Rose épineuse
N'attendez pas de moi que je dise que c'est un livre coup de poing. Trop tentant, trop lu, trop vu. Il y a d'autres choses à dire de l'histoire de cette femme écorchée qui trépigne sur un pied et sur l'autre, une femme « gars » avec l'adrénaline poussé à bout et la testostérone à fleur de peau. Cette Rose, une jeune femme que l'on suit en ressentant un fort inconfort. J'ai éprouvé de la difficulté à la suivre, autant qu'à l'abandonner. Pourquoi ne pas l'avoir abandonnée ? Sa douleur répétitive a quelque chose de lassant, une douleur qui ne mène nulle part, c'est dur sur les nerfs. Un exploit de l'auteur qui a réussi à me raccrocher à ses problèmes grossis à la loupe, ces coups de poing (bais oui, je succombe !) à la vie et à celui qui lui a donné la vie. Je me le suis demandé, vous pensez bien, pourquoi il est si difficile cet attachement grandissant avec les lignes qui nous passent sous l'oeil ? Je réponds à cause de l'intensité, palpable, celle du créateur de Rose, et je nomme Simon Girard. On sent que ça bouillonne dans cette tête d'écrivain qui pousse le crayon avec instinct et fougue. Son principal talent est de laisser bouillir à gros bouillons sans mettre de couvercle. Il ne faudrait pas mettre de couvercle, ça déborderait c'est sûr.
L'attachement à Rose est essentiel puisque l'on souffle en même temps qu'elle et je l'ai eu ardu, laborieux, pour refus de son sexe. J'ai refusé son « femme » longtemps, presque tout le temps. Je ne la voyais pas femme, cette Rose épineuse. J'entendais et voyais l'auteur tout le temps souffler dans son personnage comme dans un personnage gonflable. Ce n'était pas Rose qui apprenait à donner les coups de poing au bon endroit entre quatre cordes bien tendus, mais un homme, l'auteur c'est certain. Et puis, il faut dire que les premières scènes de boxe m'ont quelque peu lassée. Décortiquer à ce point un coup de poing, c'est du haut voltige d'écrivain mais est-ce que la spectatrice cloisonnée que j'étais, et non férue de boxe a embarqué dans le ring ? Non. Le goût a été grand, de sauter quelques crochets mais je ne l'ai pas fait par respect pour l'auteur si présent, si intense dans son désir d'être. On ne raccroche pas au nez de quelqu'un qui nous raconte sa vie par petits coups, haletant.
Certaines phrases, certains paragraphes m'ont laissée coite, c'était senti pas seulement écrit, j'étais béate d'admiration devant cet oubli de soi pour se laisser aller au geste d'écrire. Écriture nerveuse et instinctive. Écriture qui s'abandonne. J'ai hâte de voir le prochain sujet de l'auteur, bien sûr, j'ai hâte. Se donner un peu plus de temps pour peaufiner, pour sortir du jet à l'état brut, qu'est-ce que ça donnerait ? J'ai l'impression que l'auteur écrit à chaud mais que le travail de réécriture n'est pas son fort, entraînant dans le texte des mouvances qui pourraient décourager certains impatients. À ce qui me semble.
Mais un jour, mêlant l'ardeur naturelle au travail acquis, un chef d'oeuvre, pourquoi pas, pourrait être à portée de plume.
N'oubliez pas de lire les autres commentateurs, c'est très intéressant et c'est ici.
2 commentaires:
Une héroine féminine pour un livre rempli de testostérone c'est tout de même une première mais c'est ce qui donnait de l'invresemblance à l'histoire.
Je suis d'accord avec toi et Carole (et les autres aussi ont vu cela): le personnage de Rose ne dégage aucune féminité. Ça rend donc la cohérence du personnage boiteuse et le lecteur décroche et finit par être agacé par ce comportement si "viril" (et encore, certains gars de mon entourage m'ont fait remarquer que ce ne sont pas tous les hommes qui sont ainsi... Je parle notamment des fantasmes de viol et de la fascination pour la masturbation). Bref, à mon sens, le roman de Simon Girard aurait mérité encore du travail d'écriture... Ce n'est pas un texte mûr. Cependant, j'ai bien aimé le style d'écriture "punché".
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