Faites comme chez vous

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c'est recevant !

mardi 28 octobre 2014

Pourquoi cours-tu comme ça ? - Collectif

D’où m’est venue l’envie de lire ce petit bouquin sans prétention ? De ma collègue blogueuse, Jules se livre, pour son enthousiasme contagieux, pour les 8 auteurs des 8 nouvelles qu’on s’amuse à reconnaitre, et c'est sans compter l’attrait indéniable de la couverture, avec ses illustrations de coureurs de tout acabit. Mais ce n’est certes pas parce que je cours ou que je veux courir. J’ai  de la difficulté à marcher, alors imaginez courir !

C’est rare que je m’aventure à vous dire par quel bout prendre un livre, mais je trouve intéressant, dans ces cas de nouvelles réunies sous un même thème, de commencer par la fin. Hé, hé ... Par là, je veux dire, lire la brève bio de l’auteur offerte à la fin de la nouvelle. J’ai aimé faire connaissance avec l’auteur, apprendre s’il court ou non, si c’est récent, ou si c’est un mordu. 

Autant l’angle des histoires est différent d’un auteur à l’autre, autant les motivations le sont. J’ai embroché les 8 histoires, et comme dans n’importe quel recueil de nouvelles, certaines m’ont captivés et d’autres m’ont laissé indifférente. Je ne m’en cacherais pas, j’ai sauté immédiatement sur la deuxième, Tandem celle de ma précieuse amie Julie Gravel-Richard. Je l’ai lue à haute voix pour Marsi avec toute l’émotion que peut générer une nouvelle puisée à même le sentiment filial et la menace du cancer qui plane au-dessus d’une famille. Le fait que le regard soit celui du fils vis-à-vis la mère, laquelle on s’empresse d’identifier comme l’auteure est pour le moins remuant, quand on sait qu’elle est au prise avec un tumeur au cerveau (réf. : Soleil en tête). Si j’ai eu un tort c’est d'avoir commencé par la plus forte, à mon avis. Je vous laisse découvrir si vous, ne fréquentant pas l’auteure, vous serez du même avis.

Celle de Patrick Dion La course en Juillet entre de plein pied dans ce fléau social : l’intimidation quand tu es différent, même juste un tout petit peu. C’est habilement mené et le message passe. Avec London Calling, Michel Jean nous entraine dans la course en forêt, c’est la nouvelle qui m’a le plus donnée envie de courir. J’ai aimé l’image de cette femme sauvage qui s’enfuit comme un couguar en pleine nature. Courir après l’amour, c’est du Nathalie Roy tout craché ! La fin fait plaisir à une lectrice, le propre des œuvres de l’auteure. J’ai dû relire celle de Marie Josée Turgeon, au titre intriguant « La gomme à la cannelle », nouvelle sympathique qui se lit facilement revisitant la prémisse que courir fait avaler les plus éprouvantes peines d’amour. Ma deuxième préférée « Asphalte » de Florence Meney pour l’audace d’être littéraire jusqu’au bout. On sort du ton badin de joyeuse chronique. La fin me fait encore sourire, une image qui me poursuivra et m’attraperait sûrement si je courais.

Plusieurs ont aimé l’humour de « Je suis mouillée de partout » de la comédienne Jacinthe Parenteau, qui m'a malheureusement perdu en chemin du top chrono. Je n’ai peut-être pas tenu la route, n'ayant pas suivi la suggestion de l'auteure de consommer sa lecture en écoutant Claptone – No Eyes feat – Jaw Exploited. La dernière, « Errances » a un ton différent, celui de l’histoire vécue. Une réponse prise au pied de la question « Pourquoi courir ? ». Vous serez d’autant plus intéressé si ce comédien, Patrice Godin, qu’on ne voit pas assez sur nos écrans, vous intrigue. De tous les coureurs, c’est le mordu entre tous, courant des marathons de 42,5 kilomètres. Je vous assure que ça impressionne. 

Une lecture en douceur qui peut réconforter ou encourager ceux qui courent déjà et, qui sait, fera courir ceux qui se demandent encore au sujet de leur entourage : « Pourquoi cours-tu comme ça ? »

Pourquoi cours-tu comme ça ?
Nouvelles sous la direction de Marie-Josée Turgeon et Michel Jean, auteurs de 2 nouvelles.
6 autres : Patrick Dion, Julie Gravel-Richard, Nathalie Roy,  Jacinthe Parenteau, Florence Meney, Patrice Godin
Illustrations de la couverture : Jasmin Guérard-Alie
Vous voulez les voir ?




samedi 18 octobre 2014

Extraordinaire de David Gilmour

Danielle Laurin a intitulé sa critique « La mort en direct ». C’est fort, j’aurais aimé  y penser. Pour trouver les mots justes, ça aide d’avoir beaucoup aimé un livre. Ce fut son cas, tandis que moi j’ai moyennement aimé. Pourtant un frère au chevet de sa demi-sœur, une mission au fond de sa poche (des pilules) et une promesse à tenir : l’assister à quitter cette vie dont elle ne veut plus est un excellent sujet de roman.

Pourquoi ne veut-t-elle plus de sa vie, là est toute la question. Une possible réponse  ; elle est en fauteuil roulant suite à un accident. « S’est-elle habituée à vivre péniblement ? » est une question importante mais ce n’est pas l’unique. Une seule réponse serait trop simple pour que cet échange de confidences chuchotées en pleine nuit remplisse 176 pages. Sa vie a été remplie ; mère de deux enfants marginaux et rebelles, un fils dont elle ne vient pas à bout, un divorce, un amant, un exil, mais surtout ce fameux accident d’une banalité sans nom, littéralement s’accrocher dans les fleurs du tapis. En résumant sa vie, je réalise que ce qui la distingue vraiment sont les conséquences de son accident qui lui a enlevé l’usage de ses jambes.

Ce qui donne la saveur à l’histoire, ce ne sont pas tant les bribes de sa vie, comme ce dialogue nocturne en sourdine. Le ton de confidence de ce tête-à-tête donne nettement l’impression au lecteur d’avoir une part active à cette préparation à la mort. Une question résonne dans la tête du lecteur, à l’unisson à celle du frère : est-elle sûre de vouloir mourir ? Il est facile de s’imaginer qu’une personne veuille tout abandonner sous un coup de tête, ou en perdant la tête sous l’effet d’alcool ou de la drogue, mais en pleine possession de ses moyens, c’est perturbant.

Elle communique posément, s'exprime avec une grande lucidité, ce qui va raviver l'affection du frêre qui la découvre juste avant de la laisser partir. Va-t-il refuser de participer à son départ, essayer de la convaincre de continuer, lui donner des conseils, lui apporter de l’aide pour mieux vivre à l’avenir ? Non, pas du tout, ne pas satisfaire son ultime désir lui donnerait l’impression de ne pas suffisamment l’aimer.

Je vais tenter d’expliquer pourquoi je ne suis pas plus emballée, malgré la maîtrise du dialogue et l’ambiance rendue impeccablement. J’ai trouvé le message si gros, qu’il tire la situation et ses personnages, quand cela devrait être l’inverse. Un professeur aurait donné à ses étudiants ce devoir : démontrer que l’euthanasie est un geste propre, respectueux et nécessaire, « Extraordinaire » aurait alors obtenu une note extraordinaire. Je n’aime pas voir le message à ce point, au même titre que je n’aime pas voir les ficelles des marionnettes ou la bouche du ventriloque.

J’aurais préféré voir des élans de vie ressortir de ce moment crucial où quelqu'un décide de quitter sa vie. Par exemple, j’aurais imaginé des sursauts de doute venant du frère, qu’il soit un peu torturé, ou voir le déchirement de la sœur qui laisse une vie et sa fille derrière elle. Rien de plus humain, il me semble. Surtout qu’à un certain moment, ils ingurgitent une grande quantité d’alcool fort, cela aurait pu avoir un effet, celui de ramollir au moins un des deux, lui donnant la nausée, ou de l’anxiété.

Delà, cette impression persistante d’assister à une démonstration qui appuie la non ingérence dans la décision ultime de mourir et que le suicide assisté est un geste noble. Le message, en parlant plus fort que les personnages, les a sclérosés au point où je les ai moins appréciés.   

