J’ai mis la main sur un roman qui me dépasse et pour lequel j’arrive difficilement à faire le tour avec mon esprit. Projetée loin de mon univers, au fur et à mesure que je traversais les voyages de ces sept hommes mutilés, mon esprit effaçait certaines traces de cette histoire étrangement inquiétante, particulièrement pour moi qui ne cours pas le fantastique. Une émotion persistait, l’étonnement, pas la surprise qui arrive comme un assaut mais la permanence de l’étonnement.
Le lecteur entre au confessionnal, accompagne un être affligé d’une anomalie qui se présente au Père comme un paumé malchanceux, lui raconte son aventure abracadabrante. Je n’ai pas visualisé le père, ni le confessionnel, qui me sont apparus comme un décor planté pour installer l’ambiance de la culpabilité, du mystère, de la faute. Y défile huit visiteurs prenant à témoin le Père qu’on suppose écouter autant que le lecteur.
Des confessions, ça se chuchotent habituellement, imaginez un peu la bizarrerie de proclamer ces confessions à voix haute comme je l’ai fait. Cette approche a accentué l’étrangeté pourtant déjà dense. Susurrer des mots à l’intérieur de soi, les escamoter quand l’ambiance est trop glauque, ou nous repousse, est complètement différent que se voir mordre dans chaque mot.
Ces hommes partent tous à la conquête d’un « presque pas possible », poussés par la bourrasque de leur ambition qui les projette dans des endroits incongrus pour quérir le plus que rarissime. Une belle démonstration que l’ambition périt son maître ! Ces histoires se présentent avec plusieurs sens que je n’ai pas toujours su démystifier tellement j'étais captée par mes sens aux abois.
Après trois ou quatre confessions, à raison d'une par chapitre, nous réalisons que le squelette de l’histoire est similaire. Marc et moi avons ressenti une certaine lassitude en le réalisant. Mais la chair sur le squelette est si grasse de curiosités disjonctées que l’attention atteinte, avance passant outre le malaise. Question malaise, c'est la première fois que je n’arrive pas à lire un passage à haute voix, que je laisse Marc le continuer à voix basse. J'étais trop dégoutée ! Heureusement, c’est arrivé une seule fois et c'est une question de sensibilité personnelle !
Le style de l’auteure avec son vocabulaire riche, précis, dégage ce quelque chose du poli du lustre de la perfection, comme si le texte avait déjà traversé les âges, que cette histoire avait été composée depuis des décennies. Et ça ne sent même pas le travail ! Assurément, un tour de force. Et la fin ne m’a pas déçue, bien au contraire, elle a tout pour me plaire : une réponse à certains questions et une meilleure compréhension des fragments. Elle rassemble, elle homogénéifie.
La couverture de Maleficium frappe, avec une telle « étiquette », s’il avait fallu que l’intérieur ne soit pas à la hauteur ! Mais les qualités exceptionnelles de l’histoire sont elles aussi frappantes et la font se démarquer. Il ne faut pas se surprendre que ce titre soit en liste pour le Prix des libraires et en processus d’une troisième impression chez Alto.
Deux critiques très édifiantes :
Tristan Malavoy-Racine - Voir
Elsa Pepin – La Presse
Pour en lire quelques pages :
L'Actualité
15 commentaires:
En tout cas, la couverture intrigue et attire... ou rebute.
ClaudeL : C'est laquelle réaction pour toi : intrigue, attire, ou rebute ?
La transfigurée est-elle de retour ? J'aime mieux ça...
Je rencontre souvent des difficultés à lire un texte de vive voix; non par pudibonderie ou incompatibilité morale, mais par cause de l'hilarité que je sens poindre au fond de moi!
Venant de quelqu'un qui considère que certains vocables sont intrinsèquement rigolos, il ne faut pas s'en étonner.
Oui, Réjean, je vais en changer de temps en temps, j'ai accumulé une série de figures assez rigolotes la journée de mon anniversaire.
Vous n'avez jamais commenté la petite bonne femme qui hésitait sur le choix de sa prochaine lecture, peut-être ne m'avez-vous pas reconnue, c'était moi à 4 ans :-)
Samuel : Qui a dit que je me défendais en lisant à voix haute d'éclater de rire ? Marc aussi sourit de long en large, surtout quand je m'enfarge dans les mots, et cela a été assez souvent merci dans Maleficium. On m'aurait dit que Martine Desjardins avait décidé de mettre à dure épreuve ma diction, je l'aurais cru.
on dirait que les livres « dérangeants » te causent problème. Comme le roman de Marc Séguin...
La couverture attire et intrigue mais en quoi peut-elle rebuter ?
Dominique, ce roman ne m'a pas causé problème. D'être intensément dérangée par un passage en particulier prouve justement la force de frappe de l'auteure. Bien au contraire, à mon avis, c'est une lecture incontournable pour qui aime se lancer dans une aventure unique, y compris celle des sens.
Si ce n'était de "L'Énigme du retour" je miserais tout sur Maleficium pour Le Prix des libraires.
Dominique : Pour le "rebuter", c'est à ClaudeL de répondre si ça lui chante. Peut-être veut-elle dire repousser.
La maléfice agit même chez ceux qui n'ont pas encore lu le bouquin! Fascinant!
Jai beaucoup de lire à voix haute! Elle m'attire la couverture... on verra!!!
Excellent exercice de diction, Karine. Tu m'en donneras des nouvelles !
You have really great taste on catch article titles, even when you are not interested in this topic you push to read it
Sont ce des nouvelles ?
@ Michel : Entre oui et non, je choisis définitivement "non" parce qu'il y a un lien qui tient ces aventures à confesser. Mais à la lecture des sept premières, on pourrait croire que ce sont des nouvelles.
C'est donc une excellente question !
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