À mes débuts du Passe-Mot, je ne savais pas qu’est-ce qui m’attendait. En tout cas, j’aurais bien été incapable de prévoir que les auteurs eux-mêmes viendraient, parfois, lire mes comptes rendus. Finalement, le « parfois » est de plus en plus souvent et je ne m’en plains pas. Pour n’en nommer que quelques uns : Jean-François Beauchemin, Louise Portal, Bruno Hébert, Christian Mistral, Denis Thériault, Julie Gravel-Racine, Christine Eddie, Pierre Szalowski.
Il y a une personne qui sait jusqu’à quel point les écrivains ont besoin de se savoir lu, compris, apprécié et elle jette des ponts entre eux et moi. Hier, par exemple, de lire mon billet et les commentaires encourageants ont réchauffé le cœur de Monique Proulx. Le travail de l’écrivain est solitaire. Il doit quitter momentanément son univers rempli de points de repère pour plonger dans ses entrailles et y ramener du plus que vivant. Une auteure comme Monique Proulx qui prend environ 5-6 ans pour sortir son roman, doit renouveler sa motivation, qu’elle reste vive comme une vie qui bat la chamade. Ses personnages lui en donnent de la motivation mais ils sont si dépendants d’elle !
Au début, le fait que l’auteur lui-même me lise était dans l’ordre du exceptionnel. Je reprenais le collier en me disant, continuons de se placoter ça entre lecteurs. Maintenant, c’est autre chose, je fais mes classes. Je me suis donné comme règle absolue de toujours écrire mes comptes rendus comme si l’écrivain lisait au-dessus de mon épaule. Exigeant, vous allez me dire. Oui, ce l’est mais c’est incontournable pour moi maintenant. Dès la lecture du bouquin, je me mets dans cet état d’être en mesure d’exposer clairement ce que je ressens. Ce que je ressens importe peu en bout de ligne, puisque mon codage personnel est justement personnel alors est-ce vraiment discutable, mais d’arriver à bien le transmettre, voilà ce qui est primordial.
Il m’est arrivé de ne pas être cent pour cent honnête, par négligence peut-être. S’expliquer exige effort et courage. Je me suis déjà compromis dans un compte-rendu, prétendant avoir eu de la difficulté avec tel personnage, tel décor ou tel ambiance, quant en fait, c’était autre chose. C’était plus émotif comme raison et je ne l’ai pas abordée. Je le regrette encore.
C’est humain, oui, ce l’est. Pareil aux rencontres de la vie, on nous présente une personne et on ne sait pas pourquoi, on ne l’aime pas. On ne cherche pas à savoir pourquoi, en fait. Pour un roman, c’est plus facile de tenter de savoir pourquoi, les pages ne te sautent pas dans la figure pour t’agresser (!), on peut faire de l’introspection, débroussailler ses humeurs, et ensuite essayer d’exposer les faits, tout en identifiant sa propre émotion qui s’en est emparée.
À mon avis, du coup, on rend non seulement un service à l’écrivain, qui a le droit au meilleur de notre lecture, mais à soi. On apprend à se connaître.
20 commentaires:
Mais quel beau billet!
Comment dire.... Le fait de savoir l'auteur-re au dessus de son épaule avant d'émettre une critique, donne une toute autre dimension à la dite critique. À mon avis.
Parce que c'est facile d'aimer lire, d'aimer en faire un compte-rendu fidèle à son feeling...
Par contre faut prendre soit des notes en lisant-voir ce qui nous marque, ce qui accroche moins...-, soit faire la critique à chaud.
Pour ma part, la question au final est de voir si "le monde, l'univers, les personnages" de l'auteur-re sont venus me chercher.
Ce n'est jamais une question de pile et hop: on passe à un autre appel.
Comme tu le mentionnes si bien: le commettant y mets toute son âme et son énergie vitale à nous pondre un oeuvre qui n'a absolument pas l'obligation de nous plaire. De nous rejoindre oui.
Là est toute la question. Et le commettant n'est pas une vedette d'Hollywood, caché derrière ses verres fumés. C'est un comtemporain-là c'est plus plaisant à cotoyer déjà-; avec toute son humanité prête à venir à notre rencontre...
