Faites comme chez vous

Faites comme chez vous
c'est recevant !

dimanche 25 mai 2008

Je voyage

Elle m’accompagne, je l’accompagne, d’escale en escale et dieu ce qu’elle a de la trotte dans la bottine cette Gabrielle Roy ! C’est d’ailleurs un mot qu’elle utilise couramment "trotte", c’est remarquable et remarqué par moi, un mot qui sonne populaire, moins français international, il me semble.

Plus elle bouge, plus elle écrit et pas seulement son imposante correspondance (au mari, amies, parenté), mais ses romans. Lisez combien elle trouve importantes les lettres de son Marcel : « Une petite lettre de toi à moi, de moi à toi, tous les jours, ou du moins fréquente ferait toute la différence au monde et pourrait à tout deux nous faire le plus grand bien, de toutes les façons imaginables, intellectuellement et autrement. […] et puis, il y a l’inquiétude quand je suis plusieurs jours sans nouvelle ».

Épistolier, Marcel a dû faire un effort pour l’être car son épouse a la bougeotte : Rawdon (1953), Manitoba (1954), France/Bretagne (1955), Saskatchewan (1955), Port-au-Persil (1956), Petite-Rivière-Saint-François (1956), Golfe du Mexique (1957), Saint-Vital (Manitoba) (1958), Rawdon (1959), Cape Code (1960), Manitoba (1960), Percé (1962). Cet itinéraire s'étend sur environ 200 pages et j’ai sauté toutes les escales à Montréal (elle habite Québec), celles où il y a peu de correspondance, ainsi que les voyages en compagnie de Marcel, en Grèce par exemple.

Je trouve intéressant de voir du pays avec les yeux de la romancière : Golfe du Mexique « Tout ce voyage cependant me donne déjà l’impression qu’il ne peut rien apporter de comparable au moindre petit séjour en Europe. Il y a quelque chose aux États-Unis – sauf peut-être en Nouvelle-Angleterre – qui pétrifie et stupéfie l’âme – je ne sais quelle attention constamment tournée vers le confort seulement, quel éloignement de la chaleur humaine. […] Quelle nostalgie, au fond, les Américains doivent éprouver pour une vie plus chaleureuse ; on le voit à leur passion pour les moindres vestiges du passé. Il faut les voir se ruer de tous les coins des États-Unis dans ce vieux carré de la Nouvelle-Orléans qui grouille de pauvres affamés, de pittoresque et de couleur ancienne ».

Elle est curieuse de l’être humain, c’est le "paysage" qui la captive le plus: « Eux, les Noirs quand on les rencontre sur la route ou lorsqu’on les aperçoit sur leur perron, détournent les yeux comme s’ils ne se reconnaissaient pas le droit de nous regarder en face. […] Une humble petite chapelle Baptiste semble l’image même de tout ce que la religion a jamais pu leur apporter : la résignation ici-bas et au-delà, sans doute, une véritable place pour les Nègres. Nulle part autour d’ici n’ont-ils l’air d’être chez eux. J’aimerais bien pouvoir m’arrêter dans leur milieu, gagner leur confiance, peut-être et arriver à les mieux connaître".

C’est à son retour de Dollard, Saskatchewan qu’elle se serait mise à la rédaction de « La Montagne secrète » : « Il faut en ceci rendre justice aux gens des Prairies : leur accueil est spontané, généreux et sans chichis. Il y a chez eux quelque chose de l’enfance encore : une simplicité d’êtres primitifs, un peu rustiques, mais honnêtes et francs. […] Un joli vent des Prairies aujourd’hui souffle et fait se balancer les buissons du village, les deux petits érables du Manitoba de Jos, placés de chaque côté du seuil. Il n’y a pas beaucoup d’autres arbres au village. Ce vent plutôt chaud soupire une espèce de plainte douce, nostalgique. C’est bien le vent des Prairies tel que je me le rappelais ».

Ça fait plaisir de voyager tout en restant allongée dans son lit.

3 commentaires:

Anonyme a dit...

Chère Venise,

Heureuse de savoir que tout s'est bien passé pour toi. Te savoir en compagnie des lettres de Gabrielle Roy me réjouit. Si on avait pas déjà fait une lecture-spectacle (qui tournait plus autour de son amour de la nature et de son écriture qui en était inspirée), on aurait pu la retenir pour la programmation de cette année qui porte sur le Voyage. Vaste sujet.

NB Les Correspondances d'Eastman ont bien fait à l'émission des Squelettes dans le placard... Nous avons remporté 2000 $ ! Pas si mal pour pour des novices.

Venise a dit...

@ Line : Imagine-toi que j'ai failli intituler mon billet "Tout un voyage !", le thème des Correspondances cette année. Cela doit être parce que votre devise m'est entrée dans la tête pour ne plus en ressortir. Et bien sûr, tout au long de mes 900 pages de lecture où Gabrielle Roy voyage sans bon sens (je ne savais pas qu'elle s'était autant trotté dans sa vie), je reliais "correspondance et voyage", le match parfait pour la sixième édition des Correspondances d'Eastman.
Line, tu oublies de nous dire à quelle date va passer l'émission, je suis certaine que certains lecteurs sont avides de la connaître pour vous regarder, chers novices assez performants !
Gagner 2,000 $ est excellent pour cette émission. Le Dieu du voyage, Hermès, était avec vous c'est certain !

Anonyme a dit...

Hermès éveille en moi de bons souvenirs de la librairie (et de la libraire passionnée) que je fréquentais jadis sur Laurier. Quel merveilleux nom pour une librairie (que je rêvais d'exploiter ici avant de tomber dans le panneau des Correspondances !). Pour répondre à ta question, nous serons en ondes du 23 au 26 juin.
PS D'ici 2 semaines, je promets d'annoncer sur ton blogue, en primeur, les spectacles qui mettront en vedettes d'autres écrivains voyageurs cette année. J'espère que tu profites de la grisaille pour avaler quelques pages. Au plaisir. Line