Faites comme chez vous

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c'est recevant !

jeudi 29 septembre 2011

Un peu de "je"

J’en étais à commenter “Sous la glace”, mais je ne le ferai pas aujourd’hui, même si certains ont hâte de savoir qu’est-ce que j’en ai pensé. Je saisis le premier prétexte venu pour bavarder au « Je ». Un commentaire de lecture se doit d’être formaté et lorsque j’en rédige en continu, j’ai parfois l’impression – fausse je l’espère ! – de perdre le contact avec vous. Oui vous, mes précieux lecteurs, sans qui Le Passe-Mot n’est rien ! Évidemment, je m’avance masquée d’un prétexte et quant à jongler avec des prétextes, aussi bien en choisir un charmant.
Durant trois fins de semaine, je suis derrière une table qui déborde de savons et de crèmes. Qu’y a-t-il de proprement littéraire là-dedans ? Je vous voir venir et avant que vous trouviez mes prétextes trop palots, j’arrive à ma littérature. Vous avez déjà entendu parler de la bande dessinée Miam miam fléau ? Si vous répondez « non », je vous dis « bienvenue au Passe-Mot ! », vous me visitez probablement depuis peu. J’ai tellement parlé de cette bande dessinée signé MARSI, mon mari. Cette BD a une longue vie puisqu’elle a maintenant ses produits dérivés. Eh oui, trois savons fabriqués, je pourrais même dire « cuisinés » par La Savonnerie des Diligences d’Eastman. Le petit dernier est le savon d’automne qui illumine l’événement La flambée des couleurs. Et c’est Pouette qui remplit l’étiquette de sa joie de jouer dans les feuilles multicolores. Auparavant, il y a eu le savon de printemps avec le gargantuesque Borbo et celui d’été avec le galopant Coco Météore. Vous avez sûrement compris le principe, il ne manque que le savon d’hiver. Mais, entre nous, ce n’est pas si pressant de le sortir ! Qui sera le personnage sur l’étiquette ? Je ne vendrais pas le punch, mais je vous promets qu’il sera royalement beau.
Devant crèmes et savons artisanaux fabriqués avec le plus grand respect de notre mère la terre s’élève une pile d’albums. Marsi s’est fait attraper pour des dédicaces dimanche passé. Remarquez, il ne s’en plaint pas, même si son plan était de venir me reconduire et repartir d’un même trot, pour travailler sur Colis 22, un roman graphique qui sera publié début avril à La Pastèque. C’est beaucoup de travail, ce Colis 22 est volumineux,150 pages environ, de format plus petit. Nous parlons d’une comédie policière mais « chut ! » si vous rencontrez l’auteur, ne mentionnez pas le mot comédie, vous le verrez reculer, avoir un malaise, un doute l'envahira et cela jusqu’au jour où il vous entendra rire à gorge déployée. Pour connaître l’histoire, j’y ai tout de même travaillé, ce n’est pas hilarant à rire gras, mais c’est souriant. Il y a toujours ce petit côté pas sérieux chez Marsi qui se délecte de regarder par le prisme de la drôlerie. Et qu’on se le tienne pour dit, toute l’action se déroulera dans la splendide ville de Québec !
On sait tous que la vie des livres québécois sur les étagères des librairies est brève. Un coup de vent quoi ! Aussi, cette collaboration avec une savonnerie d’Eastman qui fabrique des produits que j’adore et utilise à tous les jours est une histoire heureuse. Une histoire de collaboration entre individus qui encouragent le labeur un de l’autre.
En cette période d’Halloween, on trouve même de la chair de citrouille dans les savons, euh ... un savon. Dessus, une sympathique sorcière vous ensorcelle de son sourire, un personnage de Marsi, pas encore couché dans un livre celui-là. Quand je vous dis que mon bédéiste voit par le prisme de la drôlerie, vous ne trouvez pas que cette sorcière est la plus adoptable de la Terre ? Ceci dit en toute subjectivité (congé complet de critique n’est-ce pas ?).
Si jamais vous venez en Estrie vous rincer l'œil pour la flambée des couleurs, arrêtez me voir à la mairie d’Orford. L’exposition « Signé Orford » vous recevra avec des tablées d’œuvres d’artistes et d’artisans. On y trouve bonne quantité d’inventivité au pouce carré et à des prix, et c’est une consommatrice avertie qui le dit, des plus abordables.
Cette fin de semaine (1 et 2 oct) de 10 h 00 à 17 h 00
Fin de sem de l’Action de Grâces (8, 9, 10 oct) de 10 h à 17 h 00
Mairie d’Orford _ 2530, Chemin du Parc