Extraordinaire - auteur : David Gilmour* - Éditions : VLB
avril 2014, 176 pages
Traduit de l'anglais par Sophie Cardinal-Corriveau
*(polémique récente suite à une de ses déclarations intempestives)

mardi 14 octobre 2014

Vrac d'automne

Merci des éditeurs
On défend les auteurs bec et ongles, ils sont les enfants faibles du bout de la chaîne du livre. C’est vrai. Mais ce n’est pas une raison pour faire passer les maisons d’édition pour les gros méchants. Je ne me lance pas dans un plaidoyer, je veux seulement vous donner des visages reconnaissants à reconnaître :



Pierre Foglia – 10 livres… pis, vite !
Notre chroniqueur indestructible et mordant vient encore de trouver une manière de parler littérature et la parsemer de titres québécois. Il nous envoie à un devoir amusant tandis que lui l'a bien sûr fait.

D’auteur inconnu 
Le plus dur, c'est la couvaison. Bien que malaisé, sortir un oeuf n'est pas une tâche impossible. C'est après que ça se corse, quand il faut le reconnaître comme sien et vivre avec, quand il faut l'aimer, le bichonner, le rouler jusqu'aux sommets où trône l'éditeur et ensuite, lorsqu'il est enfin prêt à faire sa vie, le jeter dans la fosse aux critiques. Tout cela demande davantage d'inconscience que de talent. [...] La capacité de lancer un livre ordinaire aux côtés de chefs-d'oeuvre - qui sont tout de même rares - dépend de la dose d'humilité qui vous habite, autrement dit de votre façon de brider le narcissisme. Une fois qu'on a vraiment, mais vraiment tout donné, il faut fermer les yeux sur les défauts de fabrication et être content.
J’ai trouvé ce paragraphe si juste ! Mais je n’ai pas inscrit le nom de l'auteur, j’ai failli ne pas le publier à cause de cette omission. Ce serait dommage, alors je le publie avec l’espoir fou que l’auteur s’identifie. À moins qu'il était anonyme et que je ne m'en souvienne plus. 

Éloge de la littérature québécoise
Il n’y a pas que le douze août pour souligner la littérature québécoise, Karine Minier a initié Québec en septembre dont c’était la troisième édition. Laurence Valentin en a fait un bilan de 183 livres où vous pouvez piger des titres. Une initiative n'attend pas l'autre pour promouvoir nos livres québécois : « Québec-o-trésors ». Je compte y participer. Je vais en parler dans un billet exclusif à cette cause grandiose, par contre, si vous êtes pressés, allez-y joyeusement, je pense même que vous pouvez encore vous inscrire.

Une participante de Québec en septembre a écrit le 1er octobre un billet qui explique pourquoi elle aime la littérature québécoise, malgré ce qu’en dit « Le Monde ». J’ai beaucoup aimé et l’ai même pris comme un hommage ! J’espère que vous serez tenté de la lire, elle se nomme Argali.

Courte Échelle en mauvaise posture
Il faut savoir que je prépare à l’avance mes chroniques Vrac, je glane ici et là des nouvelles dignes d’intérêt. Celle-ci est maintenant dépassée, déjà. On parlait d’agonie, on la dit maintenant morte. Déjà. Après 35 années à servir notre jeunesse, La courte Échelle ne sera plus, que les enfants que nous avons été et ceux que avons enfantés aient son âme, si aucun sauveur ne se pointe. La faillite s’annonce d’envergure, puisque même la générosité du public ne serait pas suffisante.

Marsi et son Colis
Colis 22 nous entraîne dans une enquête hors du commun menée par des personnages aux noms de planète. Entre un chien entêté, des faux appels à la bombe et une patronne insatisfaite, ils ont entre les mains ce colis très recherché pour lequel certains sont prêts à tuer. Curieux de savoir ce qui s'y cache?

Marsi dessine cet album comme on écrit un roman policier, parsemant chaque case de moult détails. Il nous raconte une histoire surprenante avec une fin inattendue où on suit avec plaisir ses personnages du quartier Saint-Sauveur au Château Frontenac. Son souci du détail dans les décors tout en noir et blanc et son talent de conteur lui permettent d'embarquer le lecteur dans son univers insolite.

En librairie (au Québec) le 21 octobre -  160 pages - noir et blanc - 19,95$

J'aime le résumé final que La Pastèque. Rempli de promesses !À noter que nous ne l'avons pas encore tenu entre nos mains.

mercredi 8 octobre 2014

Papillons d'Annie Loiselle

Un père meurt et les femmes autour de lui se libèrent, une à une, à commencer par sa propre femme, Augustine. La mort de cet éteignoir laisse en apparence la mère et ses trois filles indifférentes. En apparence seulement, car cette perte sera le point de départ pour leur envol de plus en plus haut au-dessus de la piste de la vie.

Au fil des pages, on réalise que le père subissait sa vie, attendant d’aller rejoindre son premier amour, Thelma, mère de sa fille ainée, Térésa. Par solidarité pour son père, celle-ci taira ses pulsions sexuelles pendant toutes ces années auprès de son mari amoureux, se terrant dans une bourgeoisie contraignante. Par loyauté, Augustine n’abandonnera pas l’homme qui l’a mariée, qui pourtant l’ignore et la rabroue, quitte à fermer la porte à un amour authentique. Incroyable, combien ces femmes font preuve de générosité. Et qu’importe qu’elle soit reconnue, encore moins récompensée. Malgré qu’elles ne reçoivent rien de ce malotru, ces femmes donnent.

Alyssa, l’enfant du milieu apparait plus libre par sa joie de vivre un peu rebelle, mais pas assez pour quitter son médiocre mari musicien qui se contente d’aventures et de défaites. Quand il voit sa femme s’éloigner, il réagit à l’avance comme un vaincu. La petite dernière, Anne semble la plus affranchie mais jusqu’à quel point son homosexualité est un choix ?

Je vous assure qu’il est de toute beauté d’assister à l’envol de ces femmes. Et c’est d’une crédibilité sans reproche. Grâce à la faculté de concision de l’auteure et aux images fortes de son style, nous assistons à l’ouverture progressive des ailes de ses splendides papillons. Il est facile pour le lecteur de reconnaitre de son vécu ou celui de ses proches.

Ce roman apparait comme une danse ; les couples se forment, se déforment, se reforment dans une chorégraphie habilement menée. Chacune a son histoire d’amour bien spécifique tout en restant liée une aux autres. C'est un condensé de la vie qui va directement à l’essentiel : l’amour.

Un autre point m’a plu, de ces histoires, on conclut que les hommes aiment sincèrement les femmes. Peut-être ai-je débusqué chez moi une lassitude face au constat que j'ai fait, les femmes sont couramment mal aimées dans les romans. J’ose espérer, que ce ne soit pas un reflet de société !

Vraiment un roman qu’il fait bon de lire, surtout avec le style fort en images d’Annie Loiselle : 
  • Elle a baissé les bras, levé les jambes et on lui a injecté les jumeaux dans le ventre.
  • Jacob vit de nuit pour ne plus se voir à la lumière du jour.
  • Elle avale trois boules de sorbet à la framboise pour refroidir son cœur brûlant.
  • Térésa, royale, avec ses cheveux quasi synthétiques qui ne bougent pas quand il vente.
Remarque : La couverture est irrésistible. J'ai dû aviser ma nièce de 11 ans, en pleine admiration et qui tendait la main pour le lire, qu’elle devra attendre une couple d'années.

Papillons, Annie Loiselle, Éditions Stanké, septembre 2014, 192 pages, disponible Epub 16.99 $

vendredi 3 octobre 2014

Chaque automne j'ai envie de mourir - Véronique Côté et Steve Gagnon

Je suis un peu mal à l’aise de vous parler de Chaque automne j’ai envie de mourir. Dans mon malaise, il y a c’est certain, l’inquiétude de ne pas lui rendre justice imputable à mon manque de mémoire devant les textes courts. Tout texte bref a la manie de se déposer sur moi aussi furtivement que l’aile d’un papillon. Vous devrez vivre avec ma lacune, je ne peux vous faire des résumés de ces quelques 37 textes.

