
Devant tant d’engouement, de mode et de vague, je me pousse à sortir de mon silence pour vous présenter Hope et toute sa lignée. Seraient inscrits dans les codes génétiques de cette famille l’urgence de connaître la date de la fin du monde sinon leur esprit bascule dans la folie. Pour éviter de dire que cette prémisse n’a aucun sens, je lui en ai trouvé un. Ce serait une manière d’incarner la conscience aigüe d'une date de péremption de la planète et son homo sapiens.
Est-ce parce que la psychose de sa mère se présente comme une problématique quotidienne mais Hope nous entraîne dans un monde saugrenu qu'on accepte comme si la folie était un facteur naturel et incontournable. Faut dire que Hope est dotée d’une intelligence qui erre bien au-dessus du convenu. Entre cette jeune femme en quête absolu d'une révélation ésotérique, Bauermann Michel, son chaste copain et toute sa lignée qui s’occupent d’une bétonnière, le contraste est grand. Ces jeunes, aux vécus antipodes se rallient et, étrangement, forment un tandem solide. Ce ne sera pas le seul puisque cette Hope semblerait attirer la dévotion d’un allié, naturellement, sans même le demander. On l’aidera d’une manière importante à s’occuper des côtés bassement matériels de la vie.
Je qualifierais cette histoire d’amusante, toute en finesse, et qui déjoue nos pronostics les plus intelligents. En toute simplicité, elle nous entraîne vers du non explicable, je vous encourage à parfois déposer votre chapeau rationnel. Malgré certains « voyons donc, ça se peut pas », j’ai poursuivi, jouant le grand jeu et je m’en suis sortie gagnante. Ne serait-ce que pour la manière empruntée par l'auteur ; un texte tout à fait savoureux à déguster en 97 mini chapitres titrés d'une manière amusante. L’observation curieuse et pointilleuse de l’auteur se distille et s'égare dans plusieurs champs, domaines, expertises et fait naitre un sourire au coin de presque chaque paragraphe. Devant tant de sarcasme émis sur un ton candide, je craque !
À travers les personnages, le message éditorial se délie mais il y en un qui prime, le comportement anti-écologique des années 90, démontre que la collectivité ignore qu’elle fait tout pour s’enterrer vivante. Dickner maîtrise l’art d’actualiser un sujet, qu’importe l’année à laquelle il campe son histoire, son propos cible des préoccupations hautement contemporaines. C’est sa force. En entrevue, je l’ai entendu dire qu’il part d’une idée et ensuite trouve les personnages et l’histoire pour la servir. Je ne sais pas si c’est parce que je le savais mais cela m’est tout de suite apparu évident. Histoire et personnages étaient au service de cet avertissement général : « Attention, si on continue à traiter la Terre comme un produit de consommation « meilleur avant », la fin est proche !
À ce compte, aussi bien espérer que plus d’une « Hope » soit à l’affût de la date de la fin de monde, ainsi réussira-t-on peut-être à la repousser, sinon même (rêvons un peu), à l’éviter.