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lundi 10 août 2009

Mettre le cap sur l'espoir (Catherine Mavrikakis - Marie-Claire Blais)

Six, sept pages de cahier pour ces deux grandes dames de la littérature ; Catherine Mavrikakis et Marie-Claire Blais. Celle-ci se présente rarement en public mais quand elle le fait, elle est d’une remarquable générosité. Je vais tenter de vous transmettre le plus d’informations possibles, quitte à ce qu’elles manquent de liens entre elles. Voilà ce qui est le plus difficile à rendre, le coulant de ces confidences qui se déversent naturellement sur nous quand on y assiste.

J’ai été fortement impressionnée par l’éloquence de madame Blais. Si j’osais, je dirais « elle parle comme un livre ! » mais ce serait péjoratif par égard à sa simplicité et son désir évident d’être comprise.

Elle a commencé par nous lire des extraits de ses chroniques des années 63, nous renvoyant dans le passé, pour faire un lien entre Luther King et Obama, et le regain d’espoir qui l’accompagne. L’animatrice, Danielle Bombardier (excellente animation, le jour de son anniversaire en plus !) a passé la remarque qu’elle parlait de la politique comme si elle en faisait. Elle lui a accolé le mot compassion l’écrivaine a ajusté le tir, elle parlerait plutôt de solidarité. C. Mavrikakis est une admiratrice de l’œuvre de MCB, et s’est d’ailleurs dit honorée d’être interviewée à ses côtés, par contre elle est aussi capable de lire ce qu’elle nomme les écrivains de l’oubli qui mettent de côté un temps, ou même toujours, leur devoir de mémoire.

À la question de la part du cheminement depuis « Une saison dans la vie d’Emmanuelle », madame Blais a laissé échapper un léger rire, nous laissant présumer combien il est important. Elle avait alors 24 ans, elle a résumé le chemin parcouru depuis par cette phrase : « Je porte un regard plus vaste sur le monde ».

Si madame Mavrikakis a de la difficulté à trouver des points de repères solides sur la Terre (trop sable mouvant), elle trouve que le regard vers le ciel unit plus sûrement l’humanité. Elle avoue poser un regard pessimiste dans son oeuvre, hantée par les fantômes de son histoire, par contre, elle n’a pas légué la colère à sa fille, mais la mémoire du passé, oui. Elle est presque prête à promettre qu’à la suite de son troisième roman consécutif portant sur les États-Unis, (elle y travaille présentement), elle va passer à autre chose. Elle l’a bel et bien dit mais j’ai remarqué, par sa gestuelle, une légère difficulté à se croire !!!

MCB accolent aux Américains les mêmes défauts de racisme qu'à toute l'humanité, il faut se révolter des exemples flagrants, elle joint sa signature à des lettres expédiées à Sarah Palin, terminé par un bien senti « Shame on you », ceci dit, un sourire en coin. C. Mavrikakis, en réponse à une question, assure qu’il faut maintenir le cap de l’espoir et qu’elle n’est pas gênée de préserver une part de naïveté en elle. Rien ne se construit sur le chaos, rajoute MCB.

Madame Blais a parlé d’un de ses personnages « Petite cendre », il existe, elle le côtoie et puise dans sa détresse. Elle voue une véritable tendresse à ses personnages. Madame Louise Portal, qui était dans l’assistance, la abordé la question d'une certaine pudeur (elles parlaient de timidité) à aller puiser à même son entourage pour nourrir ses personnages. MCB se tiendrait à proximité au point tel qu’elle s’en éloigne (je vous en prie, ne me demandez pas de préciser, c’est ce dont je me souviens, et j’avoue que c’est un peu hermétique !). Elle s’est aussi fait demander si, à partir des États-Unis où elle réside (aucune idée d’où !), elle avait accès à des oeuvres québécoises. Comme elle participe avec un grand bonheur à différents concours en tant que jury, et il n’y a rien d’ailleurs qu’elle aime mieux que de proposer un titre québécois, obligatoirement elle en lit, et pour son plaisir aussi. Elle n’a nommé aucun écrivain, et je soupçonne que plusieurs brûlaient de savoir si elle lisait Catherine Mavrikakis ! La cinéaste Mireille Dansereau, elle aussi parmi le public et identifiée par madame Blais, a demandé si si sa créativité aurait été la même si elle vivait au Québec. La réponse est clairement non. Elle a donné quelques exemples d’écrivaines mues par le même désir de s’éloigner pour mieux saisir la vue d’ensemble d’une société ; Anne Hébert, Gabrielle Roy ... Et les écrivains de demain vont faire de même, d'après elle.