Ce ne sont pas des nouvelles prises au pied de la définition, ce sont des textes brefs relatant les confidences de 37 auteurs différents. Où les a-t-on pêché ces auteurs ? Le concept était de faire  parler des personnes, principalement par la Toile, leur demandant de déposer ce genre d’histoire ou d’anecdote qu’habituellement on tait. Qu’on ne clame pas sur tous les toits, des secrets de bonne et même de mauvaise famille. L’exercice s’est fait dans l’anonymat le plus total.

À l’étape de l’édition, le langage a été uniformisé par le duo d’auteurs Véronique Côté et Steve Gagnon, tous deux comédiens. Ce n’est pas un hasard qu’ils soient comédiens, ces confidences ayant tout d’abord été déclamées, chuchotées bref, libérées devant un public dans le cadre du dixième festival du Carrefour international de théâtre en 2009. Fait inusité, ces représentations ont eu lieu dans les dédales des rues de la ville de Québec. C'est intéressant, après un travail de collecte de centaines de textes, on a remis au public ce qu’il avait eu la générosité de donner. Ces histoires des gens de la rue ont été remises à la rue. 

Des secrets dévoilés devant un public, déjà là, il y a un paradoxe intéressant. Ce n’est qu’en 2012 qu’on est passé au projet de les coucher entre les pages d’un livre. Bonne idée, que je me suis dit. En lisant l’avant-propos, j’avais l’eau à la bouche. Rapidement, j’ai réalisé combien les textes étaient diversifiés : les banalités côtoient les énormités. J’ai lu plusieurs textes à voix haute pour Marsi, mauvaise idée, ces textes n’ont rien de théâtral, en tout cas pas de ma bouche !

Il n’y a qu’une histoire qui m’a assez marquée pour m’en souvenir, c’est Cauchemars. La grande majorité sont déjà tombées aux oubliettes. Je suis tenté de conclure qu’un style parlé est moins mémorable pour moi. Il s’ancre moins. Pourtant, pendant ma lecture, j’étais boulimique, les avalant goulument une après l’autre mastiquant à peine les mots, en proie à une fébrilité de fouineuse. La curiosité d’écornifler son voisin, de plus en plus de voisins, est exacerbée à cette lecture.

L’uniformisation du ton est si réussie que j’ai fini par m’en lasser. Trente-sept histoires si variées, passant par tous les octaves des émotions servies par un seul et unique ton m’a eue à l’usure. Au deux tiers, un ton monocorde a remplacé les fluctuations que j’entendais pourtant au départ dans ma tête, ce qui a dérangé mon appréciation de la diversité.

Remarquez, c’est spécial de finir par se lasser de sa propre voix liseuse ! Peut-être que j’aurais aimé qu’on me lise ces textes, peut-être étais-je après tout la candidate idéale pour les entendre par d’autres voix.

À vous de tenter l’expérience.

À souligner : Ce titre a reçu le Prix des abonnés 2013 de la Bibliothèque de Québec

Chaque automne j'ai envie de mourir
Véronique Côté et Steve Gagnon
Septentrion - Collection Hamac
Février 2012 - 192 pages.




lundi 29 septembre 2014

La patience des fantômes de Rachel Leclerc

Il y a de ces romans qui nous dépassent, celui-ci en est un. En partie. En lisant le commentaire de Danielle Laurin, je réalise de quelle manière j’aurais aimé recevoir ce roman publié en 2011.

S’il vient se glisser entre mes nouveautés « service de presse », c’est à cause du titre « La patience des fantômes » qui m’a toujours attiré et, en plus, je n’avais pas encore lu Rachel Leclerc qui en est pourtant à son quatrième roman chez Boréal, après une œuvre poétique primée. Et justement, les auteurs à connotation poétique donne une aura que j’aime particulièrement.

La patience des fantômes est une saga familiale étalée sur cinq générations, qui peut également être abordée comme un prétexte pour fouiller l’histoire de la Gaspésie sur une longue période. Je ne peux pas prétendre que l’histoire tourne autour de tel personnage, car chacun a autant d’importance un que l’autre. C’est une chaîne avec des maillons interalliés, malgré leurs différences et leurs différends. Je ne peux pas situer l’œuvre en parlant de flash back, puisque le passé a autant de présence que le présent. Pour trouver un point central, partons du narrateur, un écrivain qui se met en frais de déterrer les racines de son arbre généalogique.

La tournure laborieuse de la structure a fait bûcher l’auteure (rf. une entrevue), j’ai quelque peu peiné, mais pas suffisamment pour que mon attention tombe, toutefois la tension dramatique, oui. Autrement dit, j’étais assez accrochée aux personnages et au style pour passer au travers d’arrêts brusques, de départs qui s’étirent avec entre les deux un peu d’égarement dans la chronologie et la biographie des personnages. Mais on s’en sort, en revenant souvent à l’organigramme de la famille au début du roman.

Joseph-Joachim Levasseur est l’ancêtre ambitieux par qui il devenait possible aux prochains maillons de rouler sur l’or. Il était ingénieux, débrouillard, visionnaire. Il avait du flair, de l’audace et savait détecter les sources de richesse. Ceux qui suivent, que feront-ils avec l’héritage de cet ancêtre ? C’est cette histoire que nous raconte le petit-fils écrivain, en compagnie de sa nièce arrière petite-fille atteinte du cancer. Veux ou veux par, quand un écrivain trône, les processus d’écriture sont abordés de biais ou de plein fouet.
J’ai aimé les personnages, vrais, dans le sens que l’auteur est sans pitié vis-à-vis eux. Elle ne les flatte jamais. Aucune clémence, aucun accommodement, sans jamais les juger. Il faut quand même savoir le faire. En général, les femmes ont la vie dure à cause de l’absence de pouvoir mais les hommes ont la vie dure par la présence de ce pouvoir.

Une chose est sûre, cette histoire qui chevauche cinq générations contient assez de rebondissements pour captiver son auditoire. Aucun besoin de s’attarder à de la banalité.
Cette auteure joue de la note tragique sans fausser avec du mélodrame.

Des surprises, il y en a une bonne réserve, ne partez pas trop vite votre machine à deviner, vous ne vous en sortirez pas, épuisés avant l’éventement des secrets familiaux.

Lecture un peu ardue grassement récompensée.

mercredi 24 septembre 2014

La vie épicée de Charlotte Lavigne – Nathalie Roy

Eh bien oui, j’y suis à cette série culte. Je dis culte, malgré que ce premier titre soit sorti en 2011. Depuis, trois autres avec Charlotte, et récemment se rajoute un premier avec sa fille, Juliette. On aime ou on n’aime pas au Québec, euh… finalement, je crois que partout, c’est ainsi (sourire)

Le titre des tomes ? Peu importe, celui-ci s’adonne à être Piment de Cayenne et pouding chômeur, et personne n’en a cure, ce qui nous intéresse, c’est Charlotte Lavigne. Cette gaffeuse, cette maladroite, cette impulsive personne qui fait souvent le contraire du bon sens. Désolée, elle n’a pas cet instinct du gros bon sens, ce qui doit bien arranger sa mère narratrice, Nathalie Roy.

Aux premiers chapitres, j’étais un peu déçue et n’étais pas sûre de lire le deuxième. Le rendez-vous des clichés très chick lit : l’hyper superficialité du paraitre et le sempiternel trio, le couple homme-fille/homo-hétéro et la troisième roue du carrosse romantique, l’amie un peu chiante. Cette combinaison me donnait l’impression du déjà lu, malgré le rythme naturellement soutenu.

Ce qui m’a fait me rattacher est l’amour inconditionnel de Charlotte pour la cuisine. Tout passe et se règle non pas par la malbouffe mais par la « bonbouffe ». Et elle n’en parle pas communément, elle connait la cuisine sous son aspect inusité et gastronomique. Il y a en soi une chronique alimentaire qui s’insinue sous les anecdotes de vie de la chère Charlotte.

