Sa langue est extrêmement précise, coule, emporte, enchante. J’ai appris plein de détails sur la vie des insectes, animaux, champignons, poissons, végétaux. Une part de documentaire s’est infiltré très discrètement dans cette histoire. Il y a aussi une ligne éditoriale, le roman prend position sur l’inconscience de l’Homme vis-à-vis la Nature, sans moraliser, ce qui aurait bien sûr tout gâché. Seulement en articulant ses personnages autour d’un paradis champêtre.
"Elle vit cette vieille dame qu’elle serait un jour, sautillant sur les rochers glissants d’un pas aérien, environnée de mouches noires qui ne la touchent pas".On parle ici de Lila Szach qui, dès l’entrée en histoire, se présente en défenderesse opiniâtre de son domaine. Je l’ai crue être le personnage principal et puis, non, c’est Simon qui a pris le relais, ensuite, l’enfant Jérémy. Aussi Violette. Et de temps en temps, Claire. Je l’ai finalement débusqué ce personnage principal, entre deux fourrés, c’est le lac entouré de sa vie animale et végétale. Les personnages tournent autour avec chacun leur trame de vie. Des histoires qui avancent aussi lentement que le kayak de Simon, à petits coups de pagaie donnés sur un lac lisse en surface mais riche par sa profondeur.
La structure de ce roman est très particulière. Elle me fait presque penser à des nouvelles plantées dans le même décor, à la grande différence près qu’il y a des liens entre les personnages. Ils se côtoient.
En bout de piste, de ne pas savoir sur qui centrer mon regard m’a un peu dérangé. Ça comporte des inconvénients, on s’attache au personnage, on le suit de très près et tout à coup, on l’abandonne à son sort pour en prendre un autre. Remarquez que l’avoir su à l’avance, peut-être aurais-je moins réagi. J’étais déstabilisée. Le pire pour nous a été le cas de Simon et Violette, l’histoire était forte, chargée de drame et elle s’est accostée sur la rive. L’auteure n’est jamais revenue tendre la main à Simon, pourtant un personnage liant et très présent. On peut dire qu’il est disparu avec son dénouement sous le bras.
C’est sur la campagne que Monique Proulx pose son regard aiguisé et d’une souveraine constance, pas sur l’univers de l’humain. La nature étant la vedette par excellence, les histoires humaines s’en ressentent. Elles sont intéressantes, non dépourvues de suspense mais elles avancent très lentement, intercalées par des chroniques naturalistes abondantes.
Pour apprécier, je vous conseille de cultiver l’état contemplatif, gens fébriles en quête d’actions et de sensations fortes, s’abstenir. Un roman essentiellement relaxant, inspirant et instructif.
Et pour les passionnés de la nature, c’est une bible. À relire même, car si riche dans sa langue que le goût s’impose d’y déposer les mots pour les déguster à nouveau. Comme du champagne !
* Roman lu à voix haute à Marc (mon chum de mari !)
INFO IMPORTANTE À RAJOUTER :
Les finalistes des prix GG - catégorie romans et nouvelles en français :
Jean-François Beauchemin, Ceci est mon corps (Québec Amérique)
Marie-Claire Blais, Naissance de Rebecca à l’ère des tourments (Boréal)
Guillaume Corbeil, L’art de la fugue (L’instant même)
Monique Proulx, Champagne (Boréal)
Jean-Pierre Trépanier, Colomia (Sémaphore)
Organisé par le Conseil des Arts du Canada, les Prix littéraires du Gouverneur général offrent une bourse de 25 000 $ à chaque lauréat. De plus, l’éditeur de chaque ouvrage gagnant reçcoit une subvention de 3 000 $ pour ses activités promotionnelles. Enfin, une somme de 1 000 $ est remise à tous les finalistes non lauréats. Les noms des lauréats seront dévoilés le mardi 18 novembre.
UN SINCÈRE BONNE CHANCE À MONIQUE PROULX !
20 commentaires:
J'ai lu ce roman en juillet car je voulais le lire avant une potentielle rencontre avec Monique Proulx pour les Correspondances d'Eastman ...
Finalement, je n'ai pas été aux correspondances ... et j'ai tellement aimé ma lecture que j'ai été vraiment très déçue de ne pas avoir pu rencontrer l'auteure pour lui dire à quel point j'aime sa plume.
Cela fait plusieurs romans que je lis d'elle et elle me fascine dans la facilité qu'elle a de me peindre un magnifique tableau sous les yeux et de m'emporter quelque part dans un petit coin de paradis québécois...
Une belle expérience de lecture !
@ Carine : Attention, je vais mettre le fer dans la plaie ... Aux Correspondances, Monique Proulx a donné une causerie où elle a abondamment parlé de ses habitudes d'écriture, ses valeurs, sa philosophie de vie. Elle est d'une simplicité pétillante et sereine.