vendredi 23 septembre 2011

Pour en finir avec le sexe - Caroline Allard & Iris

J’ai décidé de m’offrir le plaisir de m’arrêter à un livre à peine déposé sur le présentoir des librairies. J’avais le goût – pour me récompenser de mon bénévolat ! - de me donner un feeling de prophète de bonheur et de me procurer ce petit velours de parler d’un livre avant la majorité. Son lancement est récent et je l’imagine déjà dans la mire des médias car, d’après moi, il ne passera pas inaperçu. Ne serait-ce que pour le (re)nom des auteures au texte et au dessin, pour la couverture, pour le sujet et, je peux maintenant l’affirmer, pour l’amusement au bout de la ligne écrite et dessinée.

Pour en finir avec le sexe nous propose « un voyage dans l’univers absurde de la sexualité » c’est ce que nous suggère le quatrième de couverture (sobre si on la compare à la couverture !). L’aspect général m’a fait penser à un cahier d’exercice pour amuser les enfants. C’est d’autant plus rigolo que ce n’est justement pas à mettre entre leurs mains ! Je les sais aujourd’hui très dégourdis mais j’aurais franchement peur d'affronter leurs questions. Et j’aimerais éviter à tout prix de leur expliquer les blagues !

À la fin de ma lecture, j’ai conclu qu’il faut connaître la sexualité sous tous ses angles pour en rire aussi intelligemment. C’est sans conteste des textes crus, des dessins crus qui en mettent plein la tronche, sans que l'on voit apparaitre l’ombre d’une gêne. Le sexe se démontre et se discute naturellement, comme la meilleure ou la pire des recettes de cuisine.

La démarcation entre la ligne de bon goût et celle qui tombe dans la grossièreté dure et gratuite est la pertinence. « Que peut être le sexe quand il n’est pas thérapeutique ? Il est comique » nous dit encore le quatrième de couverture. Eh bien, c’est encore drôle ! Rire du sexe aussi intelligemment a quelque chose de thérapeutique. Le sortir du drame, le démystifier, en faire un sujet courant, accessible, risible et le mettre à sa main, le déshabille assurément de ses étouffants carcans. Et pas de jalousie, les hommes passent au batte autant que les femmes. Vous serez conviés à une lecture active par des « Sondage dont vous êtes le héros » Vous ricanerez en toute intimité, aucune bonne ou mauvaise réponse. En fait, vous participerez surtout par votre rire arc-en-ciel : jaune, rouge, orange, violet...

S’il y a un vécu encore privé, c’est la sexualité. De manière générale, nos activités dans cette sphère demeurent plutôt secrètes, ce qui fait que l’intensité du rire variera d’un vécu à l’autre. Mais il est à prédire que plusieurs reconnaitront leurs travers, ou plus facilement encore ceux de la voisine ou du beau-frère ! Il y a quelque chose dans la trame de fond de ces blagues qui tient d’une solide et scrupuleuse observation sociale. La voie large de l’absurdité nous mène droit à voir nos travers sous des angles arrondis. Ça fait sortir le chat du sac ! (remarquez ma pudeur de ne pas féminiser)