Charlotte a 33 ans et bien sûr qu’à cet âge, la femme entend sonner l'alarme de son horloge biologique à l’heure de l’homme-famille-foyer-progéniture. Son ami homo, Ugo est un homme parfait. Je plains Charlotte d'avoir à dénicher un homme qui accote cet ami attentif, tendre, altruiste, vif, intelligent, beau, aimant cuisinier autant qu’elle. Et qui l’aime autant qu’elle l’aime. Et, match plus que parfait, qui est boucher et lui fournit de savoureuses viandes. Bonne chance au coureur ! Aïsha est celle qu’on nomme « amie » mais qui ne l’est pas tant que ça. C’est connu, les filles, on s’écorche entre nous. La complicité et la solidarité, ce n’est pas toujours sans tâches et sans reproches.

Il y a un homme potentiellement mariable dans le décor de cuisine de Charlotte et j’ai nommé un Français chiant. Je le trouvais tellement froid et méprisant que j’appréhendais une séquence convenue ; la fille qui s’offre toujours le pire car elle ne s’aime pas. Mais j’ai été déroutée, ce qui me plait bien.

Avec son instinct sûr, l’auteure revient toujours à Charlotte à qui on finit par s’attacher pour ce qu’elle nous fait vivre, basé sur ce principe inexorable : on aime rire de l’embêtement d’une personne juste pour se dire que ce n’est pas à nous qu'il arrive. Elle a des réflexes catastrophiques, qu’en état de choc, chacun pourrait avoir mais que, bien sûr, n’étant pas dans un roman, on ne met pas à exécution. Mais elle, oui : « Ce n’est pas vrai, elle ne va pas faire le pire de ce que le bon sens commande au commun des mortels qui ne veut pas se mettre les deux pieds dans les plats » est la phrase que j’ai entendue le plus souvent dans ma tête.

Le style de l’auteure y est pour beaucoup pour l’envie d’avaler les maladresses du départ. Je reparle du départ, car ayant maintenant terminé le tome 2, je suis en mesure d'affirmer que certains réflexes convenus de chick lit se sont atténués et qu’une certaine originalité ressort, ce qui donne sa spécificité à cette série palpitante. Je reviens au style d’une spontanéité qui n'est pas niaise mais plutôt empreinte d’un vécu social qui se repère à certaines remarques. Le tome 2  le démontrera encore plus sûrement, sous le couvert des élans impulsifs "tête en l'air" de Charlotte Lavigne.

Tout ça pour dire que j’ai embarqué et que je me suis emparé du tome 2 avec excitation et vois d’un très bon œil de poursuivre la série. Assez improbable de ne pas se réjouir, de ne pas adopter Charlotte et ne pas en ressortir affamée, y compris au sens littéral du terme. 

mardi 23 septembre 2014

Un vélo dans la tête de Mathieu Meunier

Être un petit peu fou (titre que j'ai donné à ma critique parue dans la rubrique repêchage au webzine La Recrue).

« Un petit vélo dans la tête » est une expression, jusqu’alors inconnue de moi, qui désigne une aimable folie, une douce névrose ou une originalité incomprise. Cette définition permet d’apprécier la justesse du titre, car il faut être un peu fou pour descendre la côte ouest de Vancouver à la Terre de feu sur une bécane déglinguée, expédition que Mathieu Meunier a entreprise sans l’ombre d’un scrupule. Pas besoin d’avoir des dons de voyance pour prédire que le parcours sera jonché de pépins – et même de gros noyaux. Le lecteur réalise au fil des pages que cela fait partie de l’expérience et que le cycliste n’aurait pas tiré autant de plaisir s’il avait été parfaitement équipé. Le côté bohème occupe une place importante dans le propos, le voyageur nous faisant part de son peu de moyens, comptant régulièrement son pécule, devant coucher à la belle étoile le plus possible, n’ayant parfois même pas les moyens de s’offrir une chambre de motel miteux.

Le récit se présente en de brefs textes traités comme des chroniques pour ainsi dire autonomes en soi, tellement le message humoristique y tient une place prépondérante et que les boucles de la fin sont toujours habilement nouées. J’ai senti la ferme intention de l’auteur d’amuser son lecteur. Mission accomplie, particulièrement au départ, où je m’extasiais devant l’esprit fin et intelligemment tourné du narrateur. À la longue, j’ai commencé à m’essouffler en même temps que les pneus se dégonflaient, subtilement mais sûrement, et mon sourire s’est fait plus rare.

Par contre, j’étais portée par l’espoir que le vélotouriste trouve un sens à son voyage et le partage avec moi. Il fallait avant dénicher où se cache Soyouz qui avait signé les notes trouvées dans une édition usagée des Portes de la perception acheté dans une bouquinerie en cours de route. Dans les voyages en duo – lecteur/auteur ici –, il faut veiller à ce que l’ennui ne s’installe pas; cette mystérieuse femme a sauvé quelques tête-à-tête un peu stériles.

Mathieu Meunier a une perception ultra lucide (ou sévère ?) de sa personne : comment un roux au teint béluga, aux mains minuscules, sans aucun sens pratique ni habiletés manuelles dignes d’un vrai gars, a-t-il su se rendre jusqu’à 30 ans? C’est devant cette sentence de la page 167 que la lectrice que je suis s’est demandé : comment une bécane mauve qui déraille régulièrement, aux rayons de roues instables, sans support à bagage adéquat, ni pneus résistants a-t-il pu se rendre jusqu’au Mexique ?

Le message est devenu limpide pour moi : ce n’est pas le véhicule, corps ou vélo, qui fait le voyage, c’est l’esprit qui le chevauche.

Un vélo dans la tête
Mathieu Meunier
Éditions Marchand de feuilles, 2014
234 pages

samedi 20 septembre 2014

Charlotte et la mémoire du coeur - Lorraine Desjarlais et Jean-Pierre Wilhelmy

Toujours le trac m’étreint quand j’aime beaucoup un roman. Je tiens à lui rendre justice mais en évitant d’entrainer dans le sillon de mon enthousiasme des lecteurs pour qui ce n’est pas le genre d’histoire. Pour apprécier ce roman de 553 pages, Charlotte et la mémoire du coeur, il faut aimer les histoires d’amour complexes, pas celle à l’eau de rose, puisqu’elle se déroule en temps de guerre à la fin du XVIII° siècle. Si vous prisez un fond de vérité historique et des portraits de femmes audacieuses, qu’on traiterait aujourd’hui de féministes, vous avez quelques prérequis pour passer des heures captivantes à découvrir la vie de Charlotte et ses nombreux enfants.

Charlotte est une baronne Allemande, son mari le baron Friedrich von Riedesel est un militaire haut gradé qui doit partir au Canada en mission, longue ou brève c’est la vie qui en décidera, pour rapporter de quoi faire vivre noblement sa femme et ses enfants. Ce couple s’aime passionnément mais les règles de vie de l’époque exigeraient que Charlotte reste à attendre le retour de son mari. Elle n’en supporte pas l’idée, elle mettra tout en oeuvre pour le rejoindre, quittera son confort de bourgeoise et, faut-il le dire, mettra du coup en péril la vie de ses fillettes dans ce voyage intrépide. Les embûches seront nombreuses et surprenantes; traitrise, attaques de brigands, crise des domestiques, conditions de vie rudimentaire, avant même d’avoir rejoint son mari qui pourtant veille de loin au confort de sa famille.

Le duo d’auteurs ont su garder le cap sur une héroïne féminine en temps de guerre, ce qui est déjà un exploit en soi, et y ont ajouté des personnages colorés et crédibles avec leurs propres intrigues. J’ai particulièrement aimé celle du bras droit du baron pigé à même les fugueurs, et l’artiste-peintre, la gouvernante des fillettes du couple. Le fait que Charlotte soit servie par différentes personnes et son mari également entraine un thème exploité de façon intéressante ; la loyauté. Les histoires d’amour, de pouvoir, d’art et d’érudition s’entremêlent à l’intrigue principale.

Une approche nouvelle pour moi ; la vie d’un militaire abordé comme un travail. En ce siècle, c’était un métier comme un autre, pas toujours une vocation, ce que j’ai conclu en voyant le baron en action. Général des troupes allemandes chargées d’aider l'armée britannique dans une lutte contre les révoltés américains, il ne prisait pas cette mission loin de sa famille, malgré son génie militaire. Il l’a acceptée par devoir et pour toucher des gages substantiels. Tout au long du récit, on ne perd pas cette notion de travail, le baron, général de guerre, y revient souvent. 

