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mercredi 15 octobre 2008

Enthéos - La vie remise en question

Ça y est l’heure a sonné de commenter Enthéos. C’est plus difficile, je trouve, et pas seulement parce que l’auteure est de La Recrue (6 autres commentaires) mais surtout pour toutes les autres critiques déjà parues. Le roman s’est déjà ouvert un chemin.
C’était le destin de Thomas d’être lu par plusieurs yeux. Il en serait bienheureux s’il existait car il aime la lecture, c’est une Nourriture terrestre et il s’y alimente, délaissant une nourriture plus céleste.

Nous entrons dans la vie de Thomas au cœur de sa crise existentielle. Il remet la Vie en questions et Dieu ce qu’il en a à la bouche de la question ! Pour ces êtres qui s’efforcent de nier Dieu dans leur vie, il arrive qu’il y ait des anges qui se déposent sur leur trajectoire et c’est Elsa, son professeur de grec. Et son directeur de maîtrise l’entourera de sa bienveillante compréhension. Aussi bien entouré, reviendra-t-il à lui-même ? C’est le principal suspense du roman, delà l’importance capitale de s’attacher à Thomas. Pour être tout à fait franche, je m’y suis intéressé plus qu’attaché. Il est pourtant dans un état de vulnérabilité qui, habituellement, me va droit au cœur. Est-ce que son questionnement existentiel rimait trop avec rationnel pour que je m’approche de ses émotions à l’état brut ? J’ai quand même pris contact avec sa douleur, celle qui nous dépasse, nous avale tout rond, par son inconscient, ses cauchemars.

J’ai vibré à l’intensité d’Elsa. J’en suis surprise puisque c’est un personnage qui projette un détachement hors du commun vis-à-vis la vie et sa vie. Pourtant le détachement n’ouvre pas sur la passion et je sentais sourdre un volcan de lave passionnelle en cette femme. J’ai aimé leur relation, extrêmement bien décrite à elle et Thomas. Le sentiment amoureux était justement rendu. C’est Elsa qui m’a ouvert le cœur de Thomas.

Je n’ai pas encore parlé du style. Je ne suis habituellement pas emballée par les styles hachurés qui m’apparaissent vouloir se donner du style justement. Mais, ici, il est entièrement vécu. C’est le souffle de l’auteure, sa respiration. J’entendais les silences, remplis à ras bord. J’ai conclu que, pour que ce soit aussi réussi, il est important de bien voir ce qui est décrit. Julie Gravel-Richard le voit très clairement et c’est une force inestimable. Ce sont des coups de ciseaux précis, justes, qui tombent dans la masse de mots, les ordonnent, leur conférant une force de frappe qui nous martèle l’histoire en tête.

C’est le roman de toutes les dualités : passion/raison, engagement/fuite, doute/foi, conscient/inconscient, vie/mort et le message porté par l’œuvre me ravissait au départ : l’enthousiasme, symptôme de la présence de Dieu en soi. Cette prémisse, je l’avalais déjà tout rond. J’en ai cependant apprécié la démonstration, malgré le côté assez prévisible pour moi, peut-être justement parce que j’y croyais tant.

Il y a la toute fin qui se ferme sur un mystère … il en faut quand on aborde la théologie !

13 commentaires:

Anonyme a dit...

J'avais définitivement hâte de voir ce que La Recrue en penserait! Je crois avoir davantage apprécié que toi mais je suis tout à fait d'accord sur le style!!

Anonyme a dit...

Chère Venise,

Je trouve que vous avez très bien rendu ce que je pense de ce roman. C'est une histoire bien ficelée qui va rejoindre les gens qui vivent ou ont déjà vécu une crise existentielle, qu'elle soit religieuse ou autre. J'ai aimé la description que l'auteure en a faite. Comme vous dites, ça m'a intéressé mais pas passionné. Pour y adhérer complètement, j'aurais aimé que le conflit que vit Thomas ne se passe pas seulement dans sa tête (à cet égard, ses cauchemars sont révélateurs) mais aussi et surtout dans ses tripes, dans son ventre, siège des émotions fortes. Ah, comme j'aurais été touché de le voir crier, pleurer, vomir, frapper dans les murs, ruer dans les brancards... Au lieu de quoi, il a surtout tendance à s'enfermer dans sa chambre, à fumer son joint et à se refugier dans un savoir livresque.

Le style de l'auteure est bien travaillé. Julie Gravel-Richard a fait le choix de phrases courtes, hachées, ce qui crée un effet d'accélération du récit. Je me suis par contre à quelques reprises interrogé sur ce choix. J'aurais trouvé pertinent que cette vitesse cède parfois sa place à une lenteur qui aurait pu permettre au drame intérieur de Thomas un répit, une pause, que dire, une plage où se poser et vivre.

Le personnage d'Elsa est très intéressant. Mais ne se donne-t-elle pas un peu trop rapidement à Thomas ? C'est vrai que le décompte est commencé pour elle. Le temps presse. J'aurais aussi aimé que soit soulevée la question de l'éthique. Je m'explique : une prof qui couche avec son élève, si adultes soient-ils, cela peut-il poser un problème d'éthique ? Suis-je trop vieux jeu pour soulever cette question ? Peut-être.

De tous les personnages, c'est celui de Christian qui m'a le plus bouleversé. L'auteur, par flashes, a bien rendu sa tragédie. Ces passages m'ont captivé, au point de me dire ceci : c'est cette histoire-là que moi, bien humblement, j'aurais aimé me faire raconter tout du long.