On trouve une certaine candeur dans le dessin, ce quelque chose d’enfantin qui fait avaler l’amertume d’une pilule avec du bonbon. C’est que madame Caroline Allard n’est pas reconnue pour ménager son lecteur. Elle coupe dans le gras du sujet qui se met à éclabousser l’ironie et le sarcasme. L’équation est incontournable : additionnant intelligence + humour = sarcasme. L’illustratrice, lris a fait preuve de ce grand art d’amadouer le texte par des illustrations qui font plus que donner du sens aux mots, qui les remplissent, les embellissent. Cette complémentarité hors du commun entre le texte et le dessin ravira à coup sûr, si on est prêt à rire de soi et de sa sexualité ... pour en finir avec la gravité du sexe.

Nota bene : Les personnes qui rougissent à la moindre farce un peu grivoise, prière de le lire dans votre salle de bain, les autres, dans une salle d’attente.

Pour en finir avec le sexe, Caroline Allard & Iris, SEPTENTRION - Collection Hamac-Carnet, 92 pages, Illustré, 19,95 $

lundi 19 septembre 2011

L'homme blanc - Perrine Leblanc

Je viens tout juste de lire le quatrième de couverture. J’ai tant entendu parler de ce roman que je n’y avais même pas songé avant ! En plus, et c’est la première fois que cela m’arrive, j’oubliais d’en parler ici.

Tout au long de ma lecture, je n’ai pu retenir ma question : pourquoi un tel succès à ce premier roman écrit par une jeune femme, jusqu’alors inconnue, traitant de la Russie sans y avoir mis les pieds, nous séduisant avec un Russe assez rustre ?
On veut comprendre, comme si c’était possible de toucher à la recette invisible, et la faire sienne.

J’ai trouvé des réponses, mes réponses, et les voici. Qui n’aime pas les personnages forts ? Qui n’aime pas les histoires qui savent les cadrer avec juste ce qu’il faut de lumière pour que la photo soit naturellement artistique sans être nécessairement esthétique.

Kolia est cet homme mal né qui, par la force de son caractère, déploiera une énergie constante pour se sortir de ses prisons. On s’attache à un tel homme, d’autant plus qu’il ne fait rien pour séduire. Il m’a par ailleurs fait penser à un bélier trapu non belliqueux.

On aime habituellement les histoires où une personne mal partie s’en sort, sans baguette magique, mais avec sa volonté. On n’aime pas la complaisance de la faiblesse, on aime la force qui se démarque. Et pas cette force superflue de nos temps modernes, mais de l’indispensable, ce celle pour sauver sa peau. Pour grimper les échelons d’une élémentaire fierté, évitant le rampement sous une botte.

Nous partirons d’un monde de dureté et de violence (prisons de Staline) pour se rendre à un monde d’amusement et de distraction (le cirque), arpentant un bien nécessaire, la discipline.

J’ai particulièrement aimé les débuts où la dureté est à son paroxysme, à ces moments où Kolia n’est même pas au pied de la montagne à escalader. C’est là où j’ai vécu le plus d’intensité. Lui aussi d’ailleurs, je veux dire le personnage. Quand il sera « grimpé», il aura besoin de se donner du frisson, misant le tout pour le tout pour un simple hobby. Cela me l’a rendu plus humain, moins réglé au quart de tour.

Par le style impersonnel, chaud de mots justes et froid de ton neutre (tout de même pas autant qu’au journal télévisé!) les horreurs coulent sur les phrases comme sur le dos d’une portée musicale sans trémolo.

Et quand, vers la fin, poindra le profil d’une prégnante gratitude, le roman en sera traversé à rebours, pour finir loin de la banalité. Ce qui donnera une chair sensible au cœur du Kolia, faisant monter d’un cran l’émotion.

Il n’y a pas à dire, l’auteure sait manier ses effets.