Au tout début de notre relation, je lisais très souvent à voix haute. Le dernier a été Poils de Cairote de Paul Fournel. Ce livre semble tout indiqué pour recommencer...
Tiens, tiens... Champagne est en lice pour le prix du gouverneur général...
J'aimerais bien que Champagne gagne le prix. Remarquez que je n'ai pas lu les autres en lice.
J'aimerais bien que Champagne gagne le prix. Remarquez que je n'ai pas lu les autres en lice.
@ Réjean : Moi aussi, j'aimerais bien qu'elle gagne. Ça me donne toujours le goût de lire les autres cependant. Si c'était dont Dieu possible de lire tous les romans en compète ! Ça voudrait dire une chose : on fait rien d'autres !
Je ne comprends pas que je n'ai pas encore lu "Ceci est mon corps", après tout, J.F. Beauchemin est un auteur que j'aime beaucoup. Où il y a du "Jésus", ça me fait un peu peur mais paraîtrait-il qu'il ne faut pas. Amen.
Ah oui, dois-je vous répondre en double ?
Je vous taquine. J'adore vous taquiner.
Je prends bien les taquineries. Mais vous comprendrez que j'ai appuyé deux fois sur Publier commentaire parce que la première fois je croyais qu'il y avait eu un bogue. À propos du GG, je pense que Marie-Claire Blais pourrait faire une chaude lutte à Proulx. N'oubliez pas que ce prix est remis par des écrivains à des écrivains et que la question du style pèse lourd dans la balance. Or l'une et l'autre sont des virtuoses en ce domaine. Le jury était composé de Lise Bissonnette, Ying Chen et Robert Lalonde. Quant à Beauchemin, son roman ne m'attirait pas pour les mêmes raisons que vous.
Et hop, dans ma liste ! ;-)
Cette magnifique liste de lauréats me fait m'ennuyer cruellement :(
Rien de tout ça à portée de main, rien de tout ça sur ma pile ou tablette à m'attendre...
Ce commentaire n'est pas une plainte mais un cri du coeur pour tous ces auteurs magnifiques qu'on a au Québec!
Jean-François Beauchemin, en plus, il est trop gentil! Moi je souhaite que ce soit lui qui gagne... Ok, Ok, c'est parce que j'ai déjà piqué une petit jasette avec lui. Mais en effet, il ne faut pas se laisser rebuter par le soi-disant côté mystique de son roman, c'est très "humain", justement!
@ Béo : Je joins mon cri au tien ! C'est dommage qu'il n'y ait pas à Lauzanne, comme à Paris une "Librairie du Québec". Un jour, peut-être, non ?
@ Laurence : Je ne savais pas que tu aimais J.F. Beauchemin :-) ? J'ai déjà lu deux ses bouquins et il m'enchante. J'attends l'occasion pour son petit dernier. Je ne peux pas ne pas au moins tenter de le lire. Et le fait que tu as aimé, sais-tu, ça m'y incite encore plus.
Ce livre m'attend dans la pile... il est d'ailleurs dédicacé par l'auteure, que j'ai rencontrée au salon du livre de Québec. Ton billet donne vraiment envie de le lire!
Quant au livre de JF Beauchemin, je suis relativement peu tentée pour les mêmes raisons que toi...
@ Karine :) Je ne sais pas à quel endroit il est dans ta pile mais j'ai bien hâte d'avoir ton commentaire. Et puis, le mien aussi est dédicacé, ce qui lui donne une saveur très spéciale puisque c'était Aux Correspondances d'Eastman.
Je ne lis pas tout de suite ton billet car j'ai l'intention de lire ce roman dès que je mettrai la main dessus à la bibli! J'en ai entendu beaucoup de bien!
J'ai lu le Beauchemin (bof) mais ai été séduite par le Guilaume Corbeil. Je suis ravie de voir que, dès son premier essai, il a été accepté dans la cour des grands.
Je note Champagne pour un moment de calme... à jumeler avec Walden de Thoreau.
Depuis un bout dans ma pile à lire et je crois, qu'avec ton avis, je vais en devancé la lecture. Merci Venise.
Depuis un bout dans ma pile à lire et je crois, qu'avec ton avis, je vais en devancé la lecture. Merci Venise.
Euh devancer avec un r merci. Lol!
Comme l'appréciation d'une lecture tient bien souvent à nos états d'âme du moment, je me suis sentie en parfaite symbiose avec la nature décrite dans ce livre. Je levais les yeux et je regardais dehors, émerveillée de retrouver tout autour, la concrétisation de toutes ces beautés si joliment évoquées. Et puis repue, je replongeais dans ma lecture, pour à nouveau me laisser bercer par le clapotis des phrases et des chapitres. Paresseusement titillée par les intrigues légères qui en ponctuaient la trame sans pour autant la marteler. Sereine.
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