@ Béo : Quelle belle sensibilité tu as, je suis touchée. Je me sens comprise car tu as parfaitement saisi ce que je voulais signifier. J'aime bien ton image que l'écrivain qui n'est pas une vedette d'Hollywood inaccessible. C'est un des nôtres, tout près. C'est ce qui m'a pris au coeur et ensuite à la gorge. Ça peut être ton frère, une amie, et parfois, ce l'est un frère ou une amie par le coeur. C'est donc excessivement important pour moi de ne jamais me placer au-dessus de l'oeuvre. Je me surveille étroitement ... et j'espère que l'on me surveille aussi ;-)
Tu sais, ces histoires de blogue, ça nous rapproche. Ça mélange tout ce beau monde: les lecteurs, les écrivains, les éditeurs... et plus on se rapproche, plus il peut y avoir d'intensité (et de frictions parfois... normal!) Être un bon critique, à mon avis, c'est savoir se détacher, être objectif. Être un bon lecteur, c'est se laisser emporter, accepter de s'ouvrir, d'ouvrir "les vannes". Deux choses qui semblent opposées, non? Mais on est plein de contradictions, et toi Venise, tu me sembles une nébuleuse ou tournoient toutes ces contradictions, ces joies, ces frustrations... Tu brasses ben des affaires!! :-) Mais le plus beau, c'est le scintillement de la nébuleuse: le scintillement de l'authenticité. Être authentique, c'est rare. C'est une précieuse qualité que tu as, Venise! Alors ne te laisse pas trop influencer ou impressionner par l'auteur. Son regard au-dessus de ton épaule quand tu lis ne dois jamais devenir un poids. Reste comme tu es: capable de dire ce que tu as ressentis honnêtement, sans chichis: autant si tu as aimé comme si tu es restée tiède. C'est le meilleur service que tu peux rendre aux écrivains! Et surtout, continue de revendiquer le droit de parler franchement et celui de te taire, quand tu en as envie!
Venise, je suis entièrement d'accord avec les propos de Laurence. Elle a très bien résumé ce que je pense du rapport avec les écrivains. Chapeau, Laurence !
@ Laurence : Exact ! Mon "sentir l'écrivain au-dessus de mon épaule" n'empêche pas pour moi l'attitude d'équilibre que tu décris.
Le syndrome "écrivain au dessus de mon épaule" est une image stimulante pour rester vigilante. Je reste convaincue qu'il faut se surveiller de près, il est si facile de tomber dans la facilité !
Je n'ai absolument pas le goût de m'empêcher de dire ce que je pense, même si les écrivains rôdent, ou si je les rencontre. Parce qu'alors, je n'aurais plus de plaisir. Sans compter, que cela serait une insulte à l'écrivain. Et puis comme tu dis, je m'éloignerais de ma fameuse authenticité, valeur fondamentale pour moi !
@ Réjean : C'est plaisant quelqu'un qui pense comme nous, n'est-ce pas ? C'est vrai que Laurence a très bien décrit l'attitude idéale. Il y a du réfléchi là-dedans.
Chu jamais allé lire tes comptes rendus parce qu'ils auraient rendu compte de mes livres, à la différence des autres auteurs que tu cites. J'y suis allé parce que ta mission est importante pour les jeunes écrivains, et je m'y suis particulièrement intéressé à partir de Simon Girard. Ce qui m'a fait voir que tu risquais de tomber sous le charme abruti de Stanley Péan, et c'est devenu ma mission à moi d'empêcher ça. Et patati et patata, on est des potes real tight astheure. On le restera toujours si tu me cites plus jamais dans la même liste que ci-haut, ma foi du bon yeu.
And that's the truth.
Que quelques mots pour te dire que ceux de Laurence rejoignent également ce que je pense. L'authenticité c'est ce qui doit primer. C'est tout.
Bonne journée
Damn right! L'authenticité. Rien de tel. Surtout celle qui est bien ouvragée, stylisée, écrite quoi! On s'imagine que c'est facile, de faker l'authenticité.
