Je vous en prie, soyez indulgent pour ma prose aujourd'hui, je suis perturbée, je ne vous écris pas de mon «dinausaure». J'ai perdu un gros morceau de ma mémoire hier. Je parle bien sûr de ma mémoire robotique. En fait, mon disque dur a rendu l'âme. Il a agonisé bruyamment, lançant de désespérés CLIC CLIC CLIC. Présentement, il continue d'agoniser toujours aussi bruyamment, c'est ce que m'a fait savoir le chrirurgien qui fouille les entrailles de sa mémoire en quëte de fichier doc. Il continue de gémir bruyamment. J'entendais sa détresse au téléphone quand le «chirurgien» m'a donné des nouvelles de sa santé. Son refus de mourir discrètement, je le vois comme son désir de clamer haut et fort qu'il m'a servi pendant neuf ans.
Quand je l'ai présenté comme un dinausaure au spécialiste, il m'a répliqué : «Quoi ? Vous l'avez depuis trois mois ?» Le ton avait sa dose de sarcasme bien sür mais n'empêche qu'il y a une part de vérité. Il faut continuellement «actualiser» ses données, les enregistrer, les répertorier. En ce moment, je me retrouve avec une mémoire claire de mon plus «vieux» passé, puisque celui-ci a été transféré sur CD, tandis que mon plus neuf, lui, a disparu complètement de «ma» mémoire. Mon plus récent, donc mon plus important. Vous avez remarqué ? Je dis «ma» mémoire ? Je m'identifie à mon robot-ordi, je suis une machine.
C'est certain que je n'ai pas pu m'empêcher de penser au thème des Correspondances cette année : la mémoire. Que serions-nous si nous perdions toute notre mémoire, si tous nos souvenirs se volatilisaient d'un coup de vent ? Notre vécu, quoi. Qu'écririons-nous si nous perdions nos assises dans le temps ? Je me sens très interpellée par la question en ce moment. Jusqu'à quel point nous reposons-nous sur notre mémoire, ce vaste bassin oû baigne nos souvenirs ? Cela m'a d'ailleurs amené â me poser une question que vous vous ëtes peut-ëtre posée : écrivons-nous de la mëme façon depuis l'avènement du traitement de texte ? Est-ce que notre écriture est plus audacieuse pour tous ces incessants recommencements que nous nous permettons ? Se tromper, recommencer, récupérer est une affaire de rien. Rappelez-vous les documents beurrés de liquide-paper ? J'ose croire que l'on se contentait de bien moins de qualité littéraire, qu'en pensez-vous ?
En plus, maintenant, nous pouvons faire du vieux avec du neuf. Par exemple, prendre un texte qui date et l'actualiser avec notre nouvelle manière d'écrire, car bien sür chacun sait qu'un texte écrit de sa main voici un an ne nous correspond déjà plus, tellement nous nous transformons rapidement. Nous tentons de performer autant que les machines finalement. Si vous vous ëtes déjà entretenu avec un auteur à l'étape du lancement de son livre, si vous grattez la surface «vendeuse» , vous réaliserez qu'il n'est pas satisfait. Il recommencerait son texte pour l'améliorer, tant il a évolué depuis.
Il faut continuellement s'actualiser et quoi de mieux pour le faire que partir à zéro ! C'est ce que la vie me forçce à faire. Hier, je devais me raisonner ; je ne SUIS PAS mon robot-ordi. Ce n'est pas MA mémoire à moi qui a flanché. Faut dire, que l'ordinateur est un prolongement si intime avec, enfermé dans son ventre tous nos souvenirs, Je pars avec le souvenir de mes souvenirs. Je suis le résultat de mon vécu, enregistré ou non, et je compte sur lui pour écrire du neuf, à neuf. Je pars avec moins de bagages bien sür et cela me pousse vers l'avenir car j'ai l'essentiel : ma mémoire vive.
N.B. : La prochaine fois, j'espère vous écrire de mon nouvel engin. Je vous en prie, cette fois-ci, soyez indulgents pour les coquilles (nouveau clavier = nouveaux accents) !