Quant à la fin, elle m'a laissé un peu perplexe sur le coup, mais, avec le recul, je trouve que c'est une bonne idée, du moins dans l'interprétation que j'en fais et que je ne vous révélerai pas ici, de crainte de brûler le «punch».

Enfin, je crois que cette auteur a du talent et que les éditions Hamac, qui ont fait un beau travail sur ce livre, ont eu raison de la publier.

Je lirai très certainement son prochain roman.

Venise a dit...

@ Karine : Oui, je me souviens de ta description enthousiaste. C'est comme je disais à Maxime (rédacteur La Recrue) qui, lui, est extrêmement enthousiaste, je me sens un peu différente d'avoir manqué d'enthousiasme. Je ne suis pas déçue car j'ai apprécié le roman et j'ai déjà hâte au prochain, mais je m'attendais à plus d'émotion de ma part.
@ Réjean : Ah, vous me faite tout un honneur d'ajouter votre commentaire de lecture au mien ! Semblerait-il que nos impressions se ressemblent grandement et moi, aussi, j'ai eu des frissons au contact fugitif de Christian. Il n'y a que le style qui nous différencie vraiment car je l'ai aimé tel quel.
Merci encore de votre générosité de rajouter un commentaire aussi élaboré, je suis certaine que l'auteure va apprécier. Elle prend tout.

Anonyme a dit...

Excellent billet en toute objectivité. Bravo.

Anonyme a dit...

Venise, vous qui êtes épistolière, j'attire votre attention sur ce dossier.

http://bibliobs.nouvelobs.com/2007/10/09/chers-auteurs

Anonyme a dit...

Je suis tombé par hasard sur ce carnet. C'est un monde intéressant que le vôtre. Je suis persuadé que je vais faire de belles découvertes.

Merci!

Venise a dit...

lhiverakhartoum :
Votre attraction pour Le Passe-Mot me fait plaisir. Cela m'a donné le goût de passer par chez vous et je vais y faire plus que des visites de politesse, parce que j'ai bien aimé.

Venise a dit...

@ Réjean : Merci pour cette adresse. J'ai lu une seule lettre, celle adressée à Dany Laferrière. Je connais très peu les autres. Mais quelle lettre j'ai lue ! Fantaisiste à souhait, allant comme un gant à un Laferrière à l'imagination débridée sur l'absurde.
J'aimerais une telle initiative pour nos écrivains.
Les Correspondances d'Eastman l'ont proposé cette année et il y a eu très peu de participants. Je suis certaine que ça serait tout simplement captivant d'en faire un recueil. À la deuxième édition des Correspondances, ils ont édité Zone, un mignon petit bouquin qui renferme une correspondance entre personnalités connues qu'on avait matché pour l'occasion. J'adore ce livret et je devrais le relire, il me manque juste d'en parler !

Danaée a dit...

Bonjour Venise et Réjean!
Venise, j'avais lu ton commentaire sur la Recrue, mais je lis ici celui de Réjean, très complet, à ce qu'il me semble.

Je vois bien que le personnage de Thomas n'a pas rejoint votre "âme" (un mot à la mode ces jours-ci sur mon blogue!!! ;) ) mais seulement votre intellect. Je ne peux que constater cet état de fait, malheureusement. Le livre est terminé et vit sa vie, à présent.

Cependant, je voyais vraiment Thomas comme un être qui se réfugie dans sa seule raison. Je ne voulais pas nécessairement le faire hurler ou tout casser. En fait, il craque, quelque part dans le roman (près d'une des tours Martello sur les Plaines). Et c'est la première fois qu'il pleure dans le récit. Ensuite, il va progressivement se rebrancher sur son coeur et sa passion.

C'est certain que j'aimerais avoir "réussi mon coup" avec tout le monde, y compris toi, Venise, que je connais un peu. Je me console en lisant les commentaires de ceux qui ont totalement adhéré à l'histoire, qui ont vécu avec leurs trippes chaque étape du roman.

Évidemment, j'essaierai de faire mieux la prochaine fois, mais j'ai plutôt l'impression que je ne me réinventerai pas complètement!

Merci, en tout cas! Et salutations, Réjean!

Anonyme a dit...

Danaée, vous avez déjà bien fait pour une première fois. Quant à la prochaine, vous dites que vous ne vous réinventerez pas complètement, eh bien, moi je vous dis de vous faire confiance et vous allez vous surprendre vous-même. Ayez du plaisir, c'est ce qui compte dans l'acte d'écrire.

Venise a dit...

Le site La Recrue

Unknown a dit...

Julie Gravel-Richard signe ici ce que j’ai ressenti comme rien de moins que son legs existentiel à l’humanité. Appuyant son postulat sur les introspections philosophiques, théologiques et idéologiques des plus grands penseurs de tous les temps, l’auteure appose l’ultime dualité de mourir tout en restant vivant et/ou vivre tout en étant mourant - et ce faisant, nous livre une vibrante apologie de la vie et l’essence même de son « enthéos ». Une œuvre magistrale, manifestement habitée par le divin, après laquelle on peut mourir sans regret. En autant que faire se peut…

Venise a dit...

Danielle : Tu viens de donner des ailes à l'auteure, j'en suis certaine. Elle travaille très fort à son troisième titre, puisque entre temps, comme tu le sais, elle a sorti "Soleil en tête".

Enthéos est un titre qui aura la vie longue, l'histoire est intemporelle.