Cette rencontre avec ses auteures est pour moi un moment fort des Correspondances. J'ai pris plusieurs photos, fascinée par la gestuelle. Madame Mavrikakis, aussitôt qu’elle ne parle pas a l’air assez tourmenté. Madame Blais semble fragile et sereine.

17 commentaires:

Beo a dit...

Bon.. tu me diras si je ne suis pas rapport Venise... mais; connaissant ta ligne de conduite à lire que, et je dis ce que non pas réducteur mais plutôt dans le sens de restrictif- des auteurs québécois, ne vois-tu pas que plusieurs ont vécu ou vivent ailleurs?

Ou bien écrivent ailleurs- Tremblay par exemple-.

Laferrière est étranger d'origine... mais oh combien il me rappelle Tremblay dans ses descriptions de personnages et aussi de la vie montréalaise.

Marie-Claire Blais m'est hermétique. J'ai lu quelques uns de ses ouvrages. On peut entrer dans son univers, mais il demeurera toujours hermétique.

ClaudeL a dit...

Même chose que Beo: Marie Claure Blais comme un mystère de ma génération. Peut-êtr emême pour toutes. C'est pour ça que je voualais que vous en paroliez. J'aurais dû être plus patiente, j'espère ne pas vous avoir trop pressée.
Merci, vais relire à tête reposée. M'imprégner, à défaut de la comprendre.

ClaudeL a dit...

Mille excuses pour les coquilles, j'écris dans le noir, je retourne devant le petit feu, dehors. POur une fois qu'il ne pleut pas au coucher de soleil!

réjean a dit...

MCB est certes une grande écrivaine qui a développé un style remarquable mais aussi très exigeant. J'ai cessé de la suivre le jour où j'ai ouvert un de ses romans pour m'apercevoir que LA phrase commençait à la page 1 et finissait quelques centaines de pages plus loin. Je n'ai plus la patience pour ce genre de prouesse syntaxique. Elle vit aux USA depuis longtemps, a bénéficié de nombreuses bourses et de mécénat. Je crois qu'elle habite les Keys, comme Michel Tremblay.

ClaudeL a dit...

Réjean: même chose pour le même livre. Heureusement je ne l'avais pas acheté, mais regardé à la bibliothèque. L'ai remis sur les rayons, même pas fait l'effort de lire, comme avec Proust.
Heureusement aussi, ce genre des années 65-75 est passé de mode.
N'empêche le personnage me fascine. Être coiffeuse, je lui ferais une petite coupe, me semble. Oups, tout d'un coup elle me lit!!

réjean a dit...

Oh, pour les cheveux, elle s'est beaucoup améliorée. Je me souviens de documents d'archives des années 60 où on la voyait avec des cheveux lui masquant la moitié du visage. Je crois qu'à l'époque elle souffrait d'une timidité maladive. Elle s'est quelque peu soignée depuis. C'est l'un des derniers grands écrivains de sa génération, les autres étant presque tous morts ou silencieux. Qu'on aime ou pas, on pourra dire qu'elle a traversé les années, comme l'ont fait Anne Hébert et Gabrielle Roy.

Line a dit...

Venise : je croyais que c'était Catherine Mavrikakis qui avait précisé qu'elle se tenait à proximité de se personnages pour mieux s'en éloigner...
Comme tu as vu, j'étais bien émue de revoir la lumineuse MCB à Eastman. Pour moi aussi ce fut un moment fort. Ex-aequo : la connivence des grands et libres penseurs Serge Bouchard et Dany Laferrière.

Venise a dit...