Charlotte est venue chercher mon admiration, d’une page à l’autre, pour son audace jamais démentie, son art de travailler par en-dessous, manipulant pour arriver à ses fins, sa débrouillardise, sa créativité, sa détermination. J’ai cru à son histoire d’amour, elle a nourri mon cœur de la première à la dernière page. Ce n’est pas si courant pour moi qui suis difficile pour encenser les histoires de couples.

J’ai trouvé peu de critiques de ce roman édité une première fois en 1998, certains ont mentionné qu’il y a une histoire d’amour sur fond de plusieurs scènes de guerre. Ce qui n’est pas faux, mais rarement je les ai trouvées longues et ardues tellement j’ai fait miens ses objectifs, suivant de près les stratégies, les pertes, les gains, maugréant devant les mauvaises décisions du supérieur du baron, le général en chef, aveuglé par une femme fourbe.

Histoire d’amour intense et d’une grande noblesse, si forte, plus que la vie.

Charlotte et la mémoire du coeur
Auteurs : Lorraine Desjarlais, Jean-Pierre Wilhelmy
Mai 2014 - 553 pages

Septentrion - Hamac Classique

mercredi 17 septembre 2014

L'Aquarelliste de Béatrice Masini

Résumons ce roman d’une héroïne jeune et candide, italienne, vivant au début du 19e siècle et qui, vous l’aurez deviné est aquarelliste. La jeune femme Bianca, d’à peine 20 ans vient de perdre son père et a répondu par l’affirmative à la proposition d’un poète réputé de peindre chacune des variétés de fleurs de son vaste domaine. Le but est de les répertorier, ce qu’elle prendra au pied de la tige et de la feuille. Un travail monacal dont la jeune femme s’acquittera avec une minutie exemplaire.
Pour s’acquitter de sa mission s’étalant sur plus d’une année, elle doit vivre sous le même toit que le père et ses cinq enfants, sa femme, sa mère, les nombreux domestiques, un précepteur, un comte, un stagiaire, pour ainsi dire une Cour tournant autour du poète célèbre !

C’est par la grande porte que l’auteure nous fait entrer dans cette vie bourgeoise un peu lourde par ses règles contraignantes. Nous accompagnons Bianca dans sa découverte d’un monde adulte où la sexualité s’épanouit en coulisses. Si vous prisez les détails, cette histoire se tisse avec la précision tatillonne d’un canevas aux milliers de petits points. Par exemple, les aquarelles de Béatrice, vous les verrez de près et l’auteure approchera de vous une loupe grossissante devant chaque paysage humain ou floral.

Vous vivrez au même diapason que la grand-mère, régisseure intransigeante de la vie domestique du domaine, surprotégeant ses petits-enfants, pendant que la mère se repose et que son fils, le poète, se retire pour créer.

Cette lecture exige une attention soutenue mais l’effort est récompensé par l’emprise d’une ambiance intense et mystérieuse qui donne, à mon avis, une qualité indéniable à ce roman. Paraitrait-il que le personnage du poète a déjà vécu, en tout cas, j’en conclu qu’il était tout qu’un numéro ! Il reste toujours aussi mystérieux pour moi, car les personnages, et même l’auteure, l’approchent de loin, comme si on lui devait une déférence sans faille.

Les personnages qui l’entourent sont plus que seulement crédibles, ils vivent ! Bianca est une femme ambigüe, qui erre entre deux mondes. Autant elle éprouve une affinité naturelle pour les enfants, autant elle fraie avec les adultes pour qui elle nourrit des désirs troublés par sa sexualité naissante. Autre ambigüité, à titre d’employée, elle a des affinités avec les domestiques, tandis qu'à titre d’invitée du maitre de la maison, elle est servie par eux. Elle prendra à coeur la cause d’une servante qu’elle trouve particulière, Pia. Je retiens que tout ce qu’elle entreprend, qui n’est pas son travail et son art, bénéficierait des conseils du père qu’elle n’a plus. Plusieurs surprises l’attendent et vous attendent.

C’est un roman impossible pour moi à oublier. Il a forcé mon attention et une fois que j’ai pénétré en ses lieux intrigants, les souvenirs se sont imprégnés en moi à tout jamais.

Amoureux de la nature humaine et végétale, vous qui aimez prendre le temps de savourer les moindres détails d’une fresque familiale, vous serez comblés par cette histoire aux rebondissements tout en finesse.

mardi 2 septembre 2014

L'Orangeraie de Larry Tremblay

Si l'on m’avait présenté ce roman en ces mots : Une histoire sur la guerre avec des enfants impliqués, je n’aurais pas tendu la main. Et j’aurais malheureusement manqué une œuvre avec une portée intéressante, en ce sens qu’elle m’a rapprochée d’une réalité dont je suis loin. C’est un texte senti et intelligent, et tout en sobriété qui a zoomé le cœur d’un kamikaze. Je réfléchirai plus longuement maintenant avant de traiter de fou furieux une personne prête à sacrifier sa vie au nom d’une cause.

Au départ, c’est la catastrophe, les grands-parents bombardés tout à côté de l’orangeraie familiale. Le lecteur n’a pas le temps de rencontrer les grands-parents, ce qui éloigne toute tentation mélodramatique. On se retrouve dans un face à face avec la famille éplorée, le fils, sa femme et leurs jumeaux de 9 ans, Amed et Aziz.

Un des jumeaux est malade, on doit le faire soigner. On réalise rapidement jusqu’à quel point cette famille échange avec peu de mots, sans effusion émotive. Ce qui n’est pas dit, alourdit continuellement ce qui se dit. À travers les silences, et l’isolement que l’on sent planer, le plaisir est précieux de faire connaissance avec la complicité des jumeaux. Leurs dialogues enfantins, on les savoure, on s’y rattache, ils nous sauvent d’une réalité qui, sinon, serait dure. Ainsi le message passe. Cette famille ne restera pas longtemps à contempler les plaies ouvertes de la perte, des personnes de l’extérieur viendront leur rendre visite pour réclamer leur collaboration à se venger. Sont-ils bien intentionnés, en tout cas, le lecteur sent clairement la menace. Le danger rode, il devient quasiment un personnage.

La complicité des jumeaux ne se démentira jamais, la mère que l’on voit travailler par en-dessous est captivante, c’est un personnage plus fort que le père, malgré les apparences. Le thème central qui chapeaute les autres est la manipulation, les ficelles seront mises au jour. Dans le contexte de la guerre, l’enjeu devient grave, tragique. L’orangeraie, le gagne-pain s’étend comme une tache joyeuse qui contraste avec le tragique du propos.

De l’intuition, du mystère, de la symbolique, de la poésie, du romanesque, de la tragédie sans voir de sang, ce roman m’a donné l’impression de se dérouler sur la scène, où il  n’est pas nécessaire de montrer la cruauté des actes pour qu’on la sente. Les mots pesés en surface et les silences en profondeur travaillent en douceur. Le roman se termine par ailleurs, sur une scène, ce qui allie bien la théâtralité dégagée par la force brutale de l’honneur qui entache chaque décision.

Un roman qui arrive à faire avaler des pilules amères sans miel et sans larmes. J’ai pris plaisir à ma lecture malgré sa dureté ce qui lui confère, à mon avis, une qualité rare.

Prix des libraires 2014, en définitive, L'Orangeraie publié chez Alto a bien gagné ses épaulettes !

vendredi 29 août 2014

Retour aux Correspondances d'Eastman

Je fais une promesse : l’an prochain, je prends des vacances avant les Correspondances d’Eastman, pas après. Pour éviter de me retrouver devant quelques gribouillis pour me dépêtrer dans mes souvenirs d’un Café littéraire qui me semble tout à coup loin, trop loin. Si vous nichiez dans ma tête, ça irait pas mal mieux ! Mais, heureusement, il ne reste que deux Café et ensuite, je reviens à la programmation normale, avec une dizaine de titres en attente.