2 commentaires:
Allo Venise,
tout de go, j'établirais un parallèle entre ta mésaventure et l'aventure humaine. C'est gros peut-être ? Tu sauras me le dire. Comme tu nous l'as si bien exprimé dans cet article de ton blog, c'est la panique lorsque notre bien-aimé et sacro-saint matériel informatique défaille. Après la panique, c'est l'angoisse devant l'éventualité d'une nouvelle défaillance. C'est aussi l'angoisse devant notre dépendance, disons devenue presque viscérale, face à la technologie pour préserver les traces immuables de notre humble vie. Nous sommes conscients que jusqu'à maintenant, toute technologie est éphémère et appelle continuellement à de nouvelles prouesses techniques. C'est ici que je placerai le parrallèle dont j'ai fait mention au début du commentaire. L'humain, en tant qu'être social, voire animal, aura une fin. Dans 4 milliards d'années, il est prévu que le Soleil s'éteindra. Mais très certainement que notre règne ne se rendra pas jusque là. Sur une séquence de quelques millions d'années, il faudra tenir compte des catastrophes naturelles telles que chute de corps célestes, activités magmatiques et autres, et plus près de nous, la possibilité que notre existence annihile son environnement, comme un cancer tue le corps qui le nourrit. Cette constatation funeste est à mon sens le prolongement de la conscience de notre mort individuelle, acquise voilà peu de temps à l'échelle de notre évolution. Cette-fois-ci, cette conscience se transpose à une échelle planétaire. Que faire devant ce déterminisme imparable ? Au même titre que nous n'avons pas réussi à vaincre la mort individuelle et que nous ne la vaincrons jamais (on pourra reparler des essais d'accession à l'immortalité) nous ne pourrons jamais parer cette fin de l'humain. Malgré la mort, chacun d'entre nous continuons à vivre. Malgré ta mésaventure, tu continueras à écrire et à vivre. Comme tu le dis si bien «je ne SUIS PAS mon robot-ordi. Ce n'est pas MA mémoire à moi qui a flanché». À quelque part, nous ne sommes pas seulement cet humain : une piste intéressante, c'est que nous sommes tous composés de particules qui le dépassent, qui existent depuis le début de notre Univers. Je suis athée, mais je suis persuadé qu'il existe des dimensions auxquelles nous n'avons pas accès directement. Donc, pour moi, devant notre magnifique et belle aventure humaine, un peu d'humilité s'impose. Merci Venise de ton assiduité.
Quel plaisir j'ai eu de lire ta pensée profonde, Os de Lin. Je me réjouis toujours d'entendre tout ce qui dépasse l'égo d'humain. C'est bien petit un égo humain. On se pense grand, on se prolonge dans la machine, et on se sent encore plus grand !
Je suis contente finalement de ma réaction ; au départ, elle a pris l'apparence de la panique et puis maintenant que des fragments de passé sont effacés (disque dur) et que rien n'est encore transféré dans mon nouvel engin neuf et vide, je me sens légère. Pourquoi je traînais tant de fichiers au fait ? Pourquoi tant de bagages ? Cela ne favorise pas la légèreté de l'être, voire même l'insouciance naturelle (pas celle née de certains substances euphorisantes aussi banal que l'alcool).
Les plus grandes peurs que j'aies sont de ne pas "comprendre" la machine, qu'elle me dépasse. Après tout, elle se doit d'être un "bras long". Maintenant que quelqu'un d'autre a "zigonné" pour moi et que j'ai de nouveau accès à l'internet, je suis joyeuse, d'autant plus qu'avec mon insouciance, j'ai aussi pris de la vitesse !
Mais je reviens à ton commentaire, je suis impressionnée par l'athéìsme qui voit plus loin que le matériel. Moi, je baigne dans une foi libre, voir plus loin que le matériel se fait aisément. Tandis qu'un athée qui voit plus loin que la longévité d'un individu, ça m'impressionne un brin.
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