Remarquez le destin tout en blancheur de ce roman :
L’homme blanc de Perrine Leblanc entrera dans la collection Blanche de Gallimard.
En plus d'avoir gagné le Grand Prix du livre de Montréal 2010,
L'Homme blanc sera publié chez Gallimard.



* * *

Avez-vous été fidèle au rendez-vous La Recrue en ce dernier 15 septembre ? Numéro spécial. Une rétrospective, une pause, un point d’arrêt pour assimiler, tout ça et bien plus !

Je vous invite personnellement à visiter la section des « Cœurs de cœur ». En y allant, vous comprendrez pourquoi je l’ai ajouté ici.

Bonne navigation sur les eaux des premières crues !

jeudi 15 septembre 2011

Parapluies de Christine Eddie

Les Carnets de Douglas* , le premier roman de Christine Eddie a été pour moi un coup de cœur et je me demandais si j’allais retrouver le style que j’avais aimé. Je peux aujourd’hui l’affirmer, Christine Eddie a un style que j’aime, une prose toute en finesse, une telle habileté à me chuchoter à l’oreille les états d’âme de son personnage principal que j'en deviens son amie. Je me mets à l’écoute de ce qu’elle à dire et regarde attentivement ce qu’elle a à vivre.

Dans Parapluies, ce personnage est Béatrice, une traductrice au bonheur discret, vivant depuis quinze ans avec son homme, Matteo. Une femme capable de laisser un homme libre, qui supporte à chaque année le même désagrément, ce voyage traditionnel en Italie où la mamma en a que pour son fils unique, faisant complètement fi d’elle. Seul accroc, elle désire un enfant, il se fait tirer l’oreille.

Mais est-ce une raison pour que son Matteo décide de partir sans laisser de traces ? Complètement disparu l’homme qui, encore la veille, fêtait son anniversaire de naissance avec des amis. Où est-il ? A-t-il fui ? L’a-t-il abandonné pour une autre femme ? Elle est prête à tout effacer, tout comprendre, en autant qu’il revienne « Je lui aurais pardonné toutes les petites culottes rose pâle du monde s’il avait eu l’élégance de m’en glisser un mot ».

Mais comment peut-il avoir aussi abandonné sa mère qu’il a fait venir d’Italie afin qu’elle loge au rez-de-chaussée pour mieux prendre soin d’elle ?

Nous accompagnerons Béatrice pendant trente-quatre jours de pluie où elle remettra tout en questions, même les réponses les plus sûres. Elle ira jusqu’à prendre soin de la mère bourrue et, le cœur battant, elle tremblera pour le sort d’une jeune Somalienne. Les circonstances feront qu’elle s’entourera d’un enfant troublé, ce qui me fait dire qu'en ouvrant son cœur, en se fragilisant, son sentiment maternel fleurira bon.

Je n’en dis pas plus, je dois me retenir ! C’est le genre de roman sans soubresauts mais parcouru d’une intrigue psychologique soutenue. Je me suis bien posé quelques questions techniques sur la disparition de Matteo, et puis j’ai opté pour ne pas trop m’y attarder, vu le genre psychologique plus que policier.

Le comble de ma délectation est venu du style et son humour en dentelle, à s'étouffer de sourire.

Parapluies, Christine Eddie, Éditions Alto, avril 2011, 208 pages
* Les Carnets de Douglas - Premier roman : ses Prix et Distinctions

vendredi 9 septembre 2011

Je compte les morts - Geneviève Lefebvre

Certains ont paru surpris de me voir lire un roman au titre et à l’apparence aussi macabres. Je connais l’auteure par ses Chroniques blondes , par les épisodes web Chez Jules.TV, et finalement par facebook. J’ai décidé de lui faire confiance ; il n’y aurait pas du sang pour du sang, du dégueulasse pur et dur pour exploiter le sensationnalisme. Elle a amplement mérité cette confiance. Ma lecture a dépassé mes attentes, assez pour remettre en question que «le polar, ce n’est pas pour moi».