En fait, celui que je vise aujourd’hui est nommé « Grand entretien », et il était en compagnie de Dany Laferrière, sous le thème de « Le souverain créateur ». Jean Barbe, guidait l’entretien, tenant entre ses mains sa feuille de questions, mais tous ceux qui ont assisté à un entretien avec Dany L. savent qu’il va s’en échapper. Avec ce souverain, les réponses sont à coup sûr plus larges que les questions et c'est lorsqu’il l'oublie qu’il y répond le mieux. Si l’animateur compte se sentir utile avec sa belle liste de questions, il peut être déçu. S’il aime mettre de l’avant son invité, qu’importent les questions, il sera satisfait.

Jean Barbe supposait que L’Énigme du retour, cette œuvre récompensée du prestigieux Prix Médicis 2009, se démarquait du reste de l’œuvre. Il est revenu à la charge à quelques reprises, j’ai eu l’impression qu’il désirait entendre une certaine réponse qui, bien sûr, n’est pas venue. C’est en cela que je dis de Dany Laferrière qui l'est souverain, même s’il ne manque pas une occasion d’affirmer que c’est le lecteur qui l’est. Il en ressort que notre membre de l’Académie française est loin de croire que l’Énigme du retour est son meilleur livre à vie, il a d’ailleurs dit à son éditeur en lui remettant le manuscrit : je comprendrais que tu ne le publies pas ! La définition de Laferrière d’une œuvre s'approchant de la perfection ressemblerait à une suite de phrases prêtes à être citer, tellement elle serait dense, profonde, réfléchie, pesée.

C’est là que j’ai compris son amour pour les phrases « punchées » (glanées durant l’entretien)
« Fêter ce qui est beau, c’est repousser la mort ».
« Réapprendre est plus difficile qu’apprendre »
« Chaque époque a son jamais avant »
« Je ne suis pas de ceux qui parlent derrière la porte »


Jean Barbe a judicieusement fait remarquer qu’il est surprenant que l’on n’ait jamais suggéré d’une œuvre autofictive dans son cas. Dany avait une réponse à cela, son « je » s’adresse à l’universel de chacun des « je ». Il présente un miroir aux gens. Son texte d’adresse à un lecteur, auquel il  fait de la place, lui donnant de l’espace.

Interruption de l'entretien :
Arrivée de la ministre
J’y vais maintenant en vrac. Quand on se présente devant les lecteurs, le moindre des respects est de revêtir ses mots du dimanche. Les écrivains sont des gens de parole, oeuvrant pour que la parole se fasse chère. Il déplore que maintenant, on ne lise plus à voix haute à la radio ; vingt minutes à lire est maintenant inimaginable pour ce média. C’est ainsi que la nuance se perd, tout doit s’assimiler rapidement.

La ministre de la culture :
Hélène David
Il a raconté ses débuts où il avait conçu une affiche avec les moyens du bord pour annoncer son livre, il se voyait les placarder avec fougue. Le jour où le magazine culturel Voir a fait une pleine page couverture de son petit dernier, il a été porté quatre bouteilles de vin, qu’il a bu avec eux, pour les remercier. Tout ça pour dire qu’il ne fait pas faussement croire qu’il est au-dessus du côté diffusion du livre.

Il s’est rappelé l’époque où il passait d’une maison d’édition à l’autre pour proposer « Comment faire l’amour avec un nègre sans se fatiguer », on lui a alors dit être désolé, mais on n’avait pas besoin de ce genre de texte intellectuel dans notre paysage littéraire québécois.

S’il fallait qu’il l’ait cru !

À noter : À cause d'un ralentissement sur l'autoroute 10, la ministre de la culture est arrivée en retard au Grand entretien.

mardi 12 août 2014

Le 12 août, j'ai acheté des livres québécois

Marsi aux Galeries de Granby
Mission accomplie ! C’est à la librairie indépendante des Galeries de Granby que nous avons acheté nos livres québécois. Et nous n’étions pas les seuls à fouiner dans les rayons québécois et la table bien garnie à l’entrée.

L'explorateur m'expose ses trouvailles
Je suis très fière de mon choix
J’ai même eu l’honneur de conseiller un client sous les yeux mêmes du libraire. Un homme dans la vingtaine environ se cherchait un deuxième titre québécois et il a été attiré par le titre « Il pleuvait des oiseaux » de Jocelyne Saucier. Je lui ai fait un résumé, rajoutant qu’il avait reçu plusieurs prix et il est parti avec lui. J’étais pas mal fière de mon coup ! Faut dire qu’aujourd’hui, j’avais la partie facile de faire partir un client avec un roman québécois en poche.

Il y avait plus de monde qu’un mardi ordinaire, j’en suis sûre. Et la caissière tenait une liste de tous les titres québécois vendus, une compilation pour inscrire l’événement sous la colonne succès.

Il a vraiment une tête d'explorateur
Des pages et des pages de titres à acheter
Bon, quand je dis « nous », je n’étais pas uniquement avec Marsi mais bien avec ni plus ni moins que l’explorateur BD de la Lucarne à Luneau. Celui-ci a voulu doubler la mise en s’achetant deux albums de bande dessinée : Hasard ou Destinée de Becky Cloonan, édition Lounak et La Gang des Hors-la-Loi de Frédéric Desager et Réal Godbout, édition Bayard Canada.

Mon Marsi et son livre de science
Quant à Marsi, il avait commandé Les Carnets d’un astrophysicien – À l’écoute des étoiles de Jean-René Roy des Éditions MultiMondes voici 10 jours afin d’être certain qu’il soit en magasin. Pour ma part, je me suis promené un certain temps avec Malabourg de Perrine Leblanc des éditions Gallimard en mains et puis, lorsque j’ai aperçu C’est le cœur qui meurt en dernier de Robert Lalonde, des éditions Boréal, j’ai changé d’idée. Je n’en voulais qu’un, en considérant que ma mission québécoise s’étend sur 365 jours par année (PAL consistantes), j’ai donc opté pour l’auteur et la maison d’édition québécois.

Belle tablée d'ouvrages québécois
Patrice Cazeault un des initiateurs du Le 12 août, j’achète un livre québécois est passé faire ses achats environ une heure avant nous. J’imagine qu’il va se coucher fier de son idée ce soir et se dire que ça vaut la peine d’oser dans la vie et de faire confiance aux gens. La balance est une question de bonne étoile. Il est à espérer que l’étoile du 12 août va briller longtemps dans le firmament de l’édition québécoise, nous sommes prêts à ce qu’elle revienne à chaque année, comme les Perséïdes.

lundi 11 août 2014

Le roman historique et l'épopée identitaire : Les Correspondances d'Eastman

Qu’est-ce que ça donne trois romanciers historiens à la même table ? Eh bien, des discussions vives autour de faits historiques plus que de littérature. L’animateur, Jean Barbe n’a pourtant pas lâché le morceau, ramenant la conversation à un niveau littéraire. C’est plus fort qu’eux, André Vanasse, Daniel Lessard et Micheline Lachance se racontent entre eux l’histoire.


Micheline Lachance m’a donné le goût de la lire, elle et sa passion. Cette passion l’a même poussée à aller chercher une maîtrise en histoire pour se donner de la crédibilité, à ses propres yeux si j’ai bien compris. Diplôme en poche, l’écriture romanesque fut plus ardue pour la peur de trahir l’histoire, ce qui l’a porté à tenir sa narration trop près du documentaire. Elle a dû mettre de côté ses documents et l’instinct de la romancière l’a rattrapée. Et tant mieux pour Les Filles tombées ! J’aime sa motivation noble ; donner la place qui revient aux femmes, ce que les versions officielles de l’histoire omettent trop souvent.  Cette femme a quitté un poste de rédactrice en chef à Châtelaine pour écrire Le roman de Julie Papineau, lequel a nécessité  huit années de recherche. Son premier lecteur a été sévère, il faudrait que tu te branches ;  est-ce que tu veux écrire une biographie ou un roman ! (Rendons grâce ici aux premiers lecteurs !)