@ Béo : J'ai été étonnée d'apprendre qu'elle vivait aux États-Unis, je ne m'en doutais même pas. Elle est purement québécoise quand même à mes yeux. Ça semble un réel besoin pour plusieurs écrivains de prendre du recul pour mieux voir.

Venise a dit...

@ Claudel : J'ai trouvé bien comique que vous me le demandiez au même moment où je l'offrais. D'ailleurs, il me reste 3 autres billets à rédiger sur les Correspondances. J'espère y arriver avant mon départ pour la Gaspésie mercredi matin ! (presque impossible mais j'aime rêver !).
Pour ce qui est de la coupe de cheveux, si vous saviez combien j'ai travaillé pour arriver à un angle de voir ses yeux. Il y a du travail là-dedans, ce n'était pas évident. J'en ai pris plusieurs, je ne peux pas toutes les installer mais j'en ai une et je trouverai bien un prétexte pour la publier un jour où elle sourit largement à une dame qui lui serre les mains. C'est très beau, d'autant plus qu'elle ne sourit pas si souvent.

Venise a dit...

@ Réjean : Je ne désespère pas d'arriver à la lire. Disons que de l'avoir entendue se raconter comme écrivaine me stimule à passer au travers ma difficulté à me plonger dans son univers.

En tout cas, j'ai pris de grandes résolutions à ce sujet. Au moins, cette rencontre m'a aiguillé de choisir sa dernière oeuvre au lieu de sa première !

Venise a dit...

@ Line : C'est possible que ce soit C. Mavrikakis, à ce moment de mon carnet, c'était un peu embrouillé, les deux en ont parlé en tout cas. Écoute, l'année prochaine, j'opte pour le mini magnétophone ! C'est un peu trop tortueux à mon goût de me démêler, étant donné qu'il est presque impossible d'écrire le billet à chaud, quand les infos sont fraîches. Chaud, frais ... décidément, tu remarqueras que je suis les courbes de la météo !

Andrée Poulin a dit...

Venise,
Mille mercis de partager ses soirées avec nous. C'est comme si on était. J'aime beaucoup votre sens de l'observation et votre habileté pour relever le détail révélateur, comme l'air serein de MCB et l'air tourmenté de Catherine M.

Moi aussi j'ai beaucoup de difficulté à "embarquer" dans un roman de Marie-Claire Blais, mais j'étais ravie d'apprendre qu'elle a écris à Sarah Palin pour lui dire "Shame on you". Yé!
Andrée

Lucie a dit...

Cette rencontre-là, j'aurais bien aimé y être. Intéressante juxtaposition d'univers... Il me reste à lire M-C Blais, maintenant!

Venise a dit...

@ Andrée : Je me sens privilégiée et ça me donne le goût de partager !

C'est en m'observant observer que je réalise jusqu'à quel point je suis happée par la gestuelle. Beaucoup moins de contrôle que sur les mots, surtout pour un écrivain. C'est fascinant. C'est tout nouveau pour moi d'utiliser un appareil numérique pour capter ces secondes de poses révélatrices, et je vais développer mon habileté à les rendre.

Je suis étonnée, mais presque réconfortée d'apprendre que je ne suis pas la seule à avoir de la difficulté à la lire.

Venise a dit...

Lucie : Il te reste une autre chose à faire, organiser tes vacances en conséquence pour être présente aux Correspondances l'année prochaine. Je te le souhaite, si tu savais comment je te le souhaite, je suis certaine que tu adorerais.

Sac en papier a dit...

Bien que je trouve MCB difficile à lire, j'ai mené à terme tous mes essais. Jusqu'à maintenant... Peut-être parce que je l'aime beaucoup beaucoup. Mavrikakis, c'est mon échec de lecture le plus récent. Fleurs de crachat - abandonné à la page 67. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot.

J'ai assisté à la rencontre. Soufflée par l'intensité de la présence de MCB. J'ai eu sa signature sur mon vieil exemple de
Une saison... Précieux.

Venise a dit...

Sac en papier : J'apporte dans ma valise un roman de MCB qui en comprend deux. Je m'essaie aussi.

Je trouve aussi que sa présence dégage une aura, un peu mystérieuse disons.

En passant, vous avez un très joli pseudo ;-) ...