J’avais lu en 2012, Les Têtes rousses. J’avais aimé mais jamais autant que Les Têtes bouclées. Ce sont pourtant les têtes d’une même famille d’immigrants irlandais d’une génération à l’autre. Pourquoi cette fois me suis-je autant attachée aux personnages ? Peut-être parce que l’auteure se rapproche chronologiquement des personnages, qu’elle en a entendus parler de vive-voix, parce qu’il est ici question de son grand-père maternel. La mémoire a été tenue alerte grâce à un précieux cahier où a soigneusement été compilé les faits d’arme de cette famille à plusieurs rejetons. Je suis reconnaissante à ce geste d’archivage qui a probablement encouragé l’auteure a prolongé la vie de ses ancêtres jusqu’en 2015. De savoir que ce fameux Léo et sa femme, couple auquel je me suis intensément attaché ait vécu « pour vrai » me rend heureuse. Bien sûr que la romancière y a rajouté du sien, mais pareil aux moments où je jette des oeillades à des têtes rousses, je n’y vois que du feu.
Au départ de l’histoire, Léopold est un garçonnet parmi ses nombreux frères et sœurs, il a l’âge du milieu. Les personnes nées au milieu ont tendance à s’effacer, en ne se mettant ni de l’avant, ni à l’arrière. Ce sera le cas de ce Léopold. À commencer lorsqu’il se détachera de sa fratrie au moment où la vie l’obligera à aller au pensionnat. Il demeurera un être raisonnable tout au long de sa vie et on comprendra pourquoi par l’accompagnement de sa prime enfance et de sa jeunesse.
Le sens inné du sens des responsabilités lui a rapidement fait comprendre que l’on ne doit pas se plaindre dans la vie mais plutôt remplir ses devoirs, par exemple en veillant sur son jeune frère qui va au même pensionnat et, plus tard, en supportant son épouse. Même si la vie de cet homme attachant par sa constante bonne volonté suscite l’intérêt, à partir du moment où il commence à fréquenter sa femme, les passages deviennent plus relevés. En homme marié sur le tard, son caractère se déployait discrètement, il était donc difficile de l’apprécier à sa juste valeur mais à partir des années où il est confronté par le caractère très affirmé de sa femme, on apprend à apprécier sa patience et sa diplomatie. Ces qualités seront mises à contribution car il aura trois enfants avec qui la vie ne sera pas de tout repos.
Tout au long de cette période, l’auteure garde vivant le contexte dans lequel Léopold a grandi, la famille de son enfance, ses frères et ses soeurs. Sa vie sera jalonnée de visites aux survivants de qui le lecteur aime recevoir des nouvelles. Il entretiendra la flamme familiale du mieux qu’il le peut.
L’histoire est somme toute semblable à plusieurs autres vécues à cette époque, alors pourquoi s’y intéresser autant ? Assurément pour l’attachement, lequel se tisse en douceur, par de petits gestes et des pensées du quotidien. Progressivement les liens évoluent entre le lecteur et ses familles du présent et du passé. Léopold est devenu pour moi si tangible que j’ai pleuré à chaudes larmes quand survient l’irrémédiable de la fin d’une vie. J’ai eu l’impression de perdre une personne de mon entourage, chère à mon coeur.
Le style de l’auteure se prête bien à une saga familiale puisqu’il s’attarde à tout détail qui donne sa couleur à l’être humain. Claude Lamarche ne tente pas de mettre de la poudre aux yeux, elle fait confiance à ses personnages pour qu’ils viennent nous chercher sur le quai d’où nous les attendons patiemment. Et ceci, encore plus habilement que dans Les têtes rousses. Ce n’est pas une lecture qui donne des frissons ou des palpitations cardiaques à chaque chapitre mais qui vous amène plutôt à vivre par les voies de l’intérieur la vie d’un voisin avec son lot de hauts et de bas.
J’ai vécu ces hauts et ces bas en même temps que cette famille parce qu'elle transpire de vérité à chaque phrase. C’est la force ultime de cette auteure, une marathonienne des histoires familiales au long cours.
9 commentaires:
Beau billet pour un très bon roman. J'ai aussi beaucoup pleuré sur le départ de Léopold mais chut...je n'en dis pas plus.
Wow,tu as vu tout ça?
Chronique d'une époque, c'est tout à fait ce que j'ai voulu. Pas plus, pas moins.
Je laisse les thriller aux autres. Ce qui m'intéresse ce sont les gens. Par le dedans.
Un grand merci.
On s'est bien lavés les yeux, n'est-ce pas Suzanne ? Un apprivoisement lent et profond mène à une telle débâcle d'émotions.
CLaude : Tu arrives tout à fait à ce que tu veux faire. Je suis heureuse que tu t'assumes encore plus maintenant, tu ne peux être une autre, le style d'une autre. Tu as pris de la maturité, tu vas plus au fond de qui tu es et cette maturité te va bien. Sois bien fière de toi.
Sur ma liste.
Anne : Un beau roman pour se changer les idées de l'actualité. De tout coeur avec toi.
Effectivement, ça fait du bien de plonger au coeur de l'humain du quotidien. Ceux qui ne sont pas des superhéros, des génies détectives, mais qui sont fait des petits tracas et bonheurs de la vie. Et quelle belle couverture, ça me donne envie moi aussi!
Nomadesse, la couverture est de Christian Quesnel. "Googlez" ce nom, vous aurez de belles surprises.
Si j'avais su, je lui aurais demandé d'illustrer aussi Les têtes rousses, mais je me reprendrai pour le troisième!
Quatre ans plus tard, je me suis effectivement reprise: c'est encore Christian Quesnel qui a fait la couverture du troisième (et dernier tome) de ma saga.
Sauf que cette fois il est une "autoédition" alors les exemplaires du service de presse ou même dans les librairies sont limités.
Il faut tout simplement me le commander via mon blogue ou mon site.
Publier un commentaire