André Vanasse portait le chapeau d’auteur, plus que d’éditeur, mais pas bien longtemps, puisque l’éditeur revient vite à l’assaut.  Il précise d’emblée qu’il n’était pas destiné à écrire un roman historique, c’est sa détermination à ce qu’on aborde les origines multiethniques du supposé « Québécois pure laine » qui l’y a poussée. C’est une autre personne (? Nom) qui devait l’écrire, mais celle-ci étant trop occupée, il s’est jeté à l’ouvrage. Donc, un roman historique qui avait à naître « La flûte de Rafi », suivi d’un épilogue intitulé «La question juive en Nouvelle-France». Avis aux intéressés. Fait cocasse et dont l’assistance a gentiment ri, monsieur Vanasse est un ouvreur de parenthèses. Il ne répond pas immédiatement à la question de l’animateur, mais s’étend dans une parenthèse plutôt longue mais toujours intéressante.

Daniel Lessard maintenant. Un autre journaliste qui s’empresse d’écrire du romancé, aussitôt le dossier de messager rigoureux de l’information clos. Il n’est pas un cas rare, faut-il admettre. J’ai été amusée de l’entendre parler de sa sœur, impitoyable première lectrice qui l’a renvoyé à ses devoirs, lui disant que son texte manquait d’émotion, avec un ton trop près du documentaire. La détermination que ce pan d’histoire soit partagé a donné l’énergie nécessaire à monsieur Lessard pour recommencer. Maggie devait se décliner en un seul tome, c’est l’appétit des lecteurs, refilé à celui de l’éditeur qui en a fait la saga que je connais bien (2 billets à venir ici).

Autre fait amusant, à prendre avec un grain de sucre, l'analyste politique, Michel Vastel se moquait couramment de la prose télégraphique des journalistes, ce qui a stimulé Daniel Lessard à prouver un jour que le style télégraphique est utilisé par nécessité, et non pas par incapacité. Mission accomplie !

Ce qui m’a frappée chez ces trois auteurs, et j’ose croire que cette constatation vaut pour plusieurs auteurs de romans historiques, c’est leur détermination, on pourrait jusqu'à dire obstination, pour le sujet (le fond) qui remporte sur la forme. Il est crucial pour eux que nous sachions, que soient dévoilés les replis d’histoire. L’écriture est complètement au service du sujet. Il n’a pas été difficile d’en arriver à cette conclusion, et j’ai même passé la remarque sur place ; c’est le Café littéraire où l’on a parlé le moins du geste d’écrire. Les échanges vifs ont tourné autour de questions du passé, de celles qui se répercutent sur notre présent, ce qui n’en est pas moins passionnant. 

Monsieur Lessard nous a prouvé qu’il n’est plus tenu à la neutralité du journaliste à l’emploi de Radio-Canada, faisant un parallèle entre Stephen Harper et son personnage de curé borné dans Maggie. L’entêtement, l’endoctrinement de cette droite qui tient les rênes du pouvoir, en repoussant les témoins gênants, et gèle l’information. Une sortie sentie envers le gouvernement fédéral en place et, même, il y va d’une prédiction à savoir que Harper n’est pas décollé de son trône aux prochaines élections (non, ô secours !)

Voici le genre de surprises que réserve ces Cafés littéraires. J’aime et j’aimerai ces moments d’intimité entre l’auteur et le lecteur tant et aussi longtemps que l’imprévu sera au rendez-vous.

samedi 9 août 2014

Chic, la chick-lit ! - Correspondances d'Eastman

Trois auteures à succès sur l’estrade dont deux sur trois, extrêmement prolifiques : Nathalie Roy et Amélie Dubois, vivant de leur plume, ce qui est remarquable alors, remarquons-le. Elles sortent tome sur tome, pressées par leur éditeur qui eux sont poussés par la demande des lectrices. Ce n’est pas rien. Elles y mettent beaucoup du leur, Nathalie Roy se dit directrice de marketing. Elle s’occupe du service avant, pendant et après vente, entretenant un lien privilégié avec ses lectrices. Même chose pour Amélie Dubois, son site est son lien précieux avec son lectorat. Tout ça fait partie de leur définition de tâches et elles semblent y prendre plaisir.

C’est par Rafaële Germain, la moins prolifique, (trois romans, pas de tomes, et pas de quatrième en vue) que j’ai fait connaissance avec la chick lit. Celle-ci nous a raconté que ça fait 10 ans que Gin tonic et concombre doit sortir sur grand écran, mais scénariste, c’est un métier qu’elle ne possède pas, ce que son éditeur n’arrivait pas à comprendre. Ce qui m’a frappée chez elle : son débit ultra rapide, sa lucidité, sa vivacité, ses réparties qui déjouent l’auditeur, ses parenthèses rigolotes. Bref, elle est de l’intelligence sur deux pattes. Ceux qui sont fans devront s’armer de patience, elle n’a pas de roman en vue, maintenant qu’elle vit en banlieue, est maman et a son homme.

Je ne connaissais pas du tout Amélie Dubois, native de l’Estrie (Danville) qui sort des tomes comme de petits pains chauds du four, à raison de deux par année. Écrivaine par accident, parce que recluse en Gaspésie pour enseigner, s’ennuyant de ses amies, elle a écrit ses deux premiers livres coup sur coup. Pourtant, ses études en psychologie et en criminologie la destinaient plutôt à régler des cas lourds. Je retiens qu’elle aime désamorcer les clichés, que ses personnages ne passent pas des heures à magasiner, aiment la pêche et la chasse. Son humour est amusant, un peu enfantin et sa répartie est franche et directe.

Je passe au dessert : Nathalie Roy et sa Charlotte Lavigne que je suis à lire. Moi qui considère la chick lit un genre noble, j’ai voulu comprendre pourquoi cet engouement. Son métier de journaliste l’a amenée à écrire. Elle est la seule à ne pas faire de plan, déterminant uniquement la fin du roman, le chemin pour s’y rendre va au gré de l’inspiration. Elle aime transcender les règles de rigueur journalistique qu’elle a dû respecter tout au long de sa carrière. Maintenant, c’est Charlotte qui mène.

Elles s’entendent pour dire que la chick lit est une quête de l’amour, de l’homme, chantée sur plusieurs octaves. La clé du succès serait de permettre à la lectrice de s’identifier à un personnage qui vit des situations similaires, en amour, mais dans diverses situations également. S’il n’était question que d’amour, elles n’obtiendraient pas le même succès, on s’en lasserait. Les histoires d’amitié sont omniprésentes, ce que chacune n’a pas manqué de souligner, ensuite l’héroïne, qui n’en est pas une puisqu’elle pourrait être vous, est plantée dans des univers qui ressemblent à la créatrice. Par exemple le personnage de Nathalie Roy aime la bouffe, la télévision, deux univers qu’elle connait bien.

C’est une littérature joyeuse qui aide à évacuer nos quotidiens astreignants. Le personnage se met dans des situations abracadabrantes mais s’en sort (pas toujours dans le cas d’Amélie Dubois … à voir). Une chose est certaine, ces trois auteures éprouvent un plaisir fou à écrire et, d’après moi, la lectrice le capte. Nous avons tous besoin de joie et de plaisir dans la vie. Ce genre à part entière est un phénomène populaire et tout ce qui est populaire reflète qui nous sommes.

C’est curieux, après le Café sur l’écriture de soi d’hier, c’est devant ces trois auteures que j’ai réalisé le plus nettement l’absence de filtres entre elles et leur personnage principal et c’est de leur bouche que j’ai le plus clairement entendue qu’elles s’inspirent sans vergogne de leur entourage pour décrire les mésaventures de la vie.

En arrivant, une primeur aux Cafés des Correspondances, on nous offre un verre de mousseux. C’était gentil mais en avions-nous eu vraiment besoin avec ses pétillantes personnes ?

vendredi 8 août 2014

Correspondances d'Eastman : L'intime et l'écriture de soi

Catherine Voyer-Léger (veste jeans)
 Assisté hier au premier Café littéraire des Correspondances d’Eastman : Journal et autofiction : l’intime et l’écriture de soi. Beaucoup apprécié ce Café, de même que Marsi, Lucie Renaud (rédactrice en chef de La Recrue) Maxime Jobin de la Recrue et Marc-André qui y ont aussi assisté.  En présence de quatre auteurs généreux : Louise Portal, Éric Simard, Lynda Dion et Claire Legendre et une animatrice qui a su y faire en leur accordant toute la place qu’ils étaient capables d’occuper : Catherine Voyer-Léger.