L’histoire apparait tout simple. Antoine Gravel, parce que paumé, se plie au désir d’une productrice qui lui commande un scénario précis inspiré de l’histoire de Maria Goretti, jeune fille de 13 ans qui a dit « non » à son prédateur au début des années 1900. On suivra de près le scénariste dans les méandres de son inspiration, étouffé dans ses élans créatifs par l’aspect « commande ». Le métier de scénariste en prend pour son rhume. Si on s’y fiait, on pourrait presque dire que celui qui sert le café sur les plateaux de tournage est mieux considéré !

Antoine Gravel est un bon gars, ne serait-ce parce qu’il vit et sympathise avec un cochon. Ce lien pour le moins bizarre ne l’empêchera pas de s’attacher à de grandes blessées du cœur, une femme restauratrice et sa très délurée fille. Par elles, et pour son scénario, il se faufilera dans une réalité qui s’évertuera à dépasser la fiction.

Il sera beaucoup question de cinéma. On fera connaissance avec un caméraman amateur qui poursuit des objectifs troubles avec son objectif. Et quand je dis faire connaissance, je parle jusqu’à l’intimité de ses pensées.

J’ai admiré que Geneviève Lefebvre arrive à me faire entrer dans la peau d’un pédophile. Combien de fois, en écoutant les horreurs du journal télévisé, me suis-je frappé la tête sur un mur : « quelle est la logique de ces gens-là ? » Je gagerais que l’auteure s’est penché sur leurs cas, car les motifs de ces détraqués me sont apparus répondre à une logique interne qui, en étant pas moins profondément perverse, fait un sens pour eux. Bref, le portrait était des plus crédibles, parce que pas traité en surface.

C’est un roman qui fait ressortir les contrastes ; la pauvreté versus la richesse, le pouvoir et la victime, la jeunesse, la maturité, la bonté, l’exploitation. Un autre thème, celui-là cerné jusqu’à l’acculer au mur : l’apparence trompeuse. Un atout dans plus d’un roman, que j'ai trouvé ici particulièrement bien joué.

Le style de l’auteure est éveillé, alerte, vif. Il m’a semblé que le désir de faire de l’esprit était fort. Peut-être est-ce la nature de l’auteure, en tout cas, cela donne un style qui persiste dans l’humour. Ce n’est pas un mal en soi, en autant que ça serve l’histoire. Je l’ai surtout remarqué au début, peut-être que moi, ou l’auteur, n’étions pas encore entrées dans le vif – et stressant - de l’histoire. Il m’est apparu évident que Geneviève Lefebvre est une femme d’opinions fermes, elles sont portées par la voix des personnages d'une manière des plus naturelles.

Justement parce qu’on y compte les morts, ce roman aborde la vie. J’ai aimé qu’une ligne conductrice, le pouvoir de la victime, mène les diverses histoires. Ça fait réfléchir au prix de la liberté de dire non. Ça fait réfléchir que, même en bas âge, tu n’es pas que prisonnier de ton « bourreau » mais aussi de ta peur, ou de tes trop vifs désirs. Un message en filigrane ; la complicité silencieuse à un crime est une forme de participation.

J’ai également aimé que l’histoire soit si forte que j’en oublie de tenter de deviner qui est le ou les coupables !

Je compte les morts, Geneviève Lefebvre - Libre Expression, Expression noire, 320 pages, décembre 2009.

dimanche 4 septembre 2011

Il pleuvait des oiseaux - Jocelyne Saucier

Voici un roman que je ne saurais oublier, tant il a laissé son empreinte sur moi. Aux premières pages pourtant, et mêmes chapitres, je n’aurais pas su prédire cette marque déposée sur ma peau.

