à lire les banalités parce que pour moi, entrer dans une correspondance a quelque chose de voyeur. C’est s’infiltrer par les trous de la serrure pour découvrir l’intimité de deux personnes. Est-ce si nécessaire à ce compte-là que l’écriture soit toujours inspirée et la révélation fracassante ? J’imagine que l’auteur a voulu nous éviter l’ennui, en nous offrant la crème de la crème. Il y est arrivé mais cette « crème » a fait naître en moi un fort attachement pour Gérard et pour Jeannine. Un attachement laissé inassouvi par le retrait de grands pans de correspondances entre les amoureux et d'innombrables [...].
J’ai aimé Gérard, et autant Jeannine. Celle-ci se dévoile d’une autre manière et sa discrétion, son pragmatisme, sa simplicité nous en révèlent beaucoup. Le fils annonce que sa mère aime moins écrire et que par là, son style est plus maladroit. Comment le voir ainsi quand la magie de l’attachement a opéré ? Cela équivaudrait à dire que lorsque mon amoureux déjeune les yeux encore dans le vague du sommeil, il est moins intéressant. Mais lisez plutôt ce qu’en dit Gérard :
Je devrais te gronder pour avoir écrit que tu ne devrais pas me confier tout ce qui t’ennuie, te déplaît ou t’inquiète. Pourquoi pas chérie ? Tu sais combien je t’aime, combien je te veux heureuse et ce que ton amour signifie pour moi. Si tu ne veux pas me blesser, dis-moi tout. Comment pourrais-je te consoler, comment pourrais-je me sentir en communion de pensées et sentiments ? Comment alors s’opérerait l’union des âmes, la fusion des cœurs ? Tes joies sont mes joies, tes chagrins sont mes chagrins. […]. Brave je serai pour toi, pour moi, pour nous deux. Et ton amour m’aidera sur le chemin de l’honneur et du devoir, ton amour qui est toute ma vie, et plus encore.
5 commentaires:
J'aime tellement les lettres d'amour que je vais me le procurer, je suis intriguée.
Une chance que je lis ton billet car je me serais attendue à une correspondance, tout comme toi. Du coup, je suis un peu moins tentée... mais il n'est pas dit que je ne le lirai pas un jour!
@ anonyme Très bonne idée, j'ai eu beaucoup de plaisir à lire ces lettres d'amour.
@ Karine Une femme avertie en vaut deux, et puis peut-être vas-tu aimer, toi, que ces lettres soient situées et commentées par le fils.
Moi, c'est au niveau historique que ça m'intéresse. Les lettres d'amour, c'est bien. Mais si Septentrion les publie ici (d'où le commentaire du fils, j'imagine), c'est pour leur intérêt historique (car Septentrion se spécialise, d'abord, dans l'histoire.)
Je le feuilleterai bien un de ces quatre. Mais pas tout de suite! J'ai Vandal Love à lire...
Bonne journée!
@ Danaée : C'est en plein ce que je voulais dire. Pour une personne consciente de la valeur historique de cette correspondance, il appréciera certainement. J'avoue que l'Histoire avec son grand H m'interpelle moins que d'autres, et puis, j'ai pêché par comparaison avec la correspondance de Simone Monet-Chartrad et son illustre mari. J'espère qu'un jour prochain tu vas te faire plaisir et t'offrir ce livre et je gagerai que tu vas le dévorer !
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