Ces auteurs si généreux de soi sur papier sont extravertis, ce qui donne bien sûr les meilleurs Café, en représentation devant leurs lecteurs. Sur les quatre, c’est en définitive Claire Legendre qui reste un mystère pour moi, celle-ci est moins volubile, ou peut-être était-elle noyée par notre parlure québécoise, qui sait.

Claire Legendre sous la lumière
Très intéressante la question qui leur a été posée à savoir si pendant l’écriture de leur journal (parce qu’ils en tiennent ou en ont tous un jour tenu) ils s’imaginaient déjà être lus. Chez Éric Simard, c’est le « oui » le plus catégorique. Ce dernier, directeur littéraire de Lynda Dion et Catherine Voyer-Léger m’a fait réfléchir en racontant une anecdote. Il est directeur littéraire et à ce titre pousse les écrivains sous son aile à se dépasser, à transformer leurs textes jusqu’à en faire un produit le plus littéraire possible. Il est auteur et en tant que tel est lu par un directeur littéraire qui lui a un jour dit : non, l’approche que tu as prise ne va pas du tout. Il a dû retravailler sa matière du tout au tout pour finalement aboutir « Sur le mouvement naturel des choses ».
Vous avouerez que pour les écrivains en devenir, et même ceux qui ont brisé la frontière de la publication, c’est une leçon à retenir. Il y a du travail, beaucoup de travail derrière tout texte publié (ou devrait y avoir du travail !) que ce soit du vécu à l’état brut, de l’autofiction ou de la romance. On peut conclure que le vrai « moi » n’existe pas en littérature ou s’il existe ne serait pas intéressant.

Lynda Dion s'explique
On s’est justement posé la question jusqu’à quel point le « vrai » attirait le lecteur. Il y a divergences en la demeure mais le oui remporte. Louise Portal en a témoigné, son conjoint, auteur de récits vécus remportent assez souvent la palme des ventes après les conférences qu’ils donnent côte à côte.

Chose certaine, l’unanimité se fait autour d’une question : tout texte romancé est autofictif, parce qu’il part de soi. Celle qui va aux extrêmes sur cette question est Lynda Dion pour laquelle écrire de la fiction n’a aucun intérêt, et ce n’est pas par manque d’imagination, précise-t-elle.  Quand elle parle d’elle dans ses publications, c’est elle tout en étant pas elle et de toutes manières, la réalité existe-t-elle vraiment ? Qui peut se vanter de la posséder, puisque nous sommes tous, tant que nous sommes des interprétations de celle-ci.

Pour ces quatre auteurs, qu’importe qu’il y ait une histoire ou non, c’est leur univers perçu par leurs sens dont il est question. Personnellement, l’image d’une scène de marionnettes m’est apparue : Les auteurs à histoire articulent des marionnettes (leurs personnages), mais à ne pas s’y tromper, ce sont eux qui se cachent derrière la scène, tandis que les auteurs catégorisés « autofiction » se présentent à visage découvert. Une question que j’aurais aimée poser: comment on aborde la critique quand on se présente moins voilée sur la scène littéraire ?
Éric Simard se concentre

Mais j’en ai posé une autre : qu’est-ce qu’ils désiraient que le lecteur retiennent de leur œuvre ? Pour Louise Portal, serons-nous surpris d’entendre « l’amour et la lumière », pour Éric Simard, déranger, bouleverser, provoquer, une réponse des plus franches pour Claire Legendre, « être aimé ». Il me manque les motivations de Lynda Dion, j’avoue ne pas m’en souvenir, n’ayant retenu que son désaccord avec la prémisse de ma question qui tournait autour de l’importance accrue du lecteur pour les auteurs qui écrivent en partant de soi, comparativement à la personne qui écrit des histoires à saveur historique par exemple.

De cette rencontre, je retire pleins d’enseignements, de renseignements et de réflexions et le goût de lire et relire Louise Portal. Le 12 août, j’achète un livre québécois et ce sera La mouvance de mes jours de la très belle collection Écrire de la maison d’édition de notre grand VLB - Victor Lévy Beaulieu.

Plusieurs Café et spectacles à venir aux Correspondances d'Eastman et il y a encore des places pour vous !

P.S. : Merci à Élise Lacroix pour ces belles photos (j'avais oublié mon appareil-photo)

samedi 2 août 2014

En vrac d'août

Défendu d’abandonner
Qu’est-ce que vous diriez d’un marque-page qui vous ramène à l’ordre ? Cela fait quelques jours que vous n’avez pas lu, le marque-page vous alerte que votre livre attend. Comment peut-il vous rejoindre ? Par tweeter. Bah, tous les gens débranchés ne seront jamais dérangés. Tant mieux ! Une invention qu’il faut aborder avec le sourire, car la liberté quand on lit, c’est primordial. Je n’ai qu’à penser aux lectures imposées de mes études, elles n’avaient pas la même saveur, juste parce qu’elles s’appelaient devoir.

Passer le flambeau
Nous aimons aller à la Librairie Pantoute quand nous allons à Québec, c’est de l’ordre du rituel sacré. Quand je navigue autour des îlots de livres, je me sens bien, un genre de félicité m’envahit doucement. Je me dis que c’est peut-être cette sensation que l’on ressent au paradis ! Ce que je ne savais pas jusqu’à tout dernièrement est que chacun des employés est un patron. Le fondateur, Denis Lebrun a passé le flambeau à ses employés, les libraires. Je me dis que c’est peut-être de là que vient la sensation d’être au milieu du livre quand on déambule dans cette librairie. La passion circule dans l’air, et quand on prend une grande respiration, c’est ce qui entre dans nos poumons. 

12 août – j’achète un livre québécois
Cette initiative de deux auteurs québécois de déterminer une journée pour l’achat d’un livre québécois est à enfler comme la voile d’un navire sous un fort vent marin. Les initiateurs, un couple d’auteurs jeunesse, Patrice Cazeault et Amélie Dubé de la région de Granby ont lancé un remue-méninge collectif pour déterminer de quoi pourrait êtes faite cette journée. La dernière fois que j’ai été voir le nombre de participants sur la page facebook, j’ai vu: 4,688. Le nombre d’invités 34,982. Les médias en parlent, certaines librairies offrent des rabais (Librairie Poirier de Trois-Rivières = 20%) mais, surtout, ça touche. Les gens s’y arrêtent, en parlent, veulent des titres. Des illustrateurs ont pondu des bannières amusantes et frappantes, j’adore celle d’Annie Groovie ci-dessus. 

S’il y a une fille contente, c’est moi. Je me sens tout à coup super bien entourée, ma mission se sent moins seule. Je prédis que cette journée s’inscrira à chaque année à notre agenda collectif.
Où achète-t-on ce livre québécois ? Dans une librairie indépendante, c’est hautement préférable à mon avis, même s’il n’y a pas de recommandation officielle en ce sens. Une cause à la fois, dit-on, conservons au geste toute sa simplicité. Sur la page facebook, une discussion s’est amorcée sur le « où acheter », question intimement liée, laquelle discussion n’a été ni encouragée, ni brimée. Ce serait dommage que les personnes qui ne voient pas la pertinence d’encourager les librairies indépendantes n’achètent pas un livre québécois le 12 août, le but ultime.   

Les Correspondances d’Eastman
Belle occasion de devancer l’achat de votre livre (ça aussi, c’est permis !) en venant écouter l’auteur dans un Café littéraire, et repartir ensuite avec un roman dédicacé. Il reste encore plein de billets, peu d’activités sont combles. Empressez-vous, cela peut changer d’une heure à l’autre. Petit conseil, téléphonez pour les réserver, il n’y a pas de frais contrairement à l’achat en ligne.

Je donne champ libre aux ambassadrices entourée d’inspiration et de nature pour vous y amener :


Ci-dessous, Francine Ruel s'entretient avec une journaliste de La Presse :