Pas du tout Mistral, la tienne peut-être à l'écrit Qui sait? lol!!!!
Nan les mots de dame Venise sont sains et authentiques, ça se «sent». Et je cesse ici tout début de débat. Merci
Tu fais ça vite, un débat, toi, dis donc! Trois coups de cuiller à pot!
Ça a l'air tellement plus le fun de débattre quand on est tout seul, et ça sauve un temps fou, sans parler de la chicane inutile. Mmouis, en somme, une idée bien de notre ère. Bravo.
@ Suzanne : Merci pour ta confiance. J'apprécie beaucoup.
Personnellement, d'imaginer l'écrivain en train de lire par dessus mon épaule, ça me paralyserait, surtout quand je n'ai pas aimé son livre! J'aime mieux ne pas y penser...
Mistral, si j'ai bien compris: tu crois que l'authenticité de Venise est fausse? Qu'elle s'évertue à feindre l'authenticité? J'aimerais connaître tes raisons. Moi, je suis convaincue que Venise est une personne authentique: je crois qu'elle n'a rien à perdre ou à gagner à dire honnêtement ce qu'elle a pensé d'un livre. Même si elle avait à perdre ou à gagner, je suis persuadée qu'elle donnerait sa véritable opinion: elle a confessé qu'elle ne l'a pas fait à une occasion et qu'elle l'a bien regretté.
Mieux vaut avoir un écrivain au-dessus de l'épaule qu'un flamant rose !
C'est vrai que les auteurs peuvent avoir accès à pas mal de réactions à la lecture de leurs livres en se baladant sur internet.
En ce qui me concerne, je ne pense pas en termes d'auteur mais plutôt en termes de plaisir de lecture. Quand le livre me plaît j'essaie d'expliquer pourquoi. Idem quand il ne me plaît pas. J'ai eu la chance dans une autre vie de tester des restos alors que je n'avais pas de qualification particulière en ce domaine sinon celle de représenter le client lambda. Peu importe le cuisinier si le plaisir de manger est là. De même je suis un lecteur lambda. L'important est de rester honnête, voire juste, dans ce qu'on écrit après une lecture. L'authenticité est un terme galvaudé et vide de sens.
Pour finir, je me demande quel peut être l'impact d'une critique négative sur un blog, même moindrement influent, pour un auteur. Même une critique injuste n'aurait sans doute pas beaucoup d'écho.
Mais non, pas du tout! J'ai dû mal m'exprimer. Personne n'est plus vrai que Venise.
@ Phil : Surtout un flamand rose lumineux !
J'aime bien ta comparaison avec la bouffe et le chef cuisinier. En tout cas, c'est l'argument qui me fait le plus réfléchir. Peut-être suis-je trop obnubilée par l'auteur derrière l'oeuvre.
Pour ce qui est de l'impact d'un billet dans un blogue, j'y crois.
Autant quand j'ai exulté d'enthousiasme pour Les Accoucheuses (tome I et II), en suivant les autres blogues, j'ai réalisé que plusieurs l'avaient acheté se basant sur mon enthousiasme. Si c'est vrai de faire acheter une oeuvre, pourquoi ce ne serait pas vrai de l'autre ?
@ Mistral : Merci.
Je t'avais mal compris, Mistral, me semblait aussi... ;-)
Phil, quelle chance!!! Mon chum rrrrrêve d'être goûteur professionnel!!!! L'authenticité, un concept galvaudé? Je ne crois pas: quand tu es devant l'authenticité, tu t'en rends compte, à mon avis. Il est facile de détecter ceux qui ne s'en donnent que l'air...
@ Laurence : c'est le mot authenticité qui est galvaudé car il a été employé à toutes les sauces (pour filer la métaphore culinaire). Mais je suis d'accord avec toi : le concept lui est bien réel.
Je savoure toujours ma chance d'avoir pu tester des restos très variés aux frais de la princesse. Y a eu du bon et du moins bon...
Ah, d'accord, Phil, je t'avais mal compris aussi... coudonc, je ne suis pas trop réveillée ces temps-ci... ;-)
Carence de poutine!
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