Nous voici vraiment très gâtés. Stéfani Meunier, auteure de Et si je demanderai la mer lisant les commentaires laissés suite à l'entrevue a réalisé que certains étaient restés sur leur faim à la première question "Pourquoi la mer ?".
Elle nous offre donc un bonus, un exposé, presqu'une confidence. Juste pour nous ! Il s'agit d'en profiter, surtout que des amateurs de mer, de son immensité, son plus grand que soi, il semble y en avoir plus d'un. Alors, sans plus tarder, plongeons :
Pour moi, la mer représente la vie; elle en est si pleine ! J’éprouve face à la mer la même attirance mêlée de terreur que face à la vie. Il me semble parfois que c’est là le lot des non-croyants. Je n’ai que ma vie, il n’y a rien d’autre, alors je dois bien la vivre. Ce fait me semble parfois paralysant. Je veux bien vivre, je veux être heureuse, je ne veux pas me tromper, j’ai peur de faire des erreurs alors que les erreurs peuvent générer tant de choses (et des bonnes). Devant la mer, je me remets en question. En voyage, à St-Malo, il y a six ou sept ans (je n’avais pas vu la mer depuis presque dix ans), j’ai décidé de vivre plus, d’avoir moins peur du changement, des échecs comme des succès. J’ai donné ce souvenir à mon personnage d’Héloïse, dans Ce n’est pas une façon de dire adieu.
J’ai eu la grande chance de passer un an dans les Caraïbes il y a quelques années. Je n’avais jamais été aussi heureuse. Heureuse comme on peut l’être enfant, heureuse au présent, sans aucune pensée pour l’avant ou l’après. Je n’ai jamais autant écrit que là-bas, comme si j’avais envie de partager la beauté. Je n’y suis plus, sur mon île, mais je veux toujours partager cette beauté, la faire revivre, alors j’essaie de l’écrire. Je parle de l’île sous toutes ses coutures dans Ce n’est pas une façon de dire adieu, je parle du monde magnifique et fascinant des poissons coralliens dans Et je te demanderai la mer. Je le fais, avant tout, pour me faire plaisir. Et ça marche ! J’aime bien le fait qu’il y ait le mot mer dans le titre de mon dernier roman. Car la mer est si présente dans le livre. Il y a le petit Léo qui pose plein de questions sur la mer à Dan (il lui demande la mer, d’une certaine façon), Marco, le fils de Dan, qui a un but, finalement, celui de partir en voyage pour revoir la mer, cette mer dont il se souvient comme d’un moment, le seul, peut-être, de bonheur et d’unité familiale. Il y a Léo qui ne voulait rien savoir de l’amour mais qui tombe amoureux d’une fille qui s’appelle Océane, Rachel qui pense que c’est la mer qui, alors qu’elle avait huit ans, lui a donné la vie. La mer est partout dans le roman, dans les souvenirs, dans les espoirs, dans les rêves. Elle est un lieu de réunion. On réussit, grâce à elle, à se rapprocher, à se parler, à se raccrocher à la vie.
La mer m’attire mais elle me terrorise aussi, et la mer dans mes livres n’est pas toujours un élément positif. Dans Ce n’est pas une façon de dire adieu, la mer est parfois traitresse, elle vous berce comme une mère pour mieux vous isoler ou vous pousser en bas des falaises. Dans mon prochain roman, je parlerai des grandes vagues qui peuvent tout balayer sur leur passage.
Pourquoi cet amour pour la mer ? Pourquoi pas les montagnes et les lacs de mon beau coin de pays ? J’aime mon lac et mes montagnes d’un amour tranquille, fort mais tranquille. Ce que je ressens pour la mer, c’est de la passion. Je ne sais pas pourquoi. Ça faisait partie de mon équipement de base, je crois. Même toute petite, même avant d’avoir voyagé, je voyais la mer en rêve, j’en avais peur, j’en avais envie. Et là, maintenant, qu’est-ce qu’elle me manque ! J’irai lui rendre visite bientôt.
Signé Stéfani Meunier
Au bout du chemin Nouvelles, 1999, 156 p. Boréal
L'Étrangère Roman, 2005, 160 p. Boréal
Ce n'est pas une façon de dire adieu Roman, 2007, 216 p. Boréal
Et si je demanderai la mer Roman, 2008, 184 p. Boréal
9 commentaires:
Une relation viscérale avec la mer quoi!
Ce que j'aime le plus dans ces "aveux" c'est le concept qu'a l'auteure d'avoir décidé de se faire plaisir, tout simplement, en laissant entrer la mer dans ces récits.
Pourquoi la mer?
Parce que c'est un thème éculé.
@'nique : Vous savez l'amour aussi, c'est un thème éculé. La haine, la guerre, la maladie, les enfants.
La vie est un thème éculé ;-)
Pourquoi les thèmes éculés?
Parce que c'est vendeur.
Allez chercher ailleurs, il existe autre chose.
@ 'nique : Quand le thème éculé est senti, heureusement que c'est vendeur, parce que je suis acheteuse.
Je dois dire que Venise a raison. Tous les thèmes et sujets ont d'ailleurs été abordés par la littérature.
Ne reste que la manière d'explorer le sujet pour rendre intéressant un ouvrage littéraire. Et pour cela, l'émotion de l'auteur doit être au rendez-vous.
Ah que j'aime les mots de cette dame. Merci pour ce beau moment.
Tiens, pour faire suite. Un petit texte sur ce thème (même éculé loll) que j'adore tout autant que bien d'autres.
La Mer de Nérée Beauchemin
Loin des grands rochers noirs que baise la marée,
La mer calme, la mer au murmure endormeur,
Au large, tout là-bas, lente s'est retirée.
Et son sanglot d'amour dans l'air du soir se meurt.
La mer fauve, la mer vierge, la mer sauvage,
Au profond de son lit de nacre inviolé
Redescend, pour dormir, loin, bien loin du rivage,
Sous le seul regard pur du doux ciel étoilé.
La mer aime le ciel : c'est pour mieux lui redire,
À l'écart, en secret, son immense tourment,
Que la fauve amoureuse, au large se retire,
Dans son lit de corail, d'ambre et de diamant.
Et la brise n'apporte à la terre jalouse,
Qu'un souffle chuchoteur, vague, délicieux :
L'âme des océans frémit comme une épouse
Sous le chaste baiser des impassibles cieux.
Nérée Beauchemin
Poète québécois (1850-1931)
Un extrait de Duras , sur la mer ici:
http://auxtempesdesmiroirs.hautetfort.com/
Je trouve que tu as raison , oui , Venise ...
C'est la forme sans cesse renouvelée qui importe et nous touche !
Rien ne se créé , tout se transforme ...
Magnifique... merci Helenablue
Publier un commentaire