Les personnages principaux sont de vieilles personnes, des délinquants cachés dans le fond des bois. Si on arrive à les surprendre dans cette pose de fuyards qui se débrouillent avec les moyens du bord, c’est la faute à l’œil curieux d’une photographe et à sa dent vorace du fait historique le « Grand feu de Matheson » qui a ravagé le Nord de l’Ontario au début du XXe siècle.

Les trois gaillards se sont construits chacun une cabane, vivent de solidarité et de quelque argent retiré d’une plantation de cannabis tenue par leurs voisins, Steve et Bruno. Ces derniers, principalement Steve tiennent un « campement restaurant » oublié par son propriétaire.

De la solidarité, il en faut pour échapper à la loi, et vivre en forêt sans statut de citoyen. Les vieillards de 85 ans et plus, même si dotés d’un caractère fort et typé, ne seraient pas mis autant en valeur, n’aurait été de Marie-Desneiges qui finit par aboutir dans ce décor rustre. Qu’est-ce qu’une femme octogénaire vient faire dans cette galère ? Surtout une femme qui a été internée pendant 66 ans pour cause officielle d’avoir l’esprit fêlé. On découvrira, avec un immense plaisir, sous les yeux de ces hommes pas si brutes qu’ils en ont l’air, qu’elle n’a qu’un seul tort : être différente. Comme eux finalement qui ont choisi de s’enfermer dans une vie à l’abri des regards. Une vie où la liberté de mourir est contenue dans une petite boîte de poudre « magique ».

Si une personne m’avait résumé cette histoire, comme j’ai tenté de le faire, je ne sais pas si j’aurais été attirée. C’est pour dire, encore une fois, que dans les histoires écrites, c’est la manière de raconter qui fait toute la différence. Le sujet ne me semblait pas si attrayant, mais il l’est devenu avec l’habileté de Jocelyne Saucier, que je découvre et que je ne quitterai plus. Ces personnages, elles les aiment et les respectent. Ils sont sans complaisance ou passe-droit, parfaitement intègres dans leur fibre fictionnelle.

Avec un juste dosage de mystère, elle nous dévoile l’histoire en donnant les points de vue de ses personnages, mais pas toujours. Le feu de Matheson, et sa légende, est intégré dans la narration, comme un motif appliqué sur un tissu, consolidant du coup la vie d’un des vieillards. Marie Desneiges est le personnage attractif, on s’attache à outrance à cette femme qui a vécu l’injustice sans perdre complètement la tête. C’est l’enfant du groupe. La photographe reste secondaire, se tenant à côté de cette marginalité vécue comme une fête à tous les jours.

Ce n’est pas un roman contemplatif, il y a de l’action au possible dans la mesure des circonstances de la vie dans le bois dans un tel contexte. Et pour ceux qui y sont sensibles, l’auteure nous avertit dès le prologue, si on est patient, il y aura de l’amour dans l’air !

Oui, il n’y a pas à dire, même si je n’arrête pas de le dire, j’ai savouré ce roman.

jeudi 1 septembre 2011

L'automne de la vie : Correspondances d'Eastman

Le Café littéraire le plus joyeux de ces quatre jours ! Josée Blanchette n’est pas à la hauteur de ses palpitantes chroniques, elle les dépasse ! Ses invités y étaient pour quelque chose bien sûr : LACROIX (Père Benoit), LAVOIE (Marie-Renée), LECLERC (Rachel). Il y avait des L (ailes) en ce samedi 6 août où l’assistance a volé jusque dans un ciel bleu sans nuage.

Une blague n’attendait pas l’autre, et des assez coquines. Les allusions à la « chose » planaient et le père Benoit Lacroix ne faisait pas que s’en amuser, il en rajoutait. Quel homme généreux ! C’est la première fois que je vois un invité s’investir à ce point dans la promotion des romans de ses pairs. Cet homme, avec une quarantaine d’écrits à son actif a vanté les livres de ses compagnes, prenant soin qu’une ne soit pas oubliée au profit de l’autre. À certaines questions de l’animatrice, il dirigeait le micro, indiquant que Marie-Renée L. ou Rachel L. serait la mieux placée pour répondre. Il a même été jusqu’à dire que de ne pas lire ces romans équivaudrait à se mettre en état de péché mortel ! J’ai vu des spectatrices les yeux pleins d’eau à force de rire.

L’automne de la vie, allusion à cet inexorable temps qui passe aurait pourtant pu appeler la morosité. Mais que non ! Toute la causerie s’est déroulée dans un genre d’euphorie. Dès le départ, le ton a été donné par Josée Blanchette qui n’a pas ménagé le père dominicain de 95 ans ; « Vous, vous êtes plutôt en hiver qu’en automne, et même en hiver sous zéro ! Et lui de répliquer du tac au tac. « Eh oui, avec mes cheveux de neige ! ». On a vite compris que nous avions affaire à deux complices.

Nous avons aussi compris que Marie-Renée Lavoie avait réfléchi sur les antipodes de vie avec son roman « La Petite et le Vieux ». À la lumière de ses personnages masculins, le père dans la trentaine, vieux à vouloir se noyer dans l’alcool et Roger, dit le Vieux, buvant, riant, faisant du bruit, jeune de cœur. Avec lui, la Petite développera un lien tendre de l’intérieur et croustillant de l’extérieur. Ce qui fait dire à l’auteure que l'automne de la vie n'est pas tant une question d'âge qu’une question de capacité au bonheur.

Pour Père Lacroix, la définition de la vieillesse pour les jeunes, c’est de ne pas monter dans le train technologique. Cette technologie omniprésente entre les personnes (écrans) va à l’encontre de son besoin d’aimer dans la lenteur. La notion de recommencement n’existe pas pour cet homme qui voit la vie comme des saisons, qui vont et viennent, toujours liées l’une à l’autre dans une continuité se tenant loin de la fatalité. Après la mort, la vie, après la vie, la mort.

Rachel Leclerc, (photo ci-dessous) femme discrète, est le genre d’écrivain que l’on imagine plus à l’aise dans ses chambres intérieures que devant une centaine de paires d’yeux. Elle nous a parlé de son dernier roman, où lui est venue cette idée de plonger pour déterrer ses racines familiales. Quand je dis « où », je serai précise, dans une résidence d’écrivain, en 2007. Elle a reculé dans le temps, jusqu’à ses ancêtres, jusqu’à Joseph Joachim Leclerc, figure mythique. En Gaspésie, où elle est née (elle vit à Montréal depuis 30 ans), la filiation est au cœur des relations entre les gens « Tu es une petite qui, toi ? ». On ne sait plus à quel pays on appartient, ni à quel parti, il reste de savoir à quelle famille. Elle est descendue cinq générations en arrière, remontant avec patience jusqu'à aujourd'hui, traversant des dédales tragiques pour nous donner La patience des fantômes. Je comprends mieux maintenant la quatrième de couverture de ce roman mystérieux " ... nous propose une lumineuse méditation sur la tragédie qui se cache au milieu de toute vie. Pouvons-nous nous libérer du passé sans renoncer à notre héritage ?"

Le Père Lacroix a mis l’emphase sur le quotidien qui serait la vraie vie, ne pas la chercher trop loin de soi. Et bien sûr, en ce sens, il place bien en vue la famille. Marie-Renée Lavoie, pour sa part, a recréé un village dans son quartier de Rosemont et ses préoccupations tournent autour de la famille élargie jusqu'au quartier qu'on habite.

Mes impressions :
Ce Café littéraire aurait pu tout aussi bien s'appeler "La place de la famille dans notre société littéraire". Sans tambour ni trompette, le thème a glissé vers cette valeur fondamentale, la famille. C'était leur point rassembleur et il a été joyeusement exploité par Josée Blanchette, venue chercher mon admiration pour ses